[Critique] DANISH GIRL

CRITIQUES | 25 janvier 2016 | Aucun commentaire
Danish-Girl-poster

Titre original : The Danish Girl

Rating: ★★★☆☆
Origines : États-Unis/Allemagne/Grande-Bretagne
Réalisateur : Tom Hooper
Distribution : Eddie Redmayne, Alicia Vikander, Amber Heard, Ben Whishaw, Sebastian Koch, Matthias Schoenaerts…
Genre : Drame/Adaptation
Date de sortie : 20 janvier 2016

Le Pitch :
Peintre reconnu, Einar Wegener tente tant bien que mal de cacher son mal-être. Son épouse, Gerda, elle aussi artiste, sent pourtant que quelque chose ne va pas avec son mari. C’est alors qu’elle fait progressivement la connaissance de Lili, soit la femme qu’Einar a toujours été au plus profond de son être… Lili, soit la première personne a avoir subi une opération chirurgicale afin de changer de sexe…

La Critique :
Tom Hooper est un cinéaste académique. Rien de péjoratif dans une telle appellation. Il se trouve seulement que ses films sont, formellement parlant, parfaitement raccord avec les critères des diverses académies de remises de prix. Depuis son triomphe avec Le Discours d’un Roi, pour lequel il reçût l’Oscar du meilleur réalisateur (plus celui du meilleur film), Hooper est resté dans le viseur du comité de sélection. Y compris quand son style n’a clairement pas fait des merveilles, comme avec son adaptation musicale des Misérables. Cela dit, nous sommes ici face à un metteur en scène qui maîtrise son art. Danish Girl ne fait pas exception à la règle, bien au contraire.
Prenant pied dans la société danoise du début du vingtième siècle, son film est visuellement très travaillé. La photographie est superbe, la mise en scène pleine d’ampleur, nourrie d’un sens poétique indéniable, et la musique, de l’incontournable Alexandre Desplat, se met tout naturellement au diapason, histoire d’emballer avec grâce le récit. Rien à dire. Tom Hooper, à nouveau très bien entouré, livre une reconstitution fastueuse, mais reste, comme à son habitude, très proche de ses personnages, qu’il ne sacrifie jamais sur l’autel de ses ambitions formelles. Ces derniers en faisant justement partie. Dans le cas présent, il profite même du contexte très artistique (les deux personnages principaux sont peintres) pour donner le change, via sa mise en scène aux aspirations et aux obsessions de Gerda et de Lili/Einar. Pour autant, dans le cas présent, vu le sujet abordé, son style académique rend son approche un peu trop lisse. Trop prévisible aussi. Comme si, désormais pleinement conscient de son talent, Hooper se reposait sur des automatismes pas toujours pertinents au vu du scénario. Ce qui fonctionnait à plein régime dans Le Discours d’un Roi peine parfois à convaincre. Malheureusement, il en va de même concernant Eddie Redmayne.

danish-girl-Eddie-Redmayne

Acteur performer par excellence, Redmayne s’est jeté corps et âme dans son rôle. Pas spécialement bien servi par un script dont les ellipses contribuent à diluer à la fois l’empathie et l’émotion, le comédien, de son côté, ne trouve jamais le bon équilibre. Comme écrasé par un personnage complexe, Redmayne se réfugie dans des tics et un certain cabotinage, jusqu’à lui aussi perdre de vue la moelle substantielle de l’histoire de Lili. Et malheureusement, plus le film avance et plus le comédien rame pour se faire le vecteur d’une émotion pour le coup beaucoup moins dévastatrice que prévu. Il faut comprendre qu’on parle ici d’un rôle particulièrement casse-gueule. Eddie Redmayne, qui l’année dernière nous avait ébloui en Stephen Hawking, a pris le parti de rendre justice à Lili et rien que pour cela, il ne mérite pas qu’on juge trop sévèrement ses choix, quand bien même ces derniers peuvent déboucher sur une interprétation « over the top » qu’il est compréhensible de ne pas trouver à son goût. Alors non, il n’est pas mauvais, mais oui, on pouvait largement espérer mieux que cette prestation un peu ampoulée.
Ce qui n’est pas du tout le cas d’Alicia Vikander. Elle par contre, est absolument parfaite. Révélée au fil d’une poignée de films parfois remarquables (Ex Machina et Mémoires de Jeunesse en particulier), la comédienne suédoise fait preuve d’une pertinence et d’une sensibilité à toute épreuve. Mesurée, toujours dans le ton, charismatique, elle distille à elle seule l’émotion que le film peine tant à instaurer dans sa globalité. C’est elle qui porte Danish Girl pour la simple et bonne raison qu’elle en incarne une partie des thématiques, alors que ce n’est pas le personnage dit principal, en se posant comme le miroir des angoisses et des espérances de la Lili d’Eddie Redmayne. C’est d’ailleurs assez troublant de voir Alicia Vikander peu à peu s’approprier l’histoire sans forcément le vouloir, par la seule force de sa présence et de son approche, soutenant son collègue, au même titre que son personnage soutient son mari.
Entouré de seconds rôles de choix, comme le toujours « en place » Matthias Schoenaerts, Ben Whishaw, Sebastian Koch et bien sûr l’incontournable Amber Heard, le duo confère, malgré l’inégalité des performances, un prestige indéniable à l’entreprise.

Danish Girl est un beau film. Au sens premier. Rien ne dépasse du cadre et tout semble calibré pour cartonner aux Oscars et ailleurs, si on fait exception des quelques audaces ponctuant un scénario visiblement fidèle à la réalité (et moins à la version romancée signée David Ebershoff dont le film est l’adaptation officielle). Tom Hooper, après ce que beaucoup considèrent comme le saccage des Misérables, revient à quelque chose de moins tapageur, mais trouve le moyen, malgré le thème du film, de ne jamais favoriser l’envol d’un certain lyrisme que d’autres ne se seraient pas privés de mettre en lumière. Et dans un sens, si on lui reconnaît des qualités indéniables, Danish Girl est un film un peufrustrant.

@ Gilles Rolland

eddie-redmayne-alicia-vikander-the-danish-girl  Crédits photos : Universal Pictures International France

Par Gilles Rolland le 25 janvier 2016

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