[Critique] PREMIER CONTACT

CRITIQUES | 7 décembre 2016 | 1 commentaire
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Titre original : Arrival

Rating: ★★★★★
Origine : États-Unis
Réalisateur : Denis Villeneuve
Distribution : Amy Adams, Jeremy Renner, Forest Whitaker, Michael Stuhlbarg, Tzi Ma…
Genre : Science-Fiction/Drame/Adaptation
Date de sortie : 7 décembre 2016

Le Pitch :
De mystérieux vaisseaux extraterrestres font irruption dans le ciel et viennent se positionner à plusieurs endroits tout autour du globe. Aux États-Unis, l’armée décide de former une équipe afin d’essayer de communiquer avec les aliens pour tenter de connaître leurs intentions. Ils contactent ainsi Louise Banks, une linguiste renommée, et Ian Donnelly, un scientifique tout aussi réputé. Alors que les vaisseaux restent stationnaires, et qu’un semblant d’échange s’amorce entre les deux espèces, le monde sombre peu à peu dans la confusion…

La Critique de Premier Contact :

Prisoners, Enemy, Sicario… la filmographie de Denis Villeneuve en impose. Réalisateur canadien déjà fortement remarqué avec Incendies en 2010, Villeneuve a profité de son arrivée sur le territoire yankee pour véritablement s’envoler. Là où beaucoup se sont brûlés les ailes, lui n’a pas renié ses idéaux de cinéma, livrant à intervalles réguliers des œuvres puissantes, parfois exigeantes (comme Enemy) et dans tous les cas furieusement viscérales. Des films qui traduisent la sensibilité d’un artiste en phase avec son époque, mais en rupture avec les formats classiques plus commerciaux. Un constat qui se vérifie à plus forte raison avec Premier Contact qui marque l’arrivée de Villeneuve dans la science-fiction avant que ce dernier nous propose son très attendu Blade Runner 2049

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Premier Contact : odyssée de l’espèce

Oui Denis Villeneuve reviendra en 2017 avec Blade Runner 2 et oui c’est un événement car le mec est un génie. Forcément on a hâte. Pour autant, Premier Contact ne doit pas être considéré comme un tour de chauffe destiné à peut-être préparer le public à la vision que peut avoir Villeneuve de la science-fiction. Non car Premier Contact est trop important pour cela. On est ici en face d’un film crucial pour un genre qui attendait qu’on le dépoussière sans s’en tenir aux clichés. Le considérer ainsi comme une sorte d’équivalent à des œuvres aussi majeures que Rencontres du Troisième Type n’a rien d’exagéré. Le chef-d’œuvre de Steven Spielberg est d’ailleurs la principale influence de Premier Contact et si son ombre plane effectivement, Villeneuve sait parfaitement s’en détacher pour nous livrer sa propre version du même postulat (des extraterrestres débarquent sur Terre). C’est peut-être un peu contradictoire dit comme ça mais verrez et vous comprendrez. Nous sommes ici en face de l’anti-thèse d’Independence Day (un aspect qu’essaye d’atténuer le trailer). D’un long-métrage avant tout lyrique et poétique, qui exploite l’une des plus vieilles thématiques du cinéma de science-fiction pour explorer des territoires surprenants avec une intelligence et une sensibilité de tous les instants. Premier Contact, c’est la célébration de la vie. Une réflexion sur l’importance de profiter de l’instant présent, qui s’affranchit de tous les artifices trop gênants et de tous les lieux communs éculés pour disserter sur l’essence même de l’existence et proposer du même coup une réflexion incroyablement bien vue sur l’époque qui est la notre et les travers d’une humanité en manque de repères.
Pour autant, il ne faut pas s’y tromper. Premier Contact n’a rien de prétentieux ou de tordu. Ce n’est pas un film qui se regarde le nombril en prétendant aborder un sujet à priori propice à une pyrotechnie déchaînée, mais une œuvre maline qui sait mettre en exergue des choses fondamentales en utilisant son postulat, soit ses extraterrestres, sans cesser, à sa façon, d’impressionner et de captiver.
Le tout est de lâcher prise. De se laisser surprendre afin d’apprécier à sa juste valeur une partition ambitieuse, dont l’un des nombreux exploits est d’arriver, sans forcer, à sublimer un sujet abordé des dizaines de fois, pour au final reconnaître là une sorte de déclinaison « réaliste ». Difficile de ne pas se dire en effet que si les aliens décidaient de nous rendre visite un jour, et bien les choses se passerait comme Premier Contact nous les raconte. Avec le plus grand sérieux, mais aussi avec beaucoup de recul, le réalisateur prend à revers les blockbusters, rejoint Spielberg et fait à nouveau entrer le cinéma de genre pur et dur dans une autre dimension, plus métaphysique, plus universelle, mais tout aussi efficace.

