[Critique] L’EXTRAVAGANT VOYAGE DU JEUNE ET PRODIGIEUX T.S. SPIVET

CRITIQUES | 16 octobre 2013 | Aucun commentaire
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Titre original : The Young and Prodigious T.S. Spivet

Rating: ★★★☆☆
Origines : France/États-Unis
Réalisateur : Jean-Pierre Jeunet
Distribution : Kyle Catlett, Helena Bonham Carter, Callum Keith Rennie, Judy Davis, Niamh Wilson, Jakob Davies, Rock Mercer, Dominique Pinon, Julian Richings…
Genre : Aventure/Drame/Adaptation
Date de sortie : 16 octobre 2013

Le Pitch :
T.S. Spivet, un jeune surdoué de 10 ans, vit avec sa famille dans une ferme isolée du Montana. Passionné de sciences et avide de connaissance, T.S se met en tête de fabriquer la première machine à mouvement perpétuel et y parvient sans trop de difficulté. Une découverte qui lui permet de gagner le prestigieux prix Baird du Musée Smithsonian de Washington D.C.. Bien décidé à recevoir sa récompense, le jeune garçon prend la route seul, sans en informer sa famille. Une bonne occasion pour lui d’échapper également à la torpeur qui s’est installée dans le foyer depuis la mort tragique de son frère aîné…

La Critique :
Il est toujours difficile de relever le défi de « l’après classique instantané ». Un défi qui s’est rapidement imposé à Jean-Pierre Jeunet, quand celui-ci pond un beau jour l’un des films préférés des français, à savoir Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain. Carton à l’étranger et sorte de brochure touristique en 24 images par seconde, de notre belle capitale, le long-métrage installe le talent solo d’un réalisateur déjà fortement remarqué grâce aux autres classiques co-dirigés avec Marc Caro, que sont Delicatessen et La Cité des Enfants Perdus. Au point de faire oublier un Alien, la résurrection un poil à la ramasse quand même. Dès lors, tout le monde connaît Jeunet, au point de lui prêter des capacités artistiques quasi-surnaturelles et donc de sur-estimer un poil son film le plus populaire. C’est évidement une question de point de vue tant Amélie Poulain a pu émouvoir une large partie du public, mais aussi gonfler d’autres spectateurs pas spécialement émus par cette succession d’images tellement acidulées que certains en ont chopé des caries.
Quoi qu’il en soit, Amélie Poulain a conditionné la carrière de Jeunet, qui s’est vu enfermé dans un style mise en scène saturée, dont il est encore prisonnier (certainement de son plein gré) aujourd’hui.

Quoi qu’il en soit, c’est après Un Long Dimanche de Fiançailles scénaristiquement plus profond et sobre qu’Amélie Poulain et le ratage complet que fut Micmacs à Tire-larigot, que Jeunet a décidé de s’expatrier de l’autre côté de l’Atlantique afin de mettre en boite une nouvelle friandise à destination d’un public extrêmement large. L’Extravagant Voyage du Jeune et Prodigieux T.S. Spivet (attention titre à rallonge) déboule et avec lui un cortège de belles images, de couleurs vives, de bons sentiments et de péripéties incroyables.
Le titre et le pitch annoncent à eux seuls la saveur du nouveau Jeunet. Au final, on a exactement droit à ce qui était prévu, même si le réalisateur parvient de justesse à surprendre dans le bon sens à certains moments clés. Comme indiqué plus haut, Jeunet est prévisible. Un peu comme Michel Gondry, il semble coincé dans ses propres gimmicks qui, si ils sont suffisamment originaux pour créer ensemble une identité graphique et narrative, ne suffisent pas pour servir de base de travail à plusieurs films. Pour faire simple, c’est précisément ce qui fait de T.S. Spivet un pur film de Jeunet, qui constitue son principal handicap. Tous ses tics reconnaissables nuisant à la force d’un récit assez bien ficelé et émouvant pour se prêter davantage à une illustration plus sobre.

T.S., le jeune héros, est une sorte de Malcolm. Il sait tout et malgré son jeune âge, tient la dragée haute aux adultes, au point de leur souffler un prestigieux prix scientifique. En cela, le film explique à l’aide de fréquentes incrustations, utilisant d’ailleurs une 3D convenable, ce qui se passe dans la tête de T.S. Spivet. Des schémas, des dessins divers et variés et autant de flash backs qui, par leur nombre beaucoup trop élevé, cassent le rythme. Sans compter le caractère du personnage principal, pas spécialement attachant, en dehors des passages où il met justement de côté sa rigueur intellectuelle pour laisser parler une émotion relativement bien retranscrite.

En se basant sur une histoire simple mais forte et fédératrice (d’après le bouquin de Reif Larsen, paru en 2009), Jean-Pierre Jeunet a donc surchargé inutilement la mule. Certes magnifique, son film l’aurait été encore plus si le réalisateur n’avait pas tenu à saturer de couleurs les déjà sublimes paysages dans lesquels il a immergé ses personnages.
Il y a ensuite cette satire bien bas de plafond du monde des médias, qui marque la deuxième partie du film, à savoir celle qui se déroule en ville, une fois T.S. Spivet arrivé à destination. Récupéré par une femme gentiment manipulatrice et carriériste, le gamin est l’objet d’une avidité parfois outrageante. Jeunet enfonce une porte ouverte. Oui la télé exploite le malheur et le bonheur des gens tout en les traitant comme des bestiaux qu’ils s’empressent de conduire à l’abattoir. Tout ça on connaît merci et de toute façon, cette critique, en l’état, ne sert qu’à alourdir un film reposant déjà sur un équilibre précaire.

Reste, et ce n’est pas rien, de grands moments de poésie. Vraiment touchantes, ces scènes permettent de faire perdurer un sentiment positif. Malgré ses défauts évidents, dus aux tics d’un cinéaste prévisible, L’Extravagant Voyage du Jeune et Prodigieux T.S. Spivet est peut-être le film de Jeunet le plus universel. Moins excluant qu’Amélie Poulain, plus fédérateur qu’Un Long Dimanche de Fiançailles et beaucoup plus réussi que Micmacs à Tire-larigot, le voyage de ce petit surdoué réserve de belles surprises et rattache en quelque sorte les wagons avec ces grandes aventures familiales qui pullulaient dans les années 80. Les acteurs sont de plus, pour la plupart convaincants, en particulier Helena Bonham Carter et la jeune Niamh Wilson (le grande sœur). Kyle Catlett, qui interprète le rôle titre, offre aussi une belle palette d’expressions, mais peut gonfler par moment, même si c’est avant tout son personnage qui le veut. Callum Keith Rennie, dans les bottes terreuses du père, livre quant à lui une réinterprétation mineure du cow-boy Marlboro, sans trop forcer vu qu’il a la gueule de l’emploi. Les fidèles seront contents de retrouver Dominique Pinon, pour le coup tout à fait inspiré. Des fidèles de Jeunet qui trouveront matière à s’émouvoir et à s’émerveiller. Le film leur est en priorité destiné. Les autres peuvent tenter le coup, mais si le souvenir d’Amelie Poulain en train de manger des framboises sur ses doigts, vous laisse de marbre il y a peu de chances que vous viviez là une expérience de cinéma des plus mémorables.

@ Gilles Rolland

l-extravagant-voyage-du-jeune-et-prodigieux-ts-spivetCrédits photos : Gaumont Distribution

Par Gilles Rolland le 16 octobre 2013

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