[Critique] JACK LE CHASSEUR DE GÉANTS

CRITIQUES | 28 mars 2013 | Aucun commentaire

Titre original : Jack the Giant Slayer

Rating: ★★★☆☆ (moyenne)
Origine : États-Unis
Réalisateur : Bryan Singer
Distribution : Nicholas Hoult, Eleanor Tomlinson, Ewan McGregor, Stanley Tucci, Ian McShane, Ewen Bremner, Eddie Marsan, Bill Nighy, Simon Lowe, Warwick Davis…
Genre : Aventure/Fantastique/Adaptation
Date de sortie : 27 mars 2013

Le Pitch :
Jack, un jeune fermier de 18 ans, rêve d’aventure. Tout comme la princesse Isabelle, prisonnière du protocole inhérent à son titre. Un jour, alors qu’il cherche à vendre son cheval sur le marché, Jack se voit confier par un moine une poignée d’haricots soit-disant magiques. Des haricots qui, une fois mouillés, se transforment en gigantesques plantes. Jack et la princesse se retrouvent alors entrainés dans un périple à hauts risques, qui va les mener dans les cieux, au pays des géants. Des êtres oubliés de tous qui attendent depuis des siècles le jour où ils pourront redescendre sur terre pour asservir les humains…

La Critique (Gilles) Rating: ★★★★☆ :
Film de commande, autrefois destiné au réalisateur D.J. Caruso, Jack le Chasseur de Géants ne doit pas être considéré comme un banal produit calibré, emballé par un cinéaste pressé d’en finir pour revenir à des projets plus personnels. Responsable des deux premiers volets de la saga X-Men et déjà en plein boulot sur la suite d’X-Men : le commencement, Bryan Singer semble avoir mis beaucoup de cœur à l’ouvrage pour offrir avec cette énième adaptation du célèbre conte, un grand divertissement à destination du plus grand nombre. Le résultat force l’admiration. Et ce pour la simple et bonne raison, qu’il s’impose comme un film fédérateur, simple, honnête et remarquablement réalisé.

Sans chercher midi à quatorze heures, il faut reconnaitre à Singer d’avoir respecté à fond le cahier des charges noble du grand film d’aventure familial. Idéal pour réunir petits et grands, Jack le Chasseur de Géant n’est ainsi jamais excluant et offre exactement ce que l’on attend de lui.
De quoi oublier donc l’aspect « commande » du film, qui est bien évidemment beaucoup moins personnel que d’autres de Singer, X-Men en tête, ou encore Superman Returns ; ainsi que son scénario très balisé et en toute logique cousu de fil blanc.
Rien de grave en somme, car en évoluant dans les codes fixes du conte de fée -en l’occurrence, l’histoire des haricots magiques est une véritable institution-, Bryan Singer a très vite compris qu’il ne servait à rien de vouloir à tout prix chercher l’originalité, au risque de dénaturer l’univers en question, mais a préféré se concentrer sur l’exécution, pour le coup très sincère. Jamais le film ne pète plus haut que son cul et dans son cadre formel, on peut avancer sans problème que Jack le Chasseur de Géant est tout à fait conforme aux attentes suscitées.

Dans cet univers dans lequel il est agréable de se laisser couler, les comédiens font également du bon boulot. La bonne idée étant d’avoir confié les deux rôles principaux à deux acteurs relativement inconnus du grand public (leurs noms n’est d’ailleurs même pas sur l’affiche). Nicholas Hoult, (pour le deuxième fois à l’affiche en une semaine d’intervalle après le très sympa Warm Bodies), confirme son talent et son charisme et arrive à incarner avec beaucoup de brio, un personnage noble, avec tout ce qu’il faut de courage, de naïveté et de sensibilité. À ses côtés, dans les frusques de la princesse, Eleanor Tomlinson fait le job, elle aussi très à l’aise. Deux jeunes comédiens propulsés à la tête d’un blockbuster modeste et franc du collier, assurés par la star Ewan McGregor, parfait en soldat dévoué et lui aussi opposé au monumental Bill Nighy, apparaissant ici sous les traits numériques d’un géant à deux têtes.

