[Critique] GOD BLESS AMERICA

CRITIQUES | 9 octobre 2012 | Aucun commentaire

Titre original : God Bless America

Rating: ★★★½☆
Origine : États-Unis
Réalisateur : Bob Goldthwait
Distribution : Joel Murray, Tara Lynne Barr, Melinda Page Hamilton, Mackenzie Brooke Smith, Rich McDonald, Maddie Hasson, Travis Wester, Aris Alvarado…
Genre : Drame/Comédie/Satire
Date de sortie : 10 octobre 2012

Le Pitch :
L’existence de Frank est des plus mornes. Divorcé, il vit seul et broie du noir en déplorant la chute vers des abysses de stupidité et de cynisme d’une Amérique en perdition. Devant supporter des voisins irrespectueux et bruyants et un boulot qu’il déteste, Frank ne cesse en plus d’attendre le bon vouloir de sa petite fille qui refuse de le voir. Jusqu’au jour où il est viré et où son docteur lui apprend qu’il souffre d’un cancer inopérable au cerveau. Prêt à précipiter sa fin, Frank décide plutôt d’en profiter pour éliminer avec son flingue, tous ceux qu’ils considèrent comme des rebuts de la société. Des individus qui sont selon lui directement responsables de la déliquescence de la société. Il est vite rejoint par Roxy, une adolescente révoltée, qui embrasse sa cause avec une ferveur déconcertante. Commence alors un voyage meurtrier…

La Critique :
Beaucoup de réalisateurs dépeignent dans leur film leur vision d’une Amérique souffrante. Depuis longtemps et à plus forte raison aujourd’hui. Des États-Unis, mais aussi du Monde. Peu de metteurs en scène le font avec autant de rage que Bobcat Goldthwait. Ami proche de Kurt Cobain, Bobcat -qui est aussi acteur à ses heures- livre, avec God Bless America un pur pamphlet punk qui ne souffre d’aucune concession. Résultat, ça fait très mal et à l’instar du punk parfois, c’est un peu brouillon et animé d’un esprit de sale gosse qui désire avant tout en mettre plein la vue. Quitte à dépasser la ligne jaune juste pour dépasser la ligne jaune. À tel point que certains s’empresseront certainement de condamner le film. Un long-métrage dont le seul pitch aurait déjà de quoi filer des sueurs froides à la censure. Une espèce de Chute Libre poussée un peu plus loin et teintée d’un humour parfaitement maîtrise et complètement raccord avec le postulat de départ étonnamment amer.
Car si dans Chute Libre, D-Fens, le personnage incarné par Michael Douglas, pète un câble, et sème le trouble sur son chemin sans forcement dégommer tous ceux qui représentent un obstacle à sa façon de penser ou simplement ceux qui se dressent entre lui et son but, Franck, le protagoniste principal de God Bless America, entreprend de carrément tuer les individus qu’il méprise. Qu’ils soient jeunes ou vieux d’ailleurs.

Et ça commence très très fort. Pendant un rêve, où Frank se rend, l’arme au poing, chez ses voisins qui laissent pleurer leur bébé toute la journée. On imagine le massacre. Le réalisateur ne le montre pas totalement de manière frontale, se disant probablement que la simple évocation d’un tel acte monstrueux suffit à imprimer durablement la rétine et les consciences. Mais c’est un rêve.
Quand il se dit qu’il n’a plus rien à perdre, Frank préfère s’attaquer aux gens qui abrutissent les masses. Comme cette starlette de 16 ans, héroïne d’une émission du type de Mon Incroyable Anniversaire, diffusée sur Mtv. La fille y passe, les parents aussi. Ils sont tous responsables.
Dans le collimateur de Frank, il y a aussi cet ersatz de La Nouvelle Star, qui se fout ouvertement d’un pauvre malheureux au physique ingrat qui chante faux ou encore des types qui parlent au cinéma pendant le film. God Bless America tend un miroir pas aussi déformant qu’on pourrait le penser à un pays qu’il estime se complaire dans la stupidité et qui dresse au rang d’art populaire la crétinerie et la méchanceté.

Car Frank -à la base- n’est pas foncièrement méchant. Il s’agit avant tout d’un mec au bout du rouleau, condamné par la maldie et désolé de voir son pays couler sans que personne ne semble y trouver quoi que soit à redire. Personne sauf Roxy, cet ado rebelle qui rejoint Frank au début de son trip mortuaire. De quoi faire de leur duo, une version 2.0, moins gore et complaisante des Mickey et Mallory de Tueurs Nés ou de Bonnie and Clyde (gros clin d’œil en milieu de métrage). Moins gore et moins violent que le film d’Oliver Stone, car God Bless America veille à toujours garder une distance vis à vis de son scénario. Très sobre dans sa mise en scène, qui n’offre pas grand chose de notable, Goldthwait construit un pamphlet violent et cru ne manque cependant pas de poésie ni de lyrisme. De quoi peut-être déranger un peu plus. Ses « héros » butent à tire larigot et se retrouvent le soir venu, autour d’une grande discussion sur qui devrait y passer ou pas. Une gamine même pas majeure refuse de boire de l’alcool, mais n’hésite pas à poignarder frontalement une mère de famille.
Road movie mixant la comédie, le drame et la satire brute de décoffrage, God Bless America a de quoi déconcerter. Véritablement. Il ne fait pas semblant et va jusqu’au bout de son propos.

Niveau casting, c’est du tout bon. Principalement grâce au duo vedette. Joel Murray, qui n’est autre que le frère de Bill, arrive à conférer, malgré ses actes brutaux, une certaine sympathie à son personnage. C’est très fort vu le profil du type. À l’instar de son illustre frangin, Joel Murray se fait désespéré, malicieux et froid, le temps d’un claquement de doigts. Un talent jusque là assez inexploité, qui explose dans la tronche ici, tout au long de cette virée matinée de plomb.
Tara Lynne Barr, qui n’est pas la fille de Jean-Marc Barr, est tout aussi à sa place. Pourtant le rôle est casse-gueule. Elle joue une espèce de Hit-Girl (Kick Ass), sans le côté pop culture comics. C’est son personnage qui porte une large partie de l’essence scandaleuse de l’œuvre. Avec un aplomb qui force l’admiration, la jeune comédienne ne se démonte jamais et livre une composition ambiguë. Illustration d’une certaine réflexion sur le passage à l’age adulte, Roxy n’est pas la Lolita du personnage central. Rien de sexuellement sordide dans l’histoire. La relation tient de l’amitié. Ces deux êtres déterminés s’auto-motivent et s’auto-inspirent.

God Bless America ne demande pas au public d’adhérer à son discours. Il peut s’entrevoir comme une satire mais aussi comme une œuvre vaine, bête et méchante. On peut tout aussi bien voir le film comme une comédie gavée d’humour noir. À chacun de voir. Car si le film est choquant, il est aussi drôle, tendre et tout sauf nihiliste. Grâce à son second degré (il s’agit avant tout d’une comédie), certes pas toujours maitrisé, il marque mais ne traumatise pas. On adhère ou pas, mais difficile de ne pas saluer le côté burné et iconoclaste de l’entreprise. En plus, on y entend à plusieurs reprises du Alice Cooper.

@ Gilles Rolland

Crédits photos : Darko Entertainment

Par Gilles Rolland le 9 octobre 2012

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