[Critique] L’HOMME QUI TUA HITLER ET PUIS LE BIGFOOT

CRITIQUES | 8 janvier 2021 | Aucun commentaire
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Titre original : The Man who killed Hitler and then the Bigfoot

Rating: ★★★★★

Origine : États-Unis

Réalisateur : Robert D. Krzykowski

Distribution : Sam Elliott, Aidan Turner, Anastasia Tsikhanava, Ron Livingston, Caitlin Fitzgerald, Ellar Coltrane…

Genre : Drame/Aventure

Durée : 1h38

Date de sortie : 4 janvier 2021 (VOD)

Le Pitch :

Pendant la Seconde Guerre Mondiale, un soldat américain quitte l’amour de sa vie pour s’engager sur le front. Il parvient alors à infiltrer le III Reich et à tuer Hitler. Bien des années plus tard, le gouvernement lui confie une autre mission : traquer le Bigfoot dans les montagnes canadiennes…

La Critique de L’Homme qui tua Hitler et puis le Bigfoot :

Scandaleusement resté dans les tiroirs depuis plusieurs années, malgré une jolie réputation acquise en festival, L’Homme qui tua Hitler et puis le Bigfoot est enfin disponible en France, où il a écopé d’une sortie (beaucoup trop) discrète en VOD, dans un contexte de plus assez compliqué. De quoi lui assurer une destinée malheureusement prévisible sur nos terres. Ce qui est d’autant plus dommage car on parle tout de même ici d’une authentique pépite. D’un film original, dans tous les sens du terme, audacieux et à bien des égards attachant…

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Dans l’ombre de l’Histoire…

L’Homme qui tua Hitler et puis le Bigfoot… Un titre plein de promesses en forme de rapide résumé, qui aurait pu correspondre à une solide série B ou bien au genre de chose que peut produire à la chaîne des studios comme Asylum (ceux de Sharknado), bis à souhait et potentiellement opportuniste. Mais non… Car s’il n’évite jamais d’effectivement assumer son statut et d’ainsi bel et bien raconter ce qui est annoncé dans son titre, le film de Robert D. Krzykowski va aussi plus loin. Infiniment plus loin. Et ce au risque de peut-être décevoir ceux qui attendaient justement un délire historico-gore à la lisière de la série Z décomplexée…

Il est donc en effet question d’un homme qui un jour, eut l’opportunité de tuer Hitler et qui, des années plus tard, alors qu’il passe son temps à ruminer au sujet de son âge avancé et des occasions manquées, se voit proposer une mission consistant à poursuivre le Bigfoot dans les contrées sauvages du Canada pour définitivement mettre un terme à son existence… Hitler et le Bigfoot dans le même titre et dans le même film avec au milieu le genre de personnage qui n’aurait pas fait tâche dans la filmographie de Clint Eastwood. Un héros américain au cœur pur, magnifiquement interprété par un Sam Elliott à nouveau touchant, prodigieux de bout en bout car capable, par la seule force de son regard et de cette voix si profonde, de vous coller la chair de poule. L’acteur, digne, charismatique au possible, n’hésitant de plus jamais à sauter à pieds joints dans l’action quand le script, également écrit par Robert D. Krzykowski, décide d’effectuer de brutales sorties de route pour aller totalement embrasser la dimension bis de son récit.

Traque légendaire

Autant l’annoncer d’emblée : L’Homme qui tua Hitler et puis le Bigfoot n’est pas un film d’action ou un film d’horreur. C’est un drame. Un drame d’aventure décalé, profondément honnête et touchant, audacieux aussi dans sa façon d’effectuer de réguliers et très harmonieux allers-retours dans le temps. Le titre est assez révélateur en soi. Un titre en forme de spoiler géant, que Robert D. Krzykowski assume jusqu’au bout. Oui on voit Hitler et il se fait tuer et oui il en va de même pour le Bigfoot. Ici, c’est la façon de raconter cette drôle d’histoire qui compte et surtout la manière dont le personnage principal, ce soldat revenu de tout, un peu blasé mais toujours fidèle à ses idéaux, vit les différents événements. Un héros au sens noble donc, pris dans les tourments de l’Histoire, à la croisée des chemins, assailli par les regrets, victime de la marche d’un monde impitoyable, hanté par des mythes qui prennent vie en adoptant parfois des formes inattendues.

À la frontière du pur fantastique, le long-métrage va très loin en cela qu’il ne recule jamais devant son objectif et n’est jamais écrasé par ses propres ambitions. Robert D. Krzykowski maîtrisant chaque aspect de son récit, avec une droiture exemplaire et une certaine générosité.

Au cœur des ténèbres

Générosité visible dans la réalisation. L’Homme qui tua Hitler et puis le Bigfoot étant une production à petit budget étonnante en cela que sa volonté de justement dépasser les contraintes matérielles se fait sans cesse plus prégnante. Sans utiliser d’effets spéciaux grossiers, le metteur en scène et ses collaborateurs ont appris à composer avec les moyens mis à leurs disposition, nous gratifiant de plans absolument magnifiques, évoquant notamment l’imagerie d’Apocalypse Now, quand le héros arrive à la frontière de cette zone où le Bigfoot attend son heure, délimitée par un mur de feu déchirant la nuit, où dans les montagnes canadiennes, au cœur de paysages magnifiés par une photographie incroyablement poétique. Et ce avant de flirter avec le grand guignol… Même constat pour ce qui est de la reconstitution d’époque, discrète mais juste, dans les moindres détails.

Car L’Homme qui tua Hitler et puis le Bigfoot est un beau film. Formellement parlant. Une fresque épatante, qui joue sur l’économie de mots, le principal passant par le regard de Sam Elliott, et par ces évocations naturalistes déchirantes. Chaque image étant pensée pour répondre aux enjeux. Et quand le film se laisse aller à des dialogues un peu plus longs, c’est pour mettre en avant une maestria manifeste dans l’écriture comme par exemple lors de cette scène de rasage (oui oui) pleine de sens, où la dimension mystique de l’histoire s’exprime d’une manière on ne peut plus surprenante.

Interrogeant les légendes de notre temps mais aussi la figure du héros, L’Homme qui tua Hitler et puis le Bigfoot parvient presque miraculeusement à évoluer sur un fil tendu entre le grand-guignol, le bis et le drame, dissertant sur la rédemption, abordant des thématiques relatives au passage du temps, aux regrets, convoquant le fantôme le plus abject de notre histoire, ici confronté d’une certaine façon à cette créature dont la seule présence implique tant de choses. Des monstres et un homme désespérément seul. Une figure mystique lui aussi, superbe et digne, prise en étau dans un monde qui ne veut plus lui laisser la place d’exister…

En Bref…

Miracle de cinéma, L’Homme qui tua Hitler et puis le Bigfoot est au moins aussi surprenant que son titre pouvait le laisser présager mais aussi infiniment plus complexe et nuancé. Une vraie proposition de cinéma articulée autour d’une histoire fascinante. Un drame singulier porté par la prestation magistrale de Sam Elliott, visuellement bien plus beau que bien des productions plus aisées, inventif et émouvant, qui prouve à lui seul qu’il est encore possible aujourd’hui de voir des films originaux, qui n’hésitent pas à prendre des risques pour prouver le bon sens de leur démarche et par extension leur valeur.

@ Gilles Rolland

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Par Gilles Rolland le 8 janvier 2021

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