Utilisant avec une belle finesse tout aussi bien les effets-spéciaux les plus modernes (performance capture et compagnie) et les bonnes vieilles constructions en dur, Jack le Chasseur de Géant fait plaisir. Parce qu’il convoque un monde merveilleux et des rebondissements à la chaîne  mais aussi car il n’ennuie jamais. L’action est continue et remarquablement bien dosée. On rigole, on frémit et au final on s’évade. Assumant son côté kitch (cf. les costumes notamment), le film exploite au mieux les éléments de l’histoire originale, mais sait aussi surprendre. Avec parcimonie certes, mais toujours au bon moment. Un sens du timing qui fait du bien, à l’heure où trop souvent, les studios optent pour une orgie d’effets dispensables, au risque, tout aussi souvent, de provoquer une indigestion chez le spectateur. Pas de ça ici. Jack respecte son public et assure le show. Comme au bon vieux temps…

@ Gilles Rolland

Jack-le-chasseur-de-geants

La Critique (Daniel) Rating: ★½☆☆☆ :
Et bien, il semblerait que des excuses mériteraient d’être présentées à l’autre conte de fées stéroïdé, Hansel et Gretel : Witch Hunters. Oh, c’est un film qui restera un énorme tas de conneries jetables, foireuses et bizarrement misogynes, mais au moins il y avait des jolies filles. Et du gore. Et Monsieur le Troll. Jack le Chasseur de Géants n’arrive même pas à être fun à ce niveau là, et encore moins en tant que film.

Pour changer, le contexte de ce ratage est beaucoup plus intéressant que ce qui se passe à l’écran. D’après son titre original et quelques péripéties fortuites, il semblerait que le film était prévu à la base comme étant un sombre remake de l’opus enfantin et mémorablement kitsch Jack le Tueur de Géants (1962), lui-même étant une adaptation d’une célèbre légende celtique au titre identique. Mais très largement, Jack le Chasseur de Géants est une version sombre de Jack et le haricot magique, un conte de fées entièrement différent qui implique également des géants et un gars qui s’appelle Jack. Prévu à l’origine pour une sortie en 2012, c’est malheureusement un de ces blockbusters tourmentés par des retards, des changements de titre et des excès de budget : fléaux qui annoncent rarement des bonnes nouvelles pour le résultat final.

Une fois de plus, nous avons affaire à un exemple de cinéma de banquiers. Ce film existe uniquement pour remplir un bilan comptable. C’est une de ces superproductions malmenées par les studios : où il y’a une tonne d’argent en jeu, tous les cadres prennent des notes et personne ne veut faire le même film, donc on finit par avoir un méli-mélo de tonalités contradictoires. Quelqu’un a décidé que ces contes de fées bourrinés sont à la mode après Blanche Neige et le Chasseur, vite, faisons Jack et le haricot magique ! Le plus surprenant, c’est que Jack le Chasseur de Géants vient de la main de Bryan Singer, un réalisateur plutôt doué (mais pas spécialement visionnaire) qui d’habitude, trouve toujours un moyen de glisser clandestinement ses obsessions distinctives dans des produits de genre. Singer s’est éclaté comme un fou avec les connotations politiques des deux premiers X-Men, et aussi défectueux soit-il, son Superman Returns possède un charme étrange, un des films de super-héros les plus tristes et personnels de la dernière décennie. Ici, rien à l’écran ne laisse apparaître ses sensibilités. Non seulement c’est un film de commande, mais c’est du travail anonyme.

Presque tous les acteurs sont des piliers de leur profession, et donc joueront dans tout et n’importe quoi puisque le boulot c’est le boulot, à l’exception près de Nicholas Hoult, qui semble suivre cette voie de la star du blockbuster. Après son charme récent qui le fait grimper dans mon estime, Hoult plane doucement en autopilote ici dans le rôle titulaire de Jack, qui finit par trouver ces fameux haricots magiques, mais pas avant que le film passe presque une demie-heure à mettre les couverts avec un prologue informatif d’une longueur ahurissante. Il y a beaucoup trop de personnages dans ce film, et le scénario (crédité à la plume de pas moins de quatre individus) les fait fourmiller de partout à contre-courant, à un tel point qu’on se demande si une charte ne serait pas utile pour gérer la disparité de toutes leurs motivations. Curieusement, le royaume dans lequel vivent Jack et compagnie n’a qu’une femme. Au moins, c’est un détail qui n’échappe pas.

