[Critique] BROOKLYN AFFAIRS

CRITIQUES | 5 décembre 2019 | Aucun commentaire
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Titre original : Motherless Brooklyn

Rating: ★★★½☆

Origine : États-Unis

Réalisateur : Edward Norton

Distribution : Edward Norton, Gugu Mbatha-Raw, Willem Dafoe, Bobby Canavale, Alec Baldwin, Bruce Willis, Ethan Suplee, Cherry Jones, Leslie Mann, Michael K. Williams…

Genre : Policier/Adaptation

Durée : 2h25

Date de sortie : 4 décembre 2019

Le Pitch :

Un détective privé atteint du syndrome de la Tourrette enquête sur la mort de son mentor et ami. Ce qu’il va découvrir va le mener à se confronter aux plus grandes institutions de New York. Une ville qui fait l’objet de malversations sans précédent, aux graves conséquences…

La Critique de Brooklyn Affairs :

19 années se sont écoulées depuis la sortie d’Au Nom d’Anna, le premier film d’Edward Norton en tant que réalisateur. Brooklyn Affairs donnant l’occasion au cinéaste de changer de registre et de rendre hommage aux grands classiques du film noir, qu’il affectionne manifestement beaucoup. Brooklyn Affairs dans lequel Edward Norton tient également le rôle principal aux côtés d’une pléiade de comédiens prestigieux, dont Bruce Willis, qui fut d’ailleurs d’une grande aide concernant la mise en chantier du projet. Willis dont le personnage se retrouve au centre d’une vaste histoire de corruption, de malversations politiques et autres manigances au cœur d’un New York en plein bouleversement…

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American Stories

Adaptation du roman Les Orphelins de Brooklyn, de Jonathan Lethem, Brooklyn Affairs est un pur film noir comme on n’en fait plus. Un polar rythmé par les volutes d’un jazz savoureusement vénéneux (et par les compositions de Daniel Pemberton et Thom Yorke), avec des chapeaux Fedora, de belles cylindrées, une voix off très présente, des politiciens véreux et des ruelles obscures. C’est avec un plaisir évident et une application certaine qu’Edward Norton a coché toutes les cases, se propulsant dans les chaussures d’un enquêteur à la fois lui aussi très référencé, mais qui arrive néanmoins à s’extraire de la masse pour exister par lui-même. Un personnage atteint du syndrome de la Tourette, isolé, souvent en pleine détresse dans un monde qui a tendance à le rejeter, clairement sous-estimé et raillé. De quoi faire de Brooklyn Affairs bien plus qu’un simple polar, Norton dissertant ici sur la différence et sur la cruauté d’une société peu encline à considérer ceux qui se démarquent, préférant les rejeter pour se réfugier dans une norme excluante. Le récit, traitant aussi de l’expulsion de familles entières de certains quartiers de New York, se chargeant de développer des thématiques relatives à la persécution de certaines minorités, au racisme latent et à la marche inexorable du progrès qui bien souvent, ne fait pas de prisonniers. Pas besoin d’aller chercher bien loin le parallèle permettant au film de sonner avec une modernité saisissante. Le personnage joué à la perfection par Alec Baldwin, qui construit à tout-va afin de changer le visage de Big Apple, un politicien ambitieux et vorace, faisant directement référence à l’actuel locataire de la Maison Blanche, lui-même New-Yorkais de son état et ancien « bâtisseur » blindé de dollars. De quoi donner à Brooklyn Affairs une dimension politique plus prégnante que prévu…

NY Confidential

Vrai film de détective old school, porté par un personnage atypique et attachant, Brooklyn Affairs, s’il est une adaptation de roman, ressemble finalement beaucoup à son réalisateur. Sincère et méticuleux, notamment concernant la superbe reconstitution du New York des 50’s, Edward Norton a fait les choses en grand. Le film lui permettant en outre de trouver l’un des meilleurs rôles de sa carrière. Là où beaucoup auraient pu en faire des tonnes, rapport au syndrome de la Tourette, Norton y va par petites touches et se sert de cet handicap pour le transformer en avantage, ses « ennemis » ne le voyant pas arriver, lui ce petit détective à première vue sans envergure traînant ses tics comme autant de boulets. C’est là qu’est la grande force de Brooklyn Affairs, qui s’attache aux opprimés, faisant entendre des voix trop souvent placées sous silence.

Malheureusement, cela n’empêche pas le scénario, également écrit par Norton, de s’égarer au fil de détours pas toujours très utiles, impactant une rythmique en dents de scie. Également trop long d’une bonne vingtaine de minutes (avec un gros ventre mou à mi-parcours), Brooklyn Affairs aurait largement gagné a faire preuve d’un peu plus de simplicité dans sa narration. Cela lui aurait en outre permis de ne pas inutilement compliquer les choses et de se montrer au final plus efficace. C’est d’autant plus dommage que les détours en question empêchent parfois les différents et passionnants propos du film de pleinement se faire entendre. N’arrivant pas toujours à garder l’ennui à distance, peut-être justement un peu trop appliqué, Edward Norton arrive par contre à mettre en avant son sens aigu de la mise en scène. Certaines séquences étant tout bonnement sublimes, alors que d’autres, maîtrisées à la perfection, notamment dans l’action (la scène du géant dans le couloir, l’introduction…) dénotent de solides compétences. Norton qui sait également, comme il avait pu nous le démontrer avec Au Nom d’Anna, diriger ses acteurs. De Willem Dafoe à la toujours excellente Gugu Mbatha-Raw, ils sont tous impeccables. Même Bruce Willis retrouve, le temps d’une poignée de minutes, la flamme qui avait déserté son regard ces dernières années. C’est dire à quel point Norton est bon ! Et si son deuxième film n’est pas exempt de défauts, ses qualités l’emportent. Assez en tout cas pour espérer qu’il n’attende pas à nouveau 19 ans pour passer la troisième…

En Bref…

Un polar à l’américaine, un vrai ! Au sens le plus noble du terme. Certes un peu long, pas toujours aussi passionnant que prévu et inutilement alambiqué, Brooklyn Affairs reste néanmoins intéressant et visuellement très abouti. Un film qui se paye le luxe d’exploiter l’enquête au centre de son récit pour mettre en avant des thématiques très actuelles, s’apparentant notamment à un vibrant plaidoyer en faveur de la différence et des opprimés.

@ Gilles Rolland

Brooklyn-Affairs
Crédits photos : Warner Bros. France
Par Gilles Rolland le 5 décembre 2019

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