[Critique] OLDBOY

CRITIQUES | 13 janvier 2014 | Aucun commentaire
Oldboy-Poster

Titre original : Oldboy

Rating: ★★★☆☆
Origine : États-Unis
Réalisateur : Spike Lee
Distribution : Josh Brolin, Elizabeth Olsen, Sharlto Copley, Michael Imperioli, Samuel L. Jackson, Pom Klementieff, James Ransone, Rami Malek, Linda Emond…
Genre : Thriller/Remake
Date de sortie : 1er janvier 2014

Le Pitch :
Après avoir bousillé un dîner d’affaires en draguant la femme de son client, Joseph « Joe » Doucette préfère noyer son chagrin en se bourrant la gueule dans les rues de la Nouvelle Orléans. L’alcool est en train de ruiner sa vie et l’a déjà séparé de sa femme et de sa fillette nouveau-née. Mais son tourment ne fait que commencer. Kidnappé et emprisonné dans une cellule décorée comme une chambre de motel, il passe vingt ans en captivité, mangeant les mêmes plats chinois, regardant la télé pour des infos sur la vie de la fille qu’il n’a jamais pu connaître, et s’imposant un rude régime d’entraînement afin de pouvoir s’échapper et se venger. Et puis un jour, il est relâché dans la nature, et l’étranger qui l’a emprisonné lui donne quelques jours pour découvrir le pourquoi du comment quant à son kidnapping et ses deux décennie de captivité…

La Critique :
Oldboy, de Park Chan-Wook est devenu quelque-chose d’assez légendaire depuis sa sortie. Adapté d’un manga japonais, c’était L’Empire contre-attaque de sa trilogie non-officielle de vengeance, infligeant des punitions à la fois aux personnages et aux spectateurs avec une telle précision tordue et sadique que c’est le genre de film qu’on aime montrer à nos potes quand on est vénère. Brillant, mais parfois irregardable.

Donc c’est honnêtement impossible de comprendre pourquoi quelqu’un voudrait tenter de faire un remake d’Oldboy. Mais je suppose que chaque film étranger qui connaît un succès modeste doit finalement faire l’objet d’un remake en anglais pour ces pauvres gens qui sont pas foutus de lire des sous-titres. La plus délicieuse des rumeurs qui flottaient dans les coulisses d’Hollywood pendant ces dernières années disait que Steven Spielberg allait signer un remake avec Will Smith dans le rôle principal. Des têtes plus froides ont dû l’emporter, parce qu’on a fini par avoir Spike Lee et Josh Brolin à la place. Qu’il soit noté que ceci devra être la première et la dernière fois que Spike Lee et Josh Brolin sont appelés des « têtes froides ».

Pour résumer brièvement : Brolin tient le rôle d’Oh-Dae-su, cette fois-ci renommé Joe Doucette, un publicitaire lourdaud et misérablement alcoolique qui n’hésite pas à zapper l’anniversaire de sa petite de trois ans parce que de toute façon, « elle ne s’en souviendra pas ». Joe est une ordure, jusqu’à ce qu’un matin après une cuite particulièrement mauvaise, il est accusé du viol et du meurtre de son ex-femme – coup monté contre lequel il ne peut rien faire, puisqu’il vient de se réveiller dans la cellule privée d’une prison (mal) déguisée en chambre de motel. Dans l’original, Oh-Dae-su a écopé de quinze ans de peine inexpliquée. Joe y reste pendant vingt ans.

Et puis un jour il est libéré. Abandonné dans un parc avec une poignée de dollars et un de ces nouveaux « Iphones », Joe est informé d’une mission par son geôlier anonyme : comprendre le pourquoi du comment pour éviter l’exécution de sa fille.
Si on oublie à quel point il est ridiculement peu convaincant quand il joue une version rajeunie de lui-même deux décennies auparavant, Brolin s’aventure vers des eaux sérieusement effrayantes ici, se dégradant au fil des années et devenant une espèce d’homme des cavernes alors qu’il transforme son corps flasque en machine à tuer léonine. À sa sortie, il ressemble plus à un requin qu’à quelque-chose de véritablement humain : dans ses premières minutes de liberté, il massacre sans réfléchir une équipe entière de footballeurs, chose que cet univers tordu considère comme un gag désinvolte. C’est vicieux, laid et super-héroïquement violent. Donc ouais, c’est encore Oldboy en quelque sorte, et un film assez bizarre pour un mec comme Spike Lee.

