[Critique] RUSH

CRITIQUES | 26 septembre 2013 | 1 commentaire
rush_affiche_France

Titre original : Rush

Rating: ★★★★½
Origine : États-Unis/Allemagne/Angleterre
Réalisateur : Ron Howard
Distribution : Chris Hemsworth, Daniel Brühl, Olivia Wilde, Alexandra Maria Lara, Pierfrancesco Favino, Natalie Dormer, Christian McKay, Stephen Mangan, Julian Rhind-Tutt…
Genre : Biopic/Drame/Histoire Vraie
Date de sortie : 25 septembre 2013

Le Pitch :
Depuis leurs débuts en Formule 3, l’autrichien Niki Lauda et l’anglais James Hunt entretiennent une rivalité farouche. Lorsqu’ils intègrent respectivement les écuries Ferrari et McLaren, et passent donc à la Formule 1, leur combat prend une autre dimension. Aussi opposés qu’aussi acharnés quand il s’agit de gagner, Lauda et Hunt vont faire vibrer plusieurs années durant le monde de la Formule 1 et ainsi marquer son histoire au fer rouge…

La Critique :
Comédie, science-fiction, fantastique, aventure, heroic fantasy, drame, ou encore thriller, Ron Howard a touché à tous les styles, ou presque. Une faculté à embrasser de nombreux genres qui lui valut tout au long de sa carrière, un bