[Critique] LE MANS 66

CRITIQUES | 14 novembre 2019 | Aucun commentaire
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Titre original : Ford v. Ferrari

Rating: ★★★★½

Origine : États-Unis

Réalisateur : James Mangold

Distribution : Christian Bale, Matt Damon, Caitriona Balfe, Noah Jupe, Tracy Letts, Jon Bernthal, Josh Lucas, Remo Girone, Ray McKinnon…

Genre : Drame/Biopic/Adaptation

Durée : 2h33

Date de sortie : 13 novembre 2019

Le Pitch :

Désireux de moderniser son image, la firme américaine Ford se rapproche de l’ancien pilote Carroll Shelby afin de se lancer dans la compétition automobile, avec en ligne de mire les 24 Heures du Mans. Le but étant de détrôner le multiple vainqueur Ferrari et d’asseoir la supériorité de la marque. Conscient qu’il s’attaque là à un défi de taille, Shelby entend concevoir une toute nouvelle automobile. Il se rapproche alors du pilote britannique Ken Miles. Un surdoué au caractère bien trempé, que Shelby entend aussi placer derrière le volant de son bolide. Histoire vraie…

La Critique de Le Mans 66 :

À quoi reconnaît-on un bon film ? Plusieurs facteurs entrent en ligne de compte. La mise en scène, les acteurs, le scénario, la photographie… Mais un bon film doit aussi bien sûr être capable de nous intéresser à son sujet. Y compris si à la base, on a rien à cirer du sujet en question. C’est là l’une des forces du dernier né de James Mangold : fédérer les amateurs de sport automobile et les autres, pour lesquels la voiture sert juste à aller d’un point A à un point B. Car oui, Le Mans 66 est un sacré bon film. Le genre qui galvanise. Un tour de force à plusieurs niveaux de lecture…

Duel historique

James Mangold change de registre un peu plus de 2 ans après la sortie de son crépusculaire et violent Logan et s’intéresse à la rivalité de Ford et de Ferrarri à l’occasion de l’édition 1966 des 24 Heures du Mans. Un sujet lui permettant de certes aborder la fameuse « course à l’armement » à laquelle s’est livré Ford dans les 60’s pour tenter de se bâtir une nouvelle image auprès de la jeune génération, mais aussi d’évoquer beaucoup d’autres choses, moins directement, mais avec une force et une pertinence qui forcent l’admiration… Mais nous en parlerons un peu plus tard. Pour le moment, saluons James Mangod pour sa minutie, son sens du détail (la formidable reconstitution d’époque, entre Los Angeles et Le Mans), ainsi que pour son montage ultra efficace.

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Travail d’équipe

Mangold qui prouve encore ici qu’il est probablement l’un des meilleurs directeurs d’acteurs du moment, en parvenant à totalement exploiter la puissance viscérale et les subtilités du jeu de Christian Bale et l’approche plus tranquille mais assurément parfaitement dans le ton de Matt Damon. Le premier livrant ici une nouvelle performance à tomber à la renverse alors que le second, bénéficiant d’un rôle en or, nuance pour mieux s’imposer au fil des minutes. Bale et Damon s’avérant de plus extrêmement complémentaires. Leur duo, avec ce petit côté improbable, conférant non seulement au film un véritable prestige mais lui permettant aussi de vraiment donner corps aux émotions qu’il entend porter et communiquer. Alors Le Mans, grand film de comédiens ? Pour sûr car au fond, même si les deux se taillent la part du lion, ils ne sont pas les seuls à briller. Et tant pis, car c’est peut-être la seule chose que l’on pourrait reprocher au métrage, si certains peinent à s’imposer à cause d’une écriture un peu trop exclusive. On pense notamment à Josh Lucas, impeccable en directeur des courses de Ford, même si sa partition reste prévisible. Un détail…

