[Critique] ROBOT AND FRANK

CRITIQUES | 20 septembre 2012 | Aucun commentaire

Titre original : Robot and Frank

Rating: ★★★★☆
Origine : États-Unis
Réalisateur : Jake Schreier
Distribution : Frank Langella, Susan Sarandon, James Marsden, Liv Tyler, Jeremy Sisto, Jeremy Strong, Peter Sarsgaard (voix du robot)…
Genre : Drame/Science-Fiction/Comédie
Date de sortie : 19 septembre 2012

Le Pitch :
Dans un avenir proche, Frank, un ancien cambrioleur atteint de sénilité, vit seul dans une petite maison envahie par la poussière et le désordre. Son fils, qui se fait beaucoup de soucis pour lui, décide de lui offrir un robot. Chargé de s’occuper de Frank, le robot est de prime abord très mal vu par son nouveau propriétaire, qui ne veut pas de lui. Peu à peu néanmoins, devant le fait accompli, le vieil homme apprend à dompter ce petit être mécanique qui sait faire la cuisine, le ménage et bien d’autres choses encore. Une espèce d’amitié nait alors entre le robot et Frank, qui se met en tête de faire de son nouveau compagnon, un partenaire pour ses cambriolages…

La Critique :
Robot and Frank est, à bien des niveaux, un film remarquable. Signé Jake Schreier, qui réalise ici son premier long-métrage, Robot and Frank prend pied dans un futur qui sera probablement le notre d’ici quelques années. Ce qu’il faut comprendre par là, c’est que Schreier ne cherche jamais à exposer un futur spectaculaire, où les voitures volent et où les gens portent des vêtements particulièrement aérodynamiques et très éloignés de la mode actuelle. Le futur de Robot and Frank est proche de notre présent. On le remarque via les téléphones, transparents et ultra-fins, via un petit véhicule électrique, via la jolie réflexion sur la disparition du support papier et bien sûr, via la présence des robots. En soi, des choses qui existent aujourd’hui ou qui sont en passe de voir le jour.

Le film joue la carte du réalisme, un peu à la manière des Fils de L’Homme, en injectant une large dose de poésie, par le biais notamment d’une partition musicale douce et enlevée, tout à fait appropriée.
Au cœur de cet univers, Frank, le protagoniste principal, passe son temps à déambuler dans son taudis, alors que ce que l’on suppose être la maladie d’Alzheimer (le mot n’est jamais prononcé), ronge les souvenirs d’une vie tumultueuse, marquée par plusieurs séjours en prison. Frank n’est pas un personnage à proprement parler sympathique. Il vit seul, séparé de sa femme depuis 30 ans, et ses enfants s’efforcent de passer outre son caractère difficile pour maintenir un semblant de lien avec lui. Quand son fils fait rentrer le Robot dans son existence Frank s’y oppose, mais pas très longtemps, tant la machine va peu à peu remplir un grand vide en tenant plusieurs rôles. Fils de substitution, partenaire de cambriolage, aide à domicile, le Robot trouve de lui-même sa place aux côtés de Frank. Un Robot qui parle avec la voix posée de l’acteur Peter Sarsgaard et qui dégage -et ça c’est vraiment fort- une humanité troublante. Son visage, ou plutôt son absence de visage, se résume à un écran noir. Pourtant ça fonctionne à plein tube. En regardant le Robot apprivoiser Frank par la seule force de ses directives pré-programmées, difficile de ne pas s’identifier à ce vieil homme pétri de regrets et rongé par une maladie vicieuse.

Le scénario du film, assorti à la mise en scène de Jake Schreier, choisit de ne jamais faire vibrer la corde sensible, en sombrant dans le pathos. À première vue plutôt hermétique, le film s’avère finalement d’une émotion rare et complexe. Complexe, à l’image de Frank qui trouve dans l’interprétation de l’excellent Frank Langella, une sobriété et une émotion confondante (le reste de la distribution est au diapason). Le film ne pousse pas le spectateur à éprouver de l’empathie pour ce grincheux à la mine fermée, mais pourtant, c’est ce qui finit par se produire. Pareil pour le Robot, qui devient un personnage à part entière, vecteur lui aussi d’une palette d’émotions imputable à son rôle d’ami/conseiller imperturbable. Un être de synthèse également très drôle, comme lors de cette séquence hilarante et d’une intelligence rare, qui voit deux robots essayer d’engager une conversation.

Il y a donc de quoi d’ailleurs être un peu décontenancé, quand le film choisit de ne pas franchir la limite du fantastique, en permettant au Robot de se rapprocher un peu plus de l’être humain. Un peu comme dans A.I., de Spielberg en somme. Au contraire, le Robot (qui n’a pas de nom) rappelle plusieurs fois à Frank, et du même coup au spectateur, qu’il n’est qu’un robot. Un robot perfectionné certes, mais un robot quand même.
C’est troublant, car même en sachant cela, difficile de ne pas avoir la chair de poule lors de ces discutions où l’homme se confie à la machine. Une relation qui atteint son point culminant lors d’un plan bouleversant et riche de sens.
Seule la fin laisse un peu perplexe. Car si celle-ci ne manque pas de sensibilité, elle semble tourner un peu le dos au concept même du long-métrage. Un parti-pris respectable, mais un peu brusque.

Premier film exemplaire, doux-amer, qui aborde avec pudeur et originalité des problématiques sensibles (alzheimer, les relations familiales complexes, la vieillesse et ses tourments), Robot and Frank est une belle fable métaphysique qui mixe les genres et n’utilise ses éléments de science-fiction, que dans le seul but de servir son propos. C’est brillant, touchant et prouve par la même qu’il est encore possible aujourd’hui de voir des films audacieux, qui suivent leurs propres pistes sans chercher à se plier aux règles en vigueur.

@ Gilles Rolland

Crédits photos : Park Pictures Features

Par Gilles Rolland le 20 septembre 2012

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