[Critique] UN RACCOURCI DANS LE TEMPS

CRITIQUES | 20 mars 2018 | Aucun commentaire
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Titre original : A Wrinkle In Time

Rating: ★☆☆☆☆
Origine : États-Unis
Réalisateur : Ava DuVernay
Distribution : Storm Reid, Oprah Winfrey, Reese Witherspoon, Mindy Kaling, Levi Miller, Deric McCabe, Chris Pine, Michael Peña, Zach Galifianakis, Gugu Mbatha-Raw, André Holland, Rowan Blanchard, David Oyelowo, Bellamy Young, Daniel McPherson…
Genre : Fantastique/Science-Fiction/Adaptation
Date de sortie : 14 mars 2018

Le Pitch :
Meg Murry est une adolescente brillante mais mal dans sa peau. Comme son frère Charles Wallace, elle a un don qu’elle n’a pas encore exploité. En plein désarroi depuis la disparition de son père au cours d’une expérience scientifique, son existence prend un tournant des plus inattendus quand elle fait la rencontre de Mmes Quidam, Qui et Quiproquo qui vont l’entraîner dans un voyage spatio-temporel en compagnie de son frère et d’un camarade, vers des mondes dont elle ignorait jusqu’alors l’existence…

La Critique d’Un Raccourci dans le Temps :

Après le flop incompréhensible de l’excellent À La Poursuite de Demain, Disney se remet à la science-fiction et adapte Un Raccourci dans le Temps, un best-seller des années 60 plusieurs fois primé. Un film réalisé par Ava DuVernay qui est devenu au passage la première femme afro-américaine à diriger un long-métrage de plus de 100 millions de dollars. Outre le symbole, le propos voulu dans le film s’inscrit dans la continuité de la volonté de la firme, depuis plusieurs années, de se débarrasser de l’image conservatrice qui lui collait à la peau et d’opter pour un discours plus en raccord avec la société actuelle. Le souci est que le symbole en question, aussi fort soit-il, ne fait pas obligatoirement quelque chose de bon. Car malgré Ava DuVernay, récompensée à Sundance pour Middle of Nowhere et saluée pour Selma et Le 13e, un casting de stars, un collaborateur de De La Iglesia et d’Almodovar aux costumes, Ramin Djawadi, l’un des compositeurs les plus bankables du moment, un sujet fédérateur, le soutien de la NASA pour la partie scientifique, la mise en avant (chose hélas encore rare) d’une jeune héroïne de couleur et des valeurs positives, Un Raccourci dans le Temps est loin de convaincre. Le trailer laissait d’ailleurs déjà planer le doute mais ce n’est rien comparé au film dans son ensemble (spoiler alert : c’est une catastrophe absolue).

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Y a-t-il un scénariste dans la salle ?