Comme le reste du film, l’histoire est un cafouillage épouvantable, comme si à la fin du siècle dernier, Disney s’était mis à écrire un scénario pour adapter Jack et le haricot magique en suivant sa recette banale habituelle et l’avait laissé inachevé, avant que quelqu’un ne vienne le dépoussiérer une vingtaine d’années plus tard pour en faire un gros film d’action. Vous connaissez l’histoire de la princesse tête-brûlée aux airs vagues de garçon manqué, avec le goût pour l’aventure qui se frotte contre les restrictions d’une vie de noblesse et se prépare sans enthousiasme à épouser un salaud ? Cette même princesse qui, sous le voile d’un déguisement, s’enfuit du palais royal et rencontre un jeune paysan qui lui-même rêve d’un statut meilleur ? Cette même princesse qui, comme par hasard, s’attire des ennuis et pousse notre héros désigné à la sauver et prouver sa valeur ? Et bien cette fois, il y’a des géants, donc c’est du tout frais !

Bizarrement, si le film coche toutes les cases de la liste des clichés fantastiques superficiels avec un ennui prosaïque parce que c’est un conte de fées et que c’est comme ça et pas autrement, il se sent obligé d’élaborer une mythologie incroyablement compliquée pour essayer de justifier l’apparition attendue des géants et des haricots magiques. À savoir, il était une fois la légende d’une ancienne secte de moines qui a fait pousser des haricots magiques pour accéder au paradis et rencontrer Dieu, mais qui a trouvé une civilisation flottante de géants qui sont redescendus sur Terre pour faire de l’humanité leur fast-food personnel, mais les humains les ont repoussés grâce une relique magique qui contrôle les géants et Stanley Tucci cherche à s’approprier la relique magique et il est préférable de s’arrêter là parce qu’on pourrait y passer des pages. Mémo aux scénaristes : si votre film est déjà stupide, compliquer l’affaire n’aide pas du tout les choses.

Jack Le Chasseur de Géants est presque fascinant, dans le sens où (d’après ce que l’on peut voir) c’est un film qui n’est destiné à aucun public. Il vise parfois à toucher l’irrévérence de Princess Bride (Ewan McGregor a certainement l’air de marcher sur ces plates-bandes là, et il s’en sort admirablement, d’ailleurs), parce que les attitudes anachroniques dans un contexte fantastique, c’est automatiquement intelligent, n’est-ce pas ? Certains acteurs essayent de se la jouer sérieux, d’autres se jettent dans le cabotinage, et malgré la volonté évidente d’humour, tout est relativement triste. Les costumes ridicules et l’extravagance fantaisiste de l’ensemble lui donnent l’ambiance d’un film pour enfants (ils peuvent compliquer la mythologie autant qu’ils veulent, ça reste Jack et le haricot magique) mais Singer enrobe le tout de l’esthétique morne et grise qui caractérise la plupart de son travail. Et quand on finit par rencontrer ces bougres de géants, ils froncent les sourcils d’un air évocateur, mais leur apparence grotesque est visuellement polluée par des effets de synthèse de seconde zone, même si un géant à deux têtes amuse par moments. 190 millions de dollars, ce n’est plus que c’était.

Ici encore, la tonalité du film va dans tous les sens : les géants bavent, pètent, rotent, bouffent les têtes des gens, écrasent leurs victimes ou en font des plats cuisinés. Mais tout cela filerait des cauchemars au public qui a grandit avec Shrek, donc tout est détourné, caché, aseptisé ; les morts ont lieu hors-champ et la violence est PG-13. Et ce n’est pas pour que dire que mélanger les tons est forcément une mauvaise idée. Après tout, Peter Jackson, Terry Gilliam et Sam Raimi le font les yeux fermés, et on peut comprendre si Singer essaye d’y raccrocher son wagon. Entre mépris ou indifférence, son approche du sujet ne se devine pas, mais dans tous les cas, il échoue.

Jack le Chasseur de Géants est un faux pas colossal. C’est du spectacle vide, laid et sans intérêt qui ne fait même pas l’effort d’être enthousiaste dans sa nullité et perd son temps pendant deux heures interminables. Pile au moment où l’histoire semble enfin prendre fin, le film rajoute une autre séquence de bataille, qui n’accomplit rien du tout à part prouver que les auteurs ont regardé le troisième volet du Seigneur des Anneaux et ont beaucoup aimé. La direction de ces adaptations de conte de fées devient inquiétante. Un spectateur grandit. Ça ne veut pas nécessairement dire que son enfance doit faire pareil.

@ Daniel Rawnsley

JACK THE GIANT SLAYER

 

Crédits photos : Warner Bros. France

Par Gilles Rolland le 28 mars 2013

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