Un des cinéastes les plus obstinément (et parfois, d’une façon exaspérante) idiosyncratiques de cette génération et de la dernière, Spike peut apparemment transformer n’importe quel scénario en « Spike Lee Joint », le terme destiné de ses métrages qui apparaît dans tous ses génériques. En effet, le grand triomphe de son Inside Man en 2006 était la manière dont Spike avait pris un film de braquage écrit à l’origine pour Ron Howard et qu’il infusa de toutes sortes d’apartés loufoques, de multiculturalismes et des moments quintessentiels à la sauce new-yorkaise.

Vous ne trouverez rien de tout cela ici. Oldboy a été filmé à la Nouvelle Orléans, mais tout le monde parle comme si on était à Manhattan, et c’est le premier « Spike Lee Joint » qui n’a pas ce sentiment particulier d’appartenance. D’ailleurs, c’est même plus un Spike Lee Joint – attitré impersonnellement dans le générique pour la première fois comme « un film de Spike Lee ».

Spike est sur pilote automatique ici. Un réalisateur qu’on a embauché pour le job et qui se trouve finalement très doué pour la chose. Le bonhomme est tombé dans une impasse, cinématographiquement parlant, depuis Inside Man (quoique ça vaille la peine de remarquer que son travail de documentaire reste assez excellentissime). Miracle à Santa Anna et Red Hook Summer étaient des désastres bien intentionnés, et seraient les deux pires œuvres de sa carrière, si seulement on pouvait tous oublier She Hate Me.

Dans Oldboy, Spike Lee se colle au scénario et laisse ses talents musculaires de réalisateur parler d’eux-mêmes. L’ensemble a été monté avec une sacré intelligence visuelle, et quand arrive l’heure de rejouer la scène du marteau, mettant Brolin face à des douzaines de méchants anonymes, Spike semble captivé par la chance d’enfin pouvoir mettre en scène une séquence d’action plein gaz. Qui aurait cru qu’il était autant fan d’arts-martiaux ?

Il y a une collision bizarre de tons, cependant, surtout entre le dur réalisme émotionnel des grognements déprimés de Brolin (accompagnés, c’était prévisible, par du beau boulot de la part d’Elizabeth Olsen dans le rôle de son sauveur, une ex-junkie sur la voie du rétablissement) et tous ces personnages cartoonesques et over-the-top. Samuel L. Jackson, un ancien fidèle de Spike qui a été regrettablement absent de ses productions depuis une dispute post-Jungle Fever, rentre triomphalement au bercail coiffé d’une crête iroquoise et invoquant le divin avec des jurons qui comptent parmi les meilleurs d’un long et légendaire passé d’insultes à la Sam Jackson.
Le scénario de Mark Protosevich aplanit quelques-uns des gestes les plus bizarroïdes de la version originale (cette fois-ci, pas d’hypnose). Ce nouveau Oldboy est plus concis et compact que son prédécesseur, mais en fin de compte on en sort quand même avec l’impression qu’il s’agit d’un boulot scolaire. N’aurait-il pas été plus intéressant de voir comment Spike Lee aurait traité le sujet avec seul l’emprisonnement comme base ? Peut-être une histoire de détective proprement américaine, un film noir, sans les petits exotismes laissés à l’écran qui sont spécifiques au pays qui a produit l’original ? Pourquoi ne pas s’attarder un peu plus sur le choc des cultures quand un Brolin de 1993 doit s’adapter à un monde de 2013 ? Tout le monde se souvient du combat au marteau, qui existe en partie à cause des lois restrictives contre les armes à feu en Corée. Mais si on est aux States, en Louisiane plus précisément, quel est véritablement l’intérêt, mis à part le fait que c’est cool et que c’est Oldboy, donc on doit absolument refaire la scène du marteau ?

Le film de Park Chan-Wook était un petit numéro vicieux, exécuté en beauté, et ironiquement, les pires instants du film de Spike Lee sont quand il essaye de coller à l’original : le (ou les) tons, la violence horrifique, l’excentricité des détails de cet univers tordu et étrange, le dégoût dans ces derniers rebondissements…de telles choses n’ont jamais intéressé Lee, et c’est visible dans le résultat. Mais bon, cet Oldboy est sans doute aussi bien qu’il peut espérer l’être, sans le choc du frais et du nouveau. Ce film est parfaitement regardable, mais je reviendrai vous voir quand j’aurai trouvé quel est sa raison d’être.

@ Daniel Rawnsley

Oldboy-spike-lee-josh-brolinCrédits photos : Universal Pictures International France

 

Par Daniel Rawnsley le 13 janvier 2014

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