[Critique] LA FACE CACHÉE DE MARGO

CRITIQUES | 18 août 2015 | Aucun commentaire
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Titre original : Paper Towns

Rating: ★★★★☆
Origine : États-Unis
Réalisateur : Jake Schreier
Distribution : Nat Wolff, Cara Delevingne, Justice Smith, Austin Abrams, Halston Sage, Jaz Sinclair, Cara Buono, Caitlin Carver…
Genre : Drame/Comédie/Romance/Adaptation
Date de sortie : 12 août 2015

Le Pitch :
Quand il voit Margo pour la première fois, quand cette dernière emménage dans la maison d’en face, Quentin tombe raide amoureux. Des années plus tard, alors qu’il s’apprête à quitter le lycée pour aller à la fac, le jeune homme est toujours aussi fou de sa voisine, qui entre temps, s’est éloignée de lui et est devenue une fille populaire, plus que jamais inaccessible. Une nuit pourtant, celle-ci vient frapper à sa fenêtre et entraîne Quentin dans une folle aventure, avant de disparaître mystérieusement le lendemain matin, en laissant derrière elle une série d’indices. Bien décidé à retrouver Margo, Quentin entraîne ses meilleurs amis dans une enquête pleine de surprises…

La Critique :
Pas évident de sonner juste quand on décide de parler d’un sujet aussi rabattu que le passage à l’âge adulte. Idem quand on désire livrer une comédie romantique digne de ce nom. Surtout si elle met en scène des jeunes. Plusieurs cinéastes sont parvenus à livrer des classiques, de John Hughes (The Breakfast Club, Seize Bougies pour Sam…) à Greg Mottola (Supergrave, Adventureland…), tandis que d’autres se sont contentés de filmer des fêtes et de réduire leurs films à de grossiers lieux communs sans intérêt. La Face cachée de Margo lui, fonce tête baissée dans les clichés. Adapté du best-seller de John Green (déjà auteur de Nos Étoiles Contraires, le carton de l’été de 2014), le film ne cherche en effet jamais à éviter les incontournables. On peut donc y voir un garçon timide et pas spécialement populaire tomber amoureux de la fille la plus belle et la plus en vue du bahut, une grosse fête où ça picole sévère, des gros durs qui terrorisent les geeks, des jeunes qui lisent des auteurs classiques (ici Walt Whitman) et écoutent de la musique qui n’est pas vraiment en phase avec leur génération (ici Woody Guthrie), etc… Tout y est, ou presque et ça marche à fond les ballons !
En acceptant que son récit doive passer par certaines portes, Jake Schreier, par ailleurs déjà responsable de l’excellent Robot and Frank, assume et prend appuie sur les clichés pour leur tordre gentiment le cou et nourrir une pertinence grandement responsable de la réussite de l’ensemble. Même chose concernant les petites facilités du livre, comme ces indices laissés par Margo, qui débouchent sur une enquête un peu tirée par les cheveux. Tout ceci n’est pas très grave car exploité très justement pour propulser le vrai discours du long-métrage et lui conférer une authenticité et une universalité vraiment appréciables. La Face cachée de Margo, au final, parvient à se hisser largement au-dessus de la masse des teen movies sans se démonter une seule seconde, notamment via de petits détails disséminés ici ou là. Car si l’écriture peut paraître assez « bateau », elle recèle en réalité de tout un tas de vérités prouvant que le romancier, comme le film, a parfaitement compris la teneur de la période qu’il s’attache à retranscrire à l’écran, à savoir ce moment charnière de l’existence où l’enfance se fait la malle pour de bon. Une période qualifiée ici de « période des dernières fois ». Dernière discussion dans la salle de musique avec les copains, dernière interro… Mais aussi celle des premières fois. C’est alors que l’enquête pour retrouver Margo se transforme en épreuve, puis en voyage initiatique. Un moment où l’amitié entre trois mis d’enfance trouve son point d’orgue et où l’amour fait son apparition en cela qu’il trouve l’occasion de se concrétiser et de dévoiler son vrai visage, avec tout ce que cela implique de joies et de peines.

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D’un côté, La Face cachée de Margo n’esquive pas les clichés et de l’autre, sans crier gare, il parvient à sonner avec une belle originalité. Le roman offrait déjà une base solide, que le réalisateur exploite à merveille. En cela, il peut compter sur des acteurs eux aussi parfaitement pertinents. Rarement nous avons pu voir dans un film américain des personnages de « jeunes » aussi vrais. Aussi proches d’une réalité universelle. Un peu à la façon du formidable Le Monde de Charlie et des films cités plus haut, le long-métrage esquive les facilités quand il s’agit de brosser les portraits d’une bande d’amis auxquels il est aisé et tentant de s’identifier. En offrant à l’ancien mannequin, Cara Delevingne, un rôle de rebelle finalement assez proche de ce qu’elle semble être dans la vie, le film s’assure que l’actrice ne va pas faire de faux pas. Naturellement belle, espiègle, grave quand il faut l’être, et mélancolique, elle incarne parfaitement cet idéal féminin adolescent. Cet espèce de mythe fait femme, propre aux aspirations amoureuses de ceux qui n’ont pas le courage de faire le premier pas car jouant dans une ligue mineure par rapport aux caïds bien baraqués et bien habillés. Complètement à l’aise dans ses Converse, Cara Delevingne est impeccable, et incarne, pour ses véritables débuts au cinéma, un personnage ambigu très convainquant et très prometteur quant à la suite des événements la concernant. Pour autant, ne vous y trompez pas, car contrairement à ce que l’affiche et le titre français laissent présager, ce n’est pas elle la star du film, mais bel et bien le jeune Nat Wolff. Même ses amis, incarnés par les très bons Justice Smith et Austin Abrams sont plus présents, à l’instar de la superbe Halston Sage, qui tire remarquablement bien son épingle du jeu, en faisant de son personnage de blonde typique tendance cheerleader, un des piliers de l’histoire secondaire, dont les ramifications finissent par prendre presque autant d’importance que le récit principal centré sur la quête pour retrouver Margo.
Une quête qui sert ainsi de prétexte à l’épanouissement des thématiques chères à l’auteur. Frondeur, celui-ci n’hésite d’ailleurs pas à faire le pont avec Moby Dick, afin de souligner que l’important n’est pas tant dans l’objet de la quête, mais dans le périple qui précède. Ce dont le héros incarné par Nat Wolff a bien du mal à s’éveiller, contrairement au spectateur, qui voit peu à peu se dessiner une vraie réflexion sur le passage à l’âge adulte.

Au final, La Face cachée de Margo s’avère ainsi vraiment formidable. Peu à peu, il s’arrange pour égrainer les vérités sur une période que nous avons tous vécu. Il colle un sourire sur les visages, au rythme de gags plutôt fins, sans jamais sombrer dans le graveleux ou l’excès. En se moquant d’embrasser les codes, il les remodèle pour servir ses propres intérêts et donner de la substance à son histoire attachante, habitée de personnages plus vrais que nature, et se paye même le luxe de surprendre au moment de son dénouement. Non décidément, ce n’est pas vraiment la destination qui compte, mais véritablement le voyage. Et celui que propose Margo et ses potes est loin de manquer de charme. Sans problème l’un des meilleurs films du genre de ces dix dernières années.

@ Gilles Rolland

halston-sage-paper-townsCrédits photos : 20th Century Fox France

 

Par Gilles Rolland le 18 août 2015

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