[Critique] AUGUSTINE

CRITIQUES | 21 novembre 2012 | Aucun commentaire

Rating: ★★★☆☆

Origine : France
Réalisateur : Alice Winocour
Distribution : Stéphanie Sokolinski, Vincent Lindon, Chiara Mastroianni, Olivier Rabourdin, Roxane Duran, Lise Lametrie, Sophie Cattani, Grégoire Colin…
Genre : Drame
Date de sortie : 7 novembre 2012

Le Pitch :
À Paris, en 1985, à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière, le professeur Charcot étudie des cas d’hystérie, et se penche plus particulièrement sur Augustine 19 ans, qu’il trouve fascinante. Peu à peu l’étude et le désir vont se confondre…

La Critique :
D’entrée de jeu, Augustine s’impose par la qualité de sa photographie, absolument à tomber par terre. Les moindres détails sont étudiés. On observe la beauté des décors automnales et hivernales et leurs couleurs, les personnages évoluent dans un univers froid et réaliste. Le réalisme ici, est pris très au sérieux, on ignore rien de la vérité des corps, rien n’est glamourifié, l’époque est retranscrite avec vérité. La couleur a parfois, aussi, une valeur symbolique, par exemple sur les tenues d’Augustine, qui est habillée de rouge dans une scène significative. On retrouve, toujours dans l’esthétisme l’ambiance poussiéreuse, glaciale et austère du Jane Eyre de Cary Fukunaga, mais aussi le même jeu de lumière, qui met l’accent sur certaines scènes, certains personnages.

Quand on regarde l’oeuvre de Alice Winocour, on pense directement à A Dangerous Method de David Cronenberg, qui traite du même sujet (sorti en décembre 2011). En effet, les deux films traitent de l’hystérie et les deux films possèdent le même genre de personnages. En creusant un peu, on apprend que le personnage de Jean-Martin Charcot dans Augustine, a bel et bien existé. Il s’agissait donc, d’un clinicien neurologue, connu comme chef de file de l’école de la Salpêtrière, pour ses travaux sur l’hypnose et l’hystérie. Le film relate tout simplement cette période de sa vie, et la relation particulière qu’il a entretenu avec l’une de ses patientes. Freud a été un élève du Dr Charcot, et a beaucoup été influencé par ses travaux sur l’hystérie. A Dangerous Method nous rapporte l’histoire d’une relation similaire entre le Dr Jung (qui était un ami de Freud), et sa patiente dite hystérique à savoir Sabina Spielrein (interprété par Keira Knightley dans le film de Cronenberg). Une histoire vraie également. Les différents docteurs en psychanalyse, que ce soit Jean Martin Charcot, Sigmund Freud ou encore Carl Gustav Jung, semblaient prendre ces cas et cette maladie très au sérieux.

Augustine relate ce sujet grave et laisse passer un message assez significatif sur la condition féminine de l’époque. En réalité, la maladie de l’hystérie est plus que controversée de nos jours, certains disent qu’elle n’a jamais existé et d’autres n’y voient seulement qu’un moyen de domination masculine sur les femmes. Il faut quand même rappeler que cette affection a disparu des nouvelles classifications du manuel diagnostique et statistiques des troubles mentaux. La réalisatrice livre ici, un puissant plaidoyer féministe, rappelant que les femmes n’ont pas toujours été considérées comme des êtres vivants à part entière. On le voit très bien dans le film, les supposées hystériques sont tous simplement traitées comme des animaux de cirque, c’est même parfois difficile à regarder. Notre personnage principal est trimbalée d’un bord à l’autre, mise à nue au sens propre et au figuré. On dessine sur elle des tracés pseudo scientifiques, qui paraissent grotesques et elle est réduit au rang de simple objet. Cet avilissement de la femme est finalement assez dur à encaisser. On ressent de la colère de voir un être vivant malmené de part et d’autre et qui plus est, n’ose pas s’exprimer. Enfermée dans son mutisme, Augustine subit en silence. On aimerait bien qu’elle parle, qu’elle s’indigne.
C’est en cela que le film est puissant, car il retranscrit de manière plus que réaliste des évènements qui ont réellement existé. Plus profondément, c’est un hommage vibrant rendu à la condition féminine.

Esthétiquement, la photographie et les plans sont majestueux, c’est bien filmé et agréable à regarder. Vincent Lindon est magistral comme toujours. J’émettrais une simple réserve sur Stéphanie Sokolinski et Chiara Mastroianni qui, en globalité, offrent un jeu plutôt juste et cohérent, mais qui sur certains passages, s’avèrent fausses.
[De plus, toujours dans la critique négative et purement subjective, je suis agacée de voir qu’on maltraite toujours des animaux pour faire des films, j’ai de plus en plus de mal à le supporter, car c’est souvent pour des détails de l’histoire. Je ne connais pas les coulisses du tournage, j’espère que ce n’est pas le cas]

Pour en revenir à l’histoire en elle-même, j’ai eu un peu de mal avec la fin ultra mélodramatique, comme si elle était un peu inappropriée. Bien que la musique soit absolument sublime, comme toute la bande-son du film d’ailleurs. En cherchant un peu, la puissance de la scène est sûrement une représentation de l’ascension de notre personnage principal, qui réussit à déstabiliser le professeur Charcot et en cela impose son caractère et se désaliène de sa condition. J’approuve le message féministe du film, qui a une grande importance. Notre Augustine est enfermée dans sa condition de femme, elle garde le silence et n’ose s’exprimer ni même se rebeller en face de toute cette horde d’hommes complètement obnubilés par le sujet de leurs études, mais finira par s’élever.
Comme une Jane Eyre, Augustine est enfermée dans les codes de son époque, et prendra son envol difficilement mais sûrement. Le titre du film en lui-même, est un manifeste féministe et dénonce certaines pratiques qui ont existé sous couvert de la science. L’esthétisme magnifiquement soigné, la fantastique photographie donne au long-métrage d’Alice Winocour une dimension intemporelle et rien que pour ça, c’est un plaisir de le voir. De plus, il n’est pas non plus ennuyeux. Donc voilà, en somme quelques petites erreurs d’interprétation, mais ceci dit, ce genre de film reste rare dans notre horizon français, et pour cela, il mérite d’être vu.

@ Audrey Cartier

Crédits photos : ARP Sélection

Par Gilles Rolland le 21 novembre 2012

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