[Critique] GRAVE

CRITIQUES | 17 mars 2017 | 2 commentaires
Grave-poster

Rating: ★☆☆☆☆

Origine : France/Belgique
Réalisatrice : Julia Ducournau
Distribution : Garance Marillier, Ella Rumpf, Rabah Naït Oufella, Joana Preiss, Laurent Lucas, Bouli Lanners…
Genre : Horreur/Drame
Date de sortie : 15 mars 2017

Le Pitch :
Chez Justine, tout le monde est vétérinaire et végétarien. Alors qu’elle intègre la même école que celle dans laquelle étudie sa sœur et où sont allés ses parents, la jeune fille subit les outrages du bizutage. C’est là qu’elle est contrainte de manger de la viande pour la première fois de sa vie. Une viande qui réveille en elle un appétit insatiable et bouleverse complètement son existence…

La Critique de Grave :

C’est l’argument publicitaire rêvé pour un film d’horreur. Il suffit qu’un ou deux spectateurs gerbe dans la salle et s’évanouisse et c’est gagné. Et c’est ce qui est arrivé à Toronto, où Grave a été projeté. À Cannes, le film a mis des spectateurs mal à l’aise. Des gens parfois contraints de quitter la salle. Il n’en fallait pas plus pour que le premier long-métrage de Julia Ducournau devienne plus qu’une œuvre de cinéma. On nous vend le film comme une expérience à part entière, du genre « irez-vous jusqu’au bout ? » et tout le monde se gargarise du message hyper profond qu’il est censé véhiculer à travers des images prétendument choquantes. Ce qu’on ne nous dit pas, c’est que si ça se trouve, les mecs qui ont vomi avaient mangé un truc pas frais. Pourquoi pas ? Et ceux qui se sont barrés avant la fin ? N’étaient-il pas plutôt excédés et non foncièrement « perturbés » ? Devant ce qui s’apparente à une gigantesque arnaque, ces questions méritaient d’être posées…

Grave

Master II cannibalisme

Grave est un film de cannibales. Le mot est lâché. Il était une fois une nana qui aimait manger les gens. Une végétarienne qui goûte un rognon de lapin (ou quelque chose dans ce goût-là) et qui passe directement à la chair humaine. Elle n’est pas bien dans sa peau, elle est vierge et hop, tu la vois venir ma bonne grosse métaphore bien lourdingue sur le passage à l’âge adulte et l’affirmation de soi ? Influencé par le cinéma de David Cronenberg, qu’elle a visiblement bien mal digéré, Julia Ducournau en fait des caisses dans l’espoir de combler un scénario affligeant de bêtise. Le plus grave étant que jamais Grave n’assume complètement son côté horrifique, préférant tabler sur une posture « auteurisante » rapidement irritante. On a beau avoir affaire à une œuvre qui lorgne vers les films de Cronenberg et d’autres maîtres du genre, pas moyen de la voir y aller franchement. La réalisatrice/scénariste est d’ailleurs la première à affirmer que Grave n’est pas un pur film d’horreur. Pas un film de genre où un truc… du genre justement. Mais c’est quoi alors ? On peut se moquer de La Horde, Frontière(s) et de toutes ces tentatives de vouloir imposer une tonalité française dans la catégorie horrifique, mais au moins, aussi imparfaits et parfois carrément boiteux que ces films soient, eux assument le côté fun et décomplexé. Plus que Grave en tout cas qui est justement trop grave. Et si second degré il y a, et ben c’est foiré car au final, plus le récit avance et plus ça devient ridicule.

Fête à la saucisse

On en vient alors forcément à se demander qu’ont bien pu trouver à Grave les nombreuses critiques qui l’encensent. Enfin un bon film d’horreur français ? Sérieusement ? Il suffit qu’on montre un peu de sang, et c’est bon ? Surtout qu’en l’occurrence, tout est fait, de l’écriture à la mise en scène, pour justement ne jamais regarder les codes du genre en face, et tant pis si au final, cette distanciation n’a pas d’autre effet que de rendre toute l’entreprise encore plus fragile. Le gore étant ici utilisé à des fins assez putassières. Alors oui, certaines images sont clairement là pour choquer et ça peut marcher suivant le niveau de sensibilité des spectateurs. Mais du sang pour du sang, sans humour (ou alors un humour pas drôle), sans un scénario digne d’intérêt, c’est juste du liquide rouge. Julie Ducournau noie le poisson dans du bruit et une fureur feinte. Au final, Grave s’avère foncièrement aussi perturbant qu’un épisode de Cœur Océan et aussi crétin qu’un retournement de situation dans Plus Belle la Vie. Si on enlève tous ces artifices opportunistes, il ne reste rien que des messages prévisibles délivrés avec la délicatesse d’un catcher russe bourré à la vodka. Et en plus ça joue mal. C’est un peu la cerise sur le gâteau. De Laurent Lucas, qui est aussi monolithique qu’une borne kilométrique à Ella Rumpf, dont la performance incroyablement à la ramasse parvient à déteindre sur les bonnes intentions de Garance Marillier (la tête d’affiche), tout le casting souffre en plus d’un manque de direction flagrant. Et vas-y que je rajoute des symboliques bien lourdingues par-dessus tout ça, histoire de faire bonne mesure.
Pas grand chose à sauver dans Grave. C’est grave ? Non pas vraiment, car on peut aussi choisir d’en rire. Comme quand les deux sœurs se battent. Grand moment cette baston. On dirait du Walking Dead de bas étage. On peut aussi se repaître de la faculté du film à toujours repousser ses propres limites pour finir par une séquence parfaitement à propos. On pourra dire ce qu’on voudra de tout ce qui a précédé, mais ce dernier plan bât tous les records et achève de faire de Grave une vaste blague, pas vraiment drôle et assurément pas du tout marquante mais à n’en pas douter persuadée du contraire.

En Bref…
D’une prétention à toute épreuve, Grave passe plus d’1h30 à essayer de se persuader qu’il est le film que tous les amateurs d’horreur attendaient, tout en tentant aussi de se détacher du genre. C’est compliqué mais bon, vu que c’est débile à souhait et complètement incohérent, on passe sur l’approximation des intentions et on oublie aussitôt sorti de la salle. Le cinéma de genre français n’avait pas vraiment besoin de ça…

@ Gilles Rolland

Grave-2   Crédits photos : Wild Bunch

Par Gilles Rolland le 17 mars 2017

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[…] parvient à faire parler de lui dans le cercle des amateurs, où, comme ce fut le cas pour Grave, bien au-delà (voir les nominations aux Césars). C’est rare, mais parfois, cela donne lieu […]

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