[Carnet noir] Michael Cimino, l’un des plus grands réalisateurs de son temps, est mort

NEWS | 2 juillet 2016 | Aucun commentaire

Né le 3 février 1939 à New York, Michael Cimino étudie le théâtre et l’architecture à l’université de Yale avant de réaliser des documentaires courts et des spots publicitaires. Il parvient à vendre un scénario qui deviendra Silent Running, que Douglas Trumbull réalisera. En 1973, il signe le script de Magnum Force, la suite des aventures de l’Inspecteur Harry, avec Clint Eastwood. Eastwood qui appuie le jeune homme qui passe alors à la mise en scène avec Le Canardeur, qui compte aussi dans ses rangs un débutant du nom de Jeff Bridges. Les critiques de l’époque soulignent déjà le style affirmé de Cimino qui, malgré l’engouement qu’il suscite, prend son temps. En 1978, il porte à l’écran un de ses scénarios. Ce sera son premier et peut-être son plus grand chef-d’oeuvre.

Voyage au Bout de l’Enfer remporte un énorme succès auprès du public, et -c’est la marque des grands- divise la critique. Porté par un casting composé de Robert De Niro, Christopher Walken, Meryl Streep, John Savage et John Cazale, le film s’impose comme l’oeuvre culte de la génération post-Viet Nam. Celle qui a su synthétiser au mieux le traumatisme de toute une nation, qui a bien du mal à regarder en face son échec dans un conflit meurtrier aux conséquences désastreuses. Drame à la puissance inégalée, d’une sauvagerie et d’une poésie incroyables, Voyage au Bout de l’Enfer (The Deer Hunter en version originale) raconte ainsi le départ pour la guerre du Viet Nam de plusieurs copains. Des amis que le conflit va détruire en profondeur et qui, à leur retour au pays, ne seront plus jamais les mêmes. Les États-Unis voient dans ce monumental pamphlet à charge un reflet de leurs craintes et de leurs contradictions. Non content de contribuer à élever le statut de De Niro, Walken ou Meryl Streep, qui débute à peine, il fait aussi de Michael Cimino l’un des cinéastes les plus talentueux et incontournables de sa génération. 5 Oscars à la clé, dont celui du Meilleur réalisateur et du Meilleur film.

Une célébrité qui pousse le studio United Artists à lui confier la réalisation d’un projet pharaonique de 40 millions de dollars. À sa sortie, La Porte du Paradis (avec Kris Kristofferson), une fresque dont la première version présentée atteint 3h39 (Cimino remontera ensuite son film pour ramener sa durée à 2h29), est totalement incompris et fait un flop retentissant. Le long-métrage est mutilé puis molesté. Il provoque même carrément la faillite d’United Artists et fait de Cimino un tricard dans le milieu. Plus personne ne veut travailler avec lui. Ce n’est qu’en 1985 qu’il parvient à revenir aux affaires avec L’Année du Dragon, soit l’un des polars les plus âpres de l’histoire du cinéma. Un uppercut violent et poisseux qui bénéficie en outre de la présence électrisante d’un Mickey Rourke possédé, alors en pleine possession de ses moyens, mais qu’une certaine presse fustige en taxant le réalisateur de raciste. On peut légitimement considérer qu’il s’agit-là de son dernier grand coup d’éclat.

Clint Eastwood et Michael Cimino en février 2014

Clint Eastwood et Michael Cimino en février 2014

En 1987, Michael Cimino adapte Le Silicien, un roman de Mario Puzzo, l’auteur du Parrain, mais le succès n’est pas au rendez-vous. Desperate Hours (La Maison des Otages), le remake d’un film de William Wyler, également avec Mickey Rourke, mais aussi Anthony Hopkins, sort en 1990 dans un indifférence polie, malgré des qualités probantes. Nous sommes en 1990 et il faut attendre 6 ans avant de voir débarquer dans les salles The Sunchaser, avec Woody Harrelson, qui est sélectionné à Cannes, sans pour autant remporter un quelconque prix. Ce sera le dernier film de Michael Cimino.

Les critiques, les accusations et les divers problèmes qui ont jalonné la carrière du metteur en scène, ont fini par avoir raison de lui. Beaucoup de ses projets, aussi enthousiasmants soient-ils, ne virent jamais le jour et si il est brièvement revenu sur un plateau de cinéma en 2007, ce ne fut que pour réaliser un segment du film choral Chacun son cinéma, à l’occasion des 60 ans du Festival de Cannes. En 2001, Cimino a également publié son premier roman, intitulé Big Jane. Un unique livre salué par la critique.

Retiré depuis 20 ans, discret, effacé et ce malgré les nombreux artistes qui n’ont eu de cesse de rappeler l’importance de son cinéma, Michael Cimino est décédé ce samedi 2 juillet. Il avait 77 ans.

On peut affirmer sans le moindre doute qu’il restera comme l’un des réalisateurs les plus cruciaux, les plus talentueux, les plus influents et sensibles de l’Histoire.

@ Gilles Rolland 

Par Gilles Rolland le 2 juillet 2016

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