Outre quelques scènes au début, notamment celle focalisée autour de Meg et de son père et deux ou trois bonnes idées, Un Raccourci dans le Temps n’a pas grand chose de positif à proposer. Comment expliquer un tel plantage ? Rejeter la faute sur la scénariste serait facile. Jennifer Lee, si elle a montré de sérieuses dispositions avec Zootopie, est connue pour avoir commis La Reine des Neiges, mastodonte de la firme aux grandes oreilles. C’est donc elle qui est en partie responsable du « Libérée, délivrééééééééeeee » (maintenant, vous l’avez dans la tête pour la journée) et donc des crises de nerfs pour de nombreux parents. Et si on parle de cela, c’est que c’est justement ce côté « nunuche » qu’elle semble avoir exploité à fond sur ce nouveau métrage. C’est bien simple, ça dégouline tellement de guimauve qu’on ressort de la séance au bord de de la crise de diabète. Voulant surfer sur des valeurs positives afin de décrisper la société actuelle, Un Raccourci dans le Temps distille des propos hyper balèzes du style « la haine, c’est de la jalousie, qui est une manifestation des ténèbres, et ça, c’est quand même moins bien que la lumière » ou « avoir confiance en soi, c’est mieux que pas avoir confiance en soi », avec des dialogues de la profondeur d’un dé à coudre. Le sommet est atteint avec un monologue faisant le parallèle entre les actions héroïques de Meg et des grands de ce monde comme Gandhi et Mandela. Si on a du mal à comprendre où tout cela va nous mener, ce n’est pas parce que c’est trop subtil. Le discours du film, plein de « self-empowerment » et de « vivre-ensemble » est asséné avec la finesse de quelqu’un qui essaie de tuer un moustique avec une masse. Ce sont clairement les 7-14 ans qui sont visés, avec d’un côté des dialogues hyper simplistes et un univers manichéen et de l’autre une héroïne ado douée, forte en sciences victime de harcèlement scolaire, les premières amours et le deuil. L’ennui, c’est que les concepteurs n’ont pas capté qu’entre 7 et 14 ans, les enfants n’ont pas les mêmes aspirations et à vouloir toucher un public large, c’est l’inverse qui se produit. Les personnages n’aident aucunement à l’identification du public, ni même à l’empathie tant ils sont insupportables. Le pire étant Charles Wallace qui est joué par un Deric McCabe tête à claques au possible. Levi Miller, pourtant plutôt bon dans Pan, ne transforme pas l’essai avec un jeu minimaliste. Des trois gamins, seule Storm Reid surnage, même si ce n’est pas suffisant. Les adultes ne sont pas en reste, à l’exception de Gugu Mbatha-Raw (The Cloverfield Paradox) qui semble se demander ce qu’elle fout là, mais qui s’en sort à peu près. Connue pour son énergie, son peps et son côté ingénu dans The Office, Mindy Kaling semble jouer complètement stone, pas aidée par un personnage qui se contente d’ânonner, visiblement sous MDMA, des citations d’hommes célèbres. Chris Pine qui nous a habitués à mieux, se limite au registre du cocker dépressif en pleine descente, qui est triste même quand il est content. Reese Witherspoon, dont la carrière était pourtant à nouveau en pleine bourre avec des performances magnifiques dans Wild ou encore Big Little Lies, campe une mauvaise parodie d’elle-même sous Prozac. Quant aux seconds rôles (Zach Galifianakis et Michael Peña en tête), ils sont aussi méconnaissables que ridicules.

Indigestion de space-guimauve

Mais le pire est sans doute Oprah Winfrey. Si son jeu n’est pas mauvais en soi, le traitement esthétique de son personnage est symptomatique du fait que la forme et à la hauteur du fond dans Un Raccourci dans le Temps. Moins proche d’un guide ou d’une sorte de fée que d’un kaijū peroxydé à la coiffure en forme de Statue de la Liberté, Madame Quidam semble sortir d’un cauchemar de Casimir (le monstre gentil de L’Île aux Enfants). Durant toute la projection, on se demande si les M&M’s qu’on a ingurgités pendant la séance n’avaient pas des smileys bizarres dessus ou si l’équipe en charge des effets-spéciaux était sous champignons tant l’ensemble relève de l’hallucination aussi bien visuelle qu’auditive. Pour illustrer les changements d’univers et la variété des mondes par exemple, le métrage propose un déballage complètement foutraque de tout et n’importe quoi sans aucun souci de crédibilité ni même de cohérence. Alice de l’autre côté du miroir, à côté, fait office de modèle de minimalisme. Les effets hideux, des incrustations nanardes, du morphing raté… Tout est réuni dans cette monstruosité pleine de séquences gênantes. Entre la planète Uriel aux couleurs criardes dignes d’un vêtement Desigual designé sous acides et la zone la plus obscure de la planète Camazotz qui ressemble aux pochettes de black metal les plus affreuses, nos rétines sont au bord de l’hémorragie. Et quand ce n’est pas ça, ce sont des séquences hyper clipesques tirées de vidéos de Drake qui prennent le relais.
On est alors en droit de se demander si le navire n’a pas totalement échappé au contrôle d’Ava DuVernay tant on est loin de la qualité de son travail passé et qu’Un Raccourci dans le Temps ressemble à un méchant aquaplaning…

En Bref…
Sur le papier, Un raccourci dans le temps avait un énorme potentiel. Mais hélas, l’écriture est d’un simplisme ahuri, avec un discours certes louable mais posé avec une subtilité pachydermique que ne sauve pas la performance de Storm Reid, entourée d’acteurs mal dirigés et mal desservis par des personnages grotesques. L’apocalypse visuelle achève tout et contribue fortement à faire du film une contre-performance kamikaze à regarder seulement muni des lunettes de chantier.

@ Nicolas Cambon

Un-raccourci-dans-le-temps-Mindy-Kali   Crédits photos : The Walt Disney Company France

Par Nicolas Cambon le 20 mars 2018

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