Pied au plancher

Si James Mangold prend bien sûr le temps de soigner le fond et la forme afin de nous raconter l’histoire du pilote Ken Miles et du constructeur Carroll Shelby, en parvenant à nous y intéresser, livrant une fresque sans cesse passionnante et visuellement aboutie, il sait aussi jouer sur plusieurs tableaux. C’est d’ailleurs à cela qu’on reconnaît les grands : ils parviennent toujours à dire « autre chose ». À exploiter leur récit pour nourrir d’autres ambitions. C’est ainsi qu’alors qu’on aurait pu croire que Le Mans 66 aurait été une ode au constructeur Ford, qui un jour, a décidé de défier le géant des courses Ferrari sur son propre terrain, il s’agit surtout d’une charge héroïque, audacieuse et pertinente à l’encontre du système actuel des studios américains. Miles et Shelby nageant à contre-courant d’une entreprise qui tient à imposer son point de vue, parfois en risquant de compromettre la victoire. Deux rebelles qui peuvent donc très bien illustrer la ténacité de celles et ceux qui aujourd’hui, défendent une autre idée de cinéma. Loin des préoccupations purement mercantiles. Mangold souligne l’importance de la prise de risque, de la passion et de l’engagement intègre. Le Mans 66 réussissant au final l’exploit de se poser comme l’une des métaphores les plus intelligentes et malgré tout violentes sur l’état actuel du cinéma. Oui Ford est au premier plan mais ses dirigeants sont montrés au mieux comme des costards-cravate animés d’ambitions qu’ils ne sont pas en mesure de mener à leur terme ou au pire, comme des personnes avides, égoïstes, profondément intéressées et prêtes à broyer quiconque se met en travers de leur chemin. Le Mans 66 raconte comment deux hommes ont voulu changer le système de l’intérieur. Mangold insistant sur le fait que c’est précisément comme cela que naissent les révolutions : par une opposition. Par une idée. Par une dévotion absolue.

Drapeau à damiers

Avant d’être montrés comme des professionnels passionnés, Ken Miles et Carrosl Shelby sont apparaissent ici comme des visionnaires. Comme deux amis dont les exploits et le talent reposent justement sur cette capacité à rester hermétiques à des perturbations extérieures relatives à des motivations tout sauf nobles. Des types qui évoluent au sein du système, prêts à changer le cours des choses. À la manière d’un Spielberg, d’un Coppola, d’un Romero ou d’un Scorsese, James Mangold insère dans son film un discours inattendu et parfaitement dosé, d’une intelligence et d’une clairvoyance qui aujourd’hui, font rudement plaisir. Le tout, on le répète, sans négliger son sujet premier, à savoir la course. Car oui, Le Mans 66 est sans aucun doute l’un des 5 meilleurs films jamais réalisés sur le sujet. 6 ans après le remarquable Rush de Ron Howard, dans lequel il était déjà question de rivalité, Mangold nous fait ressentir l’ivresse de la vitesse et de la compétition sans sacrifier l’émotion mais jamais en ne cherchant à brosser son public cible dans le sens du poil. Sans chercher le sensationnalisme facile mais sans renier certains gimmicks propres aux productions du genre, en sublimant un schéma narratif connu. En rendant pleinement justice à son récit, conscient que parfois, la réalité n’a pas besoin qu’on l’enjolive pour captiver. Car c’est aussi ça le cinéma : respecter le réel, souligner l’humanité sans exagérer et s’en tenir aux faits en leur offrant un écrin à la hauteur.

En Bref…

Nouvelle référence instantanée du genre, Le Mans 66 est un grand film. Un grand film sur les courses automobiles et un grand flm sur Le Mans (48 ans après le long-métrage éponyme avec Steve McQueen). Mais là où Le Mans 66 gagne vraiment ses lettres de noblesse, c’est quand il sort des clous et exploite sa matière pour livrer une charge virulente sur le système des studios de cinéma. Quand il fonce jusqu’à la ligne d’arrivée, en se montrant émouvant, galvanisant, palpitant. Plus de 2h30 durant, porté par un formidable duo d’acteurs.

@ Gilles Rolland

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Crédits photos : 20th Century Fox France
Par Gilles Rolland le 14 novembre 2019

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