[Critique] RHUM EXPRESS

CRITIQUES | 18 janvier 2012 | Aucun commentaire

Titre original : The Rum Diary

Rating: ★★★★½
Origine : États-Unis
Réalisateur : Bruce Robinson
Distribution : Johnny Depp, Amber Heard, Aaron Eckhart, Michael Rispoli, Giovanni Ribisi, Richard Jenkins, Amaury Nolasco…
Genre : Comédie/Adaptation
Date de sortie : 30 novembre 2011

Le Pitch :
Paul Kemp, un journaliste alcoolique malgré lui, décide de laisser tomber la vie New-Yorkaise pour s’installer à Porto Rico. Engagé par un journal local, Paul fait rapidement la connaissance de la faune locale. Entre coup de foudre, dilemme moral, amitiés imbibées et escapades hallucinées, le quotidien de Paul n’est pas de tout repos et le rhum jamais bien loin…

 

La Critique :
Quand il adapte Las Vegas Parano, Terry Gilliam réalise un chef-d’œuvre. L’alchimie entre l’univers de l’ex-Monty Python et Hunter S. Thomson sonne comme une évidence, Johnny Depp, de son côté, incarnant à merveille l’alter-égo de Thompson à l’écran. Tout le monde (ou presque) attendait de retrouver dans Rhum Express, cet esprit si particulier tout en sachant, pour les plus informés, que de toute façon, ce ne serait jamais la même chose ; Bruce Robinson n’étant pas Terry Gilliam. Ce que les détracteurs du film ont tendance à oublier, c’est que Rhum Express (le livre) n’est pas Las Vegas Parano (le livre) et que l’univers de l’écrivain est suffisamment dense pour accepter de multiples interprétations. Comment alors ne pas être déçu par cette nouvelle adaptation ? Tout simplement en ne cherchant pas à l’opposer à son ainé. Même si, j’en conviens, ce n’est pas toujours facile.

C’est ainsi certainement pour cela que la plupart des critiques non pas aimé le film de Robinson. Bien sûr, tout le monde n’a pas vu Las Vegas Parano et on peut aussi reprocher au film tout un tas de trucs. On peut le trouver plutôt lent, long et bavard. Rhum Express peut apparaitre comme un curieux trip vide de sens et vain, sans qu’on le compare avec le long métrage de Gilliam.
Quoi qu’il en soit, je prends le risque de nager à contre-courant en affirmant que Rhum Express est réellement un très bon film (indépendamment ou pas de Las Vegas Parano d’ailleurs).
Écrit par un Thompson débutant mais déjà très en forme, et oublié au fond d’un tiroir, Rhum Express s’est vu édité sur le tard après avoir tapé dans l’oeil de Johnny Depp. Grand ami de Thompson, celui qui fut également son exécuteur testamentaire, a donc produit le film, tout en occupant la tête d’affiche. Et dès les premières minutes on sent que l’acteur est à sa place. Enfin sorti (pour un temps) des frusques mitées de Jack Sparrow, Depp revient au charbon et incarne une nouvelle fois une version alternative du journaliste gonzo, sans singer ou reproduire son boulot de Las Vegas Parano. A l’image de l’auteur, l’acteur incarne un homme en manque de repères, qui affirme n’avoir aucun style et qui trimballe sa carcasse de verres de Rhum en plages paradisiaques, l’air de rien. C’est lui qui porte l’intrigue, ainsi que tous ceux qui croisent sa route. Que ce soit la sublime Amber Heard, parfaite en archétype de la femme fatale, à Michael Rispoli, véritablement grandiose en compagnon d’infortune alcoolo, la distribution donne du corps à la prose de Thompson. Une prose déconstruite, tour à tour satirique, dénonciatrice (le capitalisme…), sulfureuse et psychédélique, qui peut décontenancer. Le script zigzagant sans cesse entre les sous intrigues quitte à laisser en plan certains enjeux. Un détail qui pourra frustrer mais qui s’avère très important dans sa capacité à relever le classicisme de la réalisation.

Comme je l’ai indiqué plus haut, Bruce Robinson n’est pas Terry Gilliam. Le vétéran est un cinéaste sage et on sent plusieurs fois une hésitation un peu balourde à traiter les délires de Thompson. Le meilleur exemple étant la scène de défonce, qui renvoie à Las Vegas Parano et qui manque cruellement de rythme et d’inventivité.
Néanmoins, Robinson se montre plus d’une fois inspiré, comme quand il rend justice à l’ambiance muy caliente de Porto Rico par exemple. Le film possède une patine résolument vintage, et garde tout du long ce parfum désuet absolument exquis. De quoi créer un furieux décalage entre les mots et le cadre. Ce qui dans tous les cas démontre d’un travail minutieux et d’une succession de partis-pris audacieux, qui font de Rhum Express un film à part entière et non une photocopie pâlichonne de Las Vegas Parano.
Un produit personnel qui réserve en plus de très bons gags (même si le terme ne semble pas convenir), reposants la plupart du temps sur la belle alchimie qui anime le duo Depp/Rispoli, et qui jouit d’une conclusion -qui tient en un petit texte- ultra savoureuse.
Dommage alors que Rhum Express ne soit pas reconnu à sa juste valeur. Certes un peu bancal et souffrant de quelques baisses de régime, le film est loin d’être un échec artistique. Force est de reconnaitre en Depp le talent d’avoir su rendre justice à la plume de Thomson, en montant ce film imparfait mais vraiment très attachant.

@ Gilles Rolland

 

Par Gilles Rolland le 18 janvier 2012

Déposer un commentaire

S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires