[Critique] LES HEURES SOMBRES

CRITIQUES | 4 janvier 2018 | Aucun commentaire
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Titre original : Darkest Hour

Rating: ★★★★☆
Origine : Grande-Bretagne
Réalisateur : Joe Wright
Distribution : Gary Oldman, Lily James, Kristin Scott Thomas, Ben Mendelsohn, Stephen Dillane, Samuel West, Ronald Pickup, David Schofield…
Genre : Drame/Biopic
Date de sortie : 3 janvier 2017

Le Pitch :
10 mai 1940 : alors que la progression des armées d’Hitler se fait de plus en plus inexorable et que l’Europe commence à céder face à la machine Nazie, l’Angleterre voit l’arrivée de Winston Churchill au poste de Premier Ministre. Un homme controversé, qui est loin d’avoir le soutien inconditionnel de tout le monde, à commencer par le Roi, qui voit d’un mauvais œil son arrivée au pouvoir. Mais Churchill prend tout de même ses fonctions, avec pour objectif de ne pas céder et d’engager le combat face à la tyrannie. Un combat qui changera le cours de l’Histoire…

La Critique de Les Heures Sombres :

Personnage incontournable de l’Histoire de l’Angleterre et du monde, héros de la Seconde Guerre mondiale, homme politique souvent cité en exemple, remarquable écrivain détenteur du Prix Nobel, Winston Churchill a mainte fois été incarné à la télévision et au cinéma. Dans des œuvres centrées sur sa vie et son œuvre ou dans des films où le personnage était amené à intervenir de manière moins directe, comme quand Timothy Spall lui prêta ses traits dans Le Discours d’un Roi. Dernièrement, c’est Brian Cox qui est devenu Churchill, dans le film Churchill, sans faire néanmoins beaucoup de vagues. Et si ce ne sont donc pas les acteurs ayant joué Churchill qui manquent, l’homme politique n’a à ce jour jamais vraiment été au centre d’un grand film. D’un classique vraiment retentissant…
Là est l’ambition des Heures Sombres : devenir le grand film sur Winston Churchill. Celui qui serait cité à chaque fois qu’on parlerait de Churchill et de cinéma. Un long-métrage réalisé par Joe Wright, avec dans le premier rôle, Gary Oldman. Oldman qui dût, afin de devenir Winston Churchill, se soumettre à de très longues heures de maquillage quotidiennes. Le prix à payer pour littéralement se transformer et effectivement un petit peu reléguer tous les autres Churchill du cinéma ou de la télévision à de simples numéros d’acteurs. Tous ou presque car si Gary Oldman est plus que parfait ici, impossible d’oublier la performance par ailleurs unanimement saluée, de Jon Litgow dans le rôle de Churchill dans la série The Crown. Deux acteurs pour un monument d’Histoire, dont le travail finit d’ailleurs par se compléter… Bon cela dit, si le boulot de Gary Oldman est effectivement incroyable, que vaut le film ? Est-il ce classique instantané si désiré ?

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Le rugissement du Lion

C’est après l’échec public du pourtant formidable et audacieux Pan, que Joe Wright a décidé d’en venir à Churchill. Comment aborder un tel personnage ? Comment ne pas se laisser intimider par l’ampleur de la tâche ? Traiter de toute l’existence du Lion ou d’un épisode simplement ? Wright a choisi la deuxième option. Son film se focalise alors sur un mois en particulier, sans avoir recours à des allers-retours dans le temps. Tout commence début mai 1940 quand Churchill est nommé au poste de Premier Ministre pour s’arrêter peu de temps après. Les Heures Sombres racontant principalement comment Churchill est parvenu à imposer à son gouvernement, mais aussi à tout un peuple, sa volonté de résister et de pas se soumettre à Hitler malgré la puissance de ce dernier, en se servant comme point d’ancrage scénaristique de l’Opération Dynamo. La même que Christopher Nolan a brillamment raconté dernièrement dans Dunkerque, dont Les Heures Sombres est par ailleurs un beau complément. Les deux œuvres se répondant et permettant d’aborder sous plusieurs angles cet épisode autrefois si peu connu de la Seconde Guerre mondiale.
Joe Wright qui s’est donc imposé des contraintes qui l’ont forcé à « adapter » sa mise en scène, connue pour être très ample et riche en plans larges très grandioses. Ici, il doit composer avec les petits espaces. Le cabinet de guerre de Churchill, son bureau, sa chambre, même si, de temps en temps, le cinéaste sort et en profite pour faire ce qu’il sait le mieux faire, au cours de petites séquences qui permettent de concrétiser la menace qui pèse au dehors tandis que dedans, les esprits s’échauffent pour organiser la résistance.
Wright dont le boulot reste admirable de sobriété, magnifiquement souligné par une photographie de toute beauté, parfaitement à propos, et par la musique de Dario Marianelli, un fidèle de Wright déjà auteur des partitions d’Orgueil et Préjugés, Le Soliste ou encore Reviens-moi (Oscar de la meilleure musique pour celui-là). Les Heures Sombres est un beau film. Une œuvre nourrie d’un classicisme certain, un peu clinquante, mais dans le bon sens. Pas dans le sens hollywoodien du terme. Un métrage qui aurait peut-être gagné à faire preuve d’un peu plus d’audace, mais qui assume tous ses choix, laissant à son acteur principal l’ampleur nécessaire pour faire son impeccable numéro, lui qui, malgré toutes les autres qualités, plastiques et narratives, reste le centre d’intérêt numéro 1…

Gary Oldman dont la performance, si elle s’inscrit dans la grande tradition de ce que l’on appelle les « rôles à Oscar » démontre néanmoins d’une volonté de véritablement rendre hommage à Churchill, mais sans pour autant le caresser dans le sens du poil. Le Lion qui donna tant de fil à retordre à Hitler pour finalement l’envoyer mordre la poussière au terme d’un long combat, est ici le personnage d’un roman aux ressorts un peu voyants (on pense notamment à la scène dans le métro où Churchill demande aux Anglais si ils veulent se soumettre ou combattre), issus d’une volonté d’enjoliver quelques points, quitte à s’affranchir d’une rigueur historique que d’autres auraient sans doute préférée. Mais c’est pour la bonne cause et si Les Heures Sombres n’évite pas quelques écueils propres à ce genre d’exercice périlleux, il s’avère convainquant et surtout passionnant du début à la fin. À l’image de cette incroyable transformation qui permet à Gary Oldman de camper un Churchill plus vrai que nature, face à une escouade de comédiens parfaitement croqués eux aussi, du Roi George VI du génial Ben Mendelsohn à Elizabeth Layton, la secrétaire campée par Lily James, en passant par le pugnace vicomte de Halifax de Stephen Dillane et de l’épouse de Winston, interprétée par une Kristin Scott Thomas un peu en retrait mais néanmoins tout à fait valeureuse. Des acteurs qui n’évoluent pas dans l’ombre du géant Oldman, mais à ses côtés. Car même si Churchill est central et inévitable. Même si il est presque de tous les plans et qu’on
ne voit que lui. Même si c’est par lui que transite la ferveur et l’émotion, il n’interdit pas aux autres de nourrir la puissance d’un scénario remarquable, car plein de sobriété et de mesure. De quoi oublier le caractère un peu balisé de l’entreprise…

En Bref…
Remarquable biopic marqué par la performance hallucinante d’un Gary Oldman méconnaissable, Les Heures Sombres n’évite pas tous les clichés propres à ce genre d’exercice. Mais là n’est pas l’intérêt. Studieux, sobre, il sait aussi et surtout se faire passionnant et rend hommage, avec ferveur et en sachant faire preuve de nuance, à l’un des grands hommes de notre ère, devenant en effet le grand film que ce même personnage appelait depuis longtemps.

@ Gilles Rolland

Les-heures-sombres-Gary-Oldman   Crédits photos : Universal Pictures International France

Par Gilles Rolland le 4 janvier 2018

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