[Critique] A DANGEROUS METHOD

CRITIQUES | 22 janvier 2012 | 1 commentaire

Titre original : A Dangerous Method

Rating: ★★★★☆
Origine : Grande-Bretagne/Allemagne/Suisse/Canada
Réalisateur : David Cronenberg
Distribution : Michael Fassbender, Keira Knightley, Viggo Mortensen, Vincent Cassel, Sarah Gadon…
Genre : Drame psychologique
Date de sortie : 21 décembre 2011

Le Pitch :
Sabina Spielrein, une jeune femme souffrant d’hystérie, est admise dans la clinique où officie le docteur Carl Jung. Ce dernier, psychanalyste de renom, arrive à déterminer l’origine des crises de Sabina, mais ne peut s’empêcher de nouer une relation plus qu’ambivalente avec sa patiente. En parallèle, Jung se rapproche de l’imminent Sigmund Freud, avec qui il échange ses idées révolutionnaires sur ce qui deviendra la psychologie analytique. C’est lorsque Freud prend connaissance de la relation de Sabina et de Jung que les évènements prennent un tournant tout autre…

La Critique :
A un moment clé du film, Freud déclare à son “poulain”, le jeune Carl Jung, que leurs travaux seront encore sujets à controverse dans une centaine d’année. Autrement dit, à notre époque. C’est bien évidemment le cas, même si, dans une certaine mesure, la psychanalyse n’est plus aussi tabou qu’avant (merci Woody Allen). Autant dire, qu’à partir de là, aborder de front un sujet où les deux protagonistes principaux se nomment Jung et Freud, relevait de l’expérience ô combien casse-gueule. Mais Cronenberg n’est pas de ceux qui s’inquiètent spécialement du qu’en-dira-t-on et sa propension à emprunter des chemins de traverses n’est plus à prouver. Ici, il s’acquitte avec l’effronterie qui le caractérise de sa tache et remplit en majeure partie l’objectif fixé par son pitch.

A Dangerous Method est un film austère. Froid et parfois carrément repoussant à vrai dire. Pour autant, le dernier Cronenberg est bel et bien passionnant. De bout en bout. Le réalisateur canadien raconte les débuts de la psychanalyse via les ressentis profonds des deux acteurs majeurs de la discipline et par cela, brosse un portrait à la fois actuel et édifiant de tout un courant de pensée. Forcément, difficile voire impossible de parler de psychologie sans paraitre par moment ennuyeux. A Dangerous Method demande un certain effort de concentration et ne touchera bien évidemment que ceux qui éprouvent un minimum d’intérêt pour le sujet. Les autres, ceux qui en gros se moquent de la chose, peuvent passer leur chemin, ils ne rateront rien.
A une époque où les psychologues sont souvent les pivots d’histoires comiques et satiriques, Cronenberg opte pour un premier degré couillu et déconcertant. Il n’évite pas l’ambiguïté, profite des perversions de ses héros et n’épargne rien à ses acteurs, ni à son public.
Si Viggo Mortensen est une nouvelle fois impressionnant en Freud (qui étonnamment est le vecteur d’un certain “humour”), c’est dans le duo Fassbender/Knightley qu’il faut aller chercher l’essence du long-métrage. Entretenant des rapports aussi dérangeants que viscéraux, le docteur et sa patiente échangent bien plus que des fluides corporels lors de leurs coucheries anti-déontologiques. Dès le début du film, Jung et Sabina s’apparentent à deux vases communicants, inter-changeant leurs sentiments, leurs ressentis et, on s’en doute, leurs névroses. Une relation passionnante et perturbante qui hante la totalité du film. Un impact renforcé par la véracité des faits, car après tout, A Dangerous Method est aussi un film historique. Une fresque austère certes, mais pas si loin des préoccupations de Cronenberg.
Ici, le réalisateur de La Mouche et de Videodrome continue d’explorer les déviances du genre humain. Non pas au travers des déformations du corps, mais via les déviances de l’esprit.

A Dangerous Method démontre ainsi de la pugnacité d’un artiste et de son refus obstiné à céder à la facilité. Les acteurs au générique du film sont eux aussi à saluer. Keira Knightley, sous son hystérie, livre une performance totale, troublante dans sa capacité à laisser filtrer une certaine séduction au travers de l’immondice des perversions provoquées par un traumatisme profondément enfoui. Michael Fassbender est quant à lui une nouvelle fois impeccable. Ambivalent au possible, le comédien s’impose pour la troisième fois cette année dans un rôle difficile et exigeant. Les “séances” où il donne la réplique à Viggo Mortensen font partie de ces moments, où le talent des forces en présence éclate comme une évidence, dépassant le simple exercice théâtral pour pénétrer une dimension plus profonde.
Les deux hommes traduisent la complexité de la relation entre un maitre et son élève, un père et son fils (spirituel), ou encore entre deux ennemis/concurrents en devenir.

Une fois encore, Cronenberg prend son public à revers. Sous des aspects très théâtraux et classiques se cachent pourtant les obsessions d’un artiste authentique. Parfois maladroit, clinique, très frontal et un peu trop prolixe, Cronenberg signe une œuvre sans concession, qui s’entrevoit dans sa totalité. Avec ses défauts et ses qualités.

@ Gilles Rolland

 

Par Gilles Rolland le 22 janvier 2012

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[…] que son Dangerous Method, biopic psychanalyste décrié par les uns et acclamé par les autres (nous on a vachement aimé), a marqué la fin de l’année 2011, le réalisateur revient le 23 mai (en plein marathon […]