[Critique] LA BALLADE DE BUSTER SCRUGGS

CRITIQUES | 19 décembre 2018 | Aucun commentaire
La-Ballade-de-Buster-Scruggs-poster

Titre original : The Ballad Of Buster Scruggs

Rating: ★★★½☆
Origine : États-Unis
Réalisateurs : Joel Coen, Ethan Coen
Distribution : Tim Blake Nelson, Liam Neeson, Zoe Kazan, Clancy Brown, James Franco, Harry Melling, Tom Waits, Brendan Gleeson, Saul Rubinek…
Genre : Western
Date de sortie : 16 novembre 2018 (Netflix)

Le Pitch :
Film à sketchs, La Ballade de Buster Scruggs raconte 6 histoires différentes prenant toutes pied dans l’Ouest sauvage américain…

La Critique de La Ballade de Buster Scruggs : (sketch par sketch) :

Visiblement envisagée en premier lieu comme une série TV, La Ballade de Buster Scruggs arrive sur Netflix sous la forme d’un films à sketchs. Les frères Coen qui eux aussi ont donc cédé à l’appel du géant du streaming, ne passant pas, pour la première fois de leur carrière, par la case cinéma. La Ballade de Buster Scruggs qui arrive 2 ans après le plutôt décevant Ave, César ! et dont l’une des thématiques principales s’articule autour de la fameuse conquête de l’Ouest. L’occasion pour les Coen d’interroger de diverses façons les fondements même de leur pays et de disserter, en compagnie de plusieurs personnages eux-mêmes vecteurs de leur tendance au second degré et à l’absurde.
Cela dit, voici donc la critique du film, histoire par histoire…

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La Ballade Buster Scruggs Rating: ★★★☆☆

Une fine gâchette parcourt à cheval les grandes étendues désertiques, écrivant sa légende à coups de colt, tout en poussant volontiers la chansonnette… Hommage aux films de cow boy chantant, ce premier segment, qui donne son nom au long-métrage, voit Tim Blake Nelson incarner un personnage pas spécialement attachant mais amusant car garant d’un certain décalage. Tout vêtu de blanc, il flingue son prochain avec une maestria plutôt surprenante compte tenu de la propension du gus a aussi se laisser aller au music hall dès que l’occasion se présente.
Magnifiquement photographiée, rythmée par des chansons plutôt entraînantes, étonnamment violente et baignée dans une ambiance qui permet de renouer d’emblée avec l’atmosphère propre aux réalisations des frangins, cette entrée en matière est aussi un peu trop anecdotique pour vraiment convaincre.

Près d’Algodones Rating: ★★★☆☆

Un cow boy tente de dévaliser une banque isolée mais se heurte à la pugnacité du propriétaire des lieux…
Nous découvrons James Franco, le visage buriné, dans une histoire amusante mais là aussi un peu trop légère pour vraiment passionner. Très court, ce segment prend un peu la forme, par son absurdité sous-jacente, d’un cartoon, mais a quand même du mal à décoller.

Ticket repas Rating: ★★★★☆

Un homme trimbale sa carriole de village en village, présentant un spectacle dans lequel un jeune garçon sans bras ni jambes déclame de célèbres tirades. Se produisant devant des cow boys usés, ce dernier tente par tous les moyens de subsister mais doit se heurter à l’indifférence croissante d’un public de plus en plus rare…
Liam Neeson et Harry Melling (Harry Potter) sont au centre de la première histoire vraiment intéressante de La Ballade de Buster Scruggs. Une réflexion esthétiquement très soignée et crépusculaire sur la défaite de la culture face à l’entertainment creux et superficiel. Un sketch cruel et actuel, habité par les fantômes de Shakespeare et de Lincoln, par le biais duquel les Coen se désolent de l’état d’une société en proie à une bêtise bien trop souvent jugée comme séduisante. Segment dans lequel Liam Neeson et Harry Melling font des merveilles.

Gorge dorée Rating: ★★★★½

Un vieil orpailleur arrive au sein d’une vallée immaculée traversée par un petit ruisseau. Guidé par son intuition, il y établit son campement et commence à chercher de l’or…
Une autre réussite flagrante. Peut-être le plus puissant de tous les segments et probablement le plus évocateur également. Une métaphore de la capacité de l’homme à tout gâcher dans son désir de conquête. Une critique de l’avidité et du pouvoir de l’argent dans une société dont la propension à massacrer la nature n’a tragiquement pas de limite. Actuelle, cette histoire l’est assurément. Avec son Tom Waits (remarquable) qui débarque et saccage un paysage aussi incroyablement sublime, dans son seul intérêt, avec ce hibou au regard accusateur et ce cerf qui à la fin, ne peut que se désoler, Gorge dorée fait mouche grâce à cette capacité des frangins à parfaitement mettre en image une histoire simple et efficace. La photographie de Bruno Delbonnel est extraordinaire, elle qui met parfaitement en valeur un cadre époustouflant, se faisant également le vecteur d’une poésie sacrifiée sur l’autel du profit. L’implacable allégorie du capitalisme carnassier et de la conquête de l’Ouest, vue à travers le prisme de la folie ordinaire d’un homme seul face à ses aspirations meurtrières envers un monde trop fragile.

La fille qui fut sonnée Rating: ★★★½☆

Alice, une jeune femme, traverse le pays au sein d’une colonie ayant pour but de rallier l’Oregon afin de s’y établir. En chemin, son frère meurt, laissant Alice aux abois… Éclairé par la présence lunaire de la brillante Zoe Kazan, La fille qui fut sonnée est aussi une belle réussite. Malgré son côté un peu trop abstrait, ce segment comprend des dialogues de qualité et comporte quelques séquences mémorables, à l’image de l’attaque finale des indiens. Un conte lui aussi cruel, dont la violence se voit diluée dans une absurdité moins évidente mais bel et bien présente. Le plus long de tous les sketchs du film.

Les Restes mortels Rating: ★★½☆☆

Dans une diligence lancée à pleine vitesse, 5 passagers discutent de sujets divers… Une conclusion assez décevante car beaucoup trop bavarde et opaque pour vraiment convaincre. Et même si, à la fin, on pige à peu près où les Coen ont voulu en venir, on accroche difficilement au mode opératoire. On se console néanmoins avec la présence devant la caméra de Brendan Gleeson, qui pousse lui aussi la chansonnette avec un talent certain.

En Bref…
Plutôt inégal, La Ballade de Buster Scruggs peine donc à faire preuve d’unité, tombant dans les travers de beaucoup de films adoptant un format similaire. Néanmoins, le film si il ne chute jamais très bas, sait par contre monter très haut, à l’occasion de sketchs brillants, drôles, sauvages et cruels. Un projet passionnant quoi qu’il en soit et visuellement parfaitement maîtrisé.

@ Gilles Rolland

La-Ballade-de-Buster-Scruggs-Tom-Waits   Crédits photos : Netflix

Par Gilles Rolland le 19 décembre 2018

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