[Critique] FRUITVALE STATION

CRITIQUES | 1 janvier 2014 | Aucun commentaire
Fruitvale-Station-Affiche-France

Titre original : Fruitvale Station

Rating: ★★★★☆
Origine : États-Unis
Réalisateur : Ryan Coogler
Distribution : Michael B. Jordan, Melonie Diaz, Octavia Spencer, Kevin Durand, Chad Michael Murray, Ahna O’Reilly, Ariana Neal, Keenan Coogler…
Genre : Drame/Histoire vraie
Date de sortie : 1er janvier 2014

Le Pitch :
Alors qu’il vient de fêter le passage à la nouvelle année, Oscar, sa fiancée, et leurs amis sont pris à partie dans une altercation dans le train. Débarqués à Fruitvale Station, ils se retrouvent à devoir se justifier face à des policiers. La tension monte rapidement, quand retentit un coup de feu…

La Critique :
1er janvier 2009 : un jeune homme afro-américain est abattu par un policier, à la station de Fruitvale. Le policier est condamné à 2 ans de prison, mais sort au bout de 11 mois. La victime, Oscar Grant, 22 ans, était père d’une petite fille. Son histoire, le réalisateur Ryan Coogler, qui livre ici son premier long-métrage, a choisi de la raconter très simplement, en s’attachant tout particulièrement à la dernière journée d’Oscar.
Nous faisons ainsi la connaissance d’un jeune homme en pleine rédemption. Il a fait de la taule, trafiquait de l’herbe et ne trainait pas forcément avec les bonnes personnes. Sous l’influence d’un entourage aimant et surtout poussé par la volonté de s’en sortir pour devenir quelqu’un de bien aux yeux de sa fille, Oscar veut arrêter les conneries et se ranger.
Ryan Coogler raconte qu’à la suite de l’affaire, le cas d’Oscar fut très politisé. Devenant une figure importante dans un combat où la justice n’est peut-être pas aussi aveugle qu’elle le prétend.
Le sujet est casse-gueule, mais le réalisateur s’en sort remarquablement bien.

On pouvait craindre que Fruitvale Station ne soit qu’un gros pamphlet bien bourrin contre la police et toute autre forme d’autorité. Que la victime ne soit présentée que par le biais de clichés biaisés et que finalement, le tout s’apparente à une missive pas super fine, sur un fait divers qui demandait justement un minimum de nuance. Le genre d’attaque qui finalement, ne sert pas vraiment son sujet.
Le film marche donc sur des charbons ardents. Un truc du genre doit se montrer à la fois puissant et pertinent. Documenté et objectif. Tout ce qu’est Fruitvale Station.

Et c’est en marchant sur des charbons ardents, que Fruitvale Station parvient à restituer les faits avec force et émotion, mais ne tombe jamais dans un excès hors sujet. Terriblement touchant et triste, il dégage ce petit quelque chose qui en fait un film assez exceptionnel, dans sa faculté à ne pas stigmatiser les deux parties mises en cause. Ainsi, le policier responsable de la mort d’Oscar Grant est décrit davantage comme un gamin inexpérimenté et dépassé, que comme une gâchette facile consciente de son geste. Idem pour le flic campé avec détermination par un Kevin Durand assez flippant, qui met le feu aux poudres mais qui rapidement, prend conscience de la portée de ses actes.

Fruitvale Station a su prendre du recul. En commençant par nous montrer l’une des vidéos qui a fait le tour du web à l’époque des faits (filmée par un des passagers du train), Coogler annonce la couleur et fait une promesse au spectateur : coller à la réalité. Il suit ensuite un homme plein de bonne volonté, qui tente par tous les moyens de changer sa trajectoire de vie pour devenir quelqu’un de meilleur au yeux de sa fille, de sa fiancée et de sa mère. Oscar Grant est un homme touchant car conscient de la portée de ses actes. Pour autant, ce n’est pas un saint. Tiraillé, il doit faire face à un passé tenace, dont les manifestations dans le présent entravent sa démarche rédemptrice. Victime de coups de sang, il lutte, mais pas toujours convenablement, en permanence sur le film du rasoir.
Le film insiste sur la bonté profonde du personnage en le mettant au cœur de situations précises dont on ignore vraiment la véracité (l’accident du chien, le passage où Oscar aide la cliente d’un supermarché…), dont le but est de souligner sa nature et sa générosité profondes. Ses scènes sont pour autant toujours mesurées. En une petite heure, avant que ne survienne le coup de feu, le film nous embarque aux côtés d’un homme simple, au plus près. Du coup on s’attache à lui, tout en sachant que finalement, il court à sa perte. À l’écran, le résultat est assez bouleversant. Michael B. Jordan, qui interprète Oscar, y est d’ailleurs pour beaucoup. Grosse révélation du long-métrage, Jordan campe un Oscar Grant authentique, qui colle à merveille avec les nobles intentions d’un réalisateur talentueux dans sa démarche proche du documentaire. Touchant, l’acteur impressionne vraiment. Ses yeux renvoient tantôt sa détresse, tantôt son espoir quant à l’avenir. Mélonie Diaz, qui joue sa fiancée, fait elle aussi le job avec classe, et confirme au passage à quel point il serait bon de la voir plus souvent sur les écrans (son dernier grand rôle remonte au Soyez Sympa Rembobinez, de Michel Gondry). Octavia Spencer est aussi magnifique dans le rôle de la mère d’Oscar, tout comme le reste d’un casting très pertinent.

Récompensé au Festival de Sundance par le Grand Prix et par le Prix du Public, Fruitvale Station est un film rare car, on le répète, il ne stigmatise pas ses personnages et sait faire la part des choses entre les faits et leur portée sociale (sans pour autant l’ignorer). Un film dont on ressort rincé Rincé par une force évocatrice remarquable et par une émotion puissante et sincère.

@ Gilles Rolland

FRUITVALE-station-photoCrédits photos : ARP Sélection

Par Gilles Rolland le 1 janvier 2014

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