Villeneuve à la rescousse de la science-fiction

Il fallait se douter que Denis Villeneuve n’allait pas faire comme tout le monde. Son audace est quand même impressionnante car au fond, même en connaissant sa filmographie par cœur, difficile de prévoir ce qu’il va se passer quand débute le film. Plus intéressé par ses personnages que par la démonstration de force, Villeneuve profite de l’admirable histoire qu’il adapte ici (d’après la nouvelle de Ted Chiang, L’Histoire de ta vie) pour s’envoler au-dessus de la masse. Quand il filme Amy Adams, c’est pour explorer les fêlures de son parcours et en extraire une sensibilité à fleur de peau. Une actrice parfaite car dans une compréhension totale des enjeux, qui incarne une résistance franche mais dans un premier temps hésitante face à l’agressivité d’un monde hostile. Jeremy Renner, lui aussi impeccable, vient appuyer le propos et souligner l’opposition au centre du film. Comme Forest Whitaker d’une certaine façon. Ce rapport de force qui symbolise tout un tas de thèmes, comme le racisme galopant en ces temps troubles qui sont les nôtres et qui insiste in fine sur la nécessité d’apprendre de l’Histoire pour ne pas en répéter les erreurs, est au centre de la dynamique. Un discours qui propose aussi des solutions peut-être naïves au premier abord mais finalement évidentes si on prend le temps d’y penser en éliminant le cynisme de l’équation. Premier Contact est purement sensitif. Si il prend à la gorge, c’est qu’il sait s’adresser à nous d’une façon dont peu de réalisateurs d’aujourd’hui savent le faire. Du coup, c’est presque logique, l’histoire qu’il nous raconte nous apparaît inédite. Il fait naître des émotions souvent étouffées sous le trop plein d’effets-spéciaux et l’utilisation d’un héroïsme « porte-drapeau » de toute façon fatigué. Premier Contact lui, célèbre l’intellect, l’amour et la nécessité de communiquer pour se comprendre.

De l’importance d’être grandiose

Denis Villeneuve a parfaitement compris que même si on entendait aborder quelque chose d’aussi « populaire » et porteur qu’une invasion extraterrestre, il fallait aussi se montrer spectaculaire. Une nouveauté pour lui qui n’avait pas vraiment eu jusqu’alors à se frotter aux effets-spéciaux. Pas de manière aussi frontale en tout cas. Des effets donc bien présents et pour le coup vraiment hallucinants qui sonnent avec une incroyable évidence. Que ce soit pour le design des vaisseaux, majestueux, que pour l’apparence des aliens. Premier Contact est parcouru de visions hallucinées. De morceaux de bravoure visuels qui combinent la beauté des grands espaces terrestres et celle de ces formes étranges et épurées qui viennent s’y greffer dans une communion à laquelle il est difficile de rester indifférent. S’instaure une sorte de ballet saisissant de beauté, que vient encore un peu sublimer la musique majestueuse et parfois tétanisante (voir la scène du vrai premier contact) de Jóhann Jóhannsson. Franchement, c’est merveilleux. Un peu effrayant aussi. La mise en scène est précise, pleine de souffle, le montage parfaitement calibré et le tableau apparaît dans sa globalité avec une force due évidemment au génie d’un réalisateur sur tous les fronts. Le genre qui sait nouer les tripes de façon durable. De quoi rassurer ceux qui doutaient de la capacité du cinéaste à réussir son Blade Runner.

En Bref…
Premier Contact révolutionne à lui tout seul un genre mainte fois abordé. Pur film de science-fiction intelligent et immersif, il sait faire écho à des problématiques cruellement réalistes et distiller un espoir ténu mais bel et bien bouleversant. Il n’est alors pas interdit de considérer à la fois Premier Contact comme le meilleur film de Villeneuve, mais aussi comme un champion de la catégorie dans laquelle il s’inscrit mais à laquelle il sait aussi échapper. En un mot ? Incroyable.

@ Gilles Rolland

premier-contact-amy-adams  Crédits photos : Sony Picture Releasing France

Par Gilles Rolland le 7 décembre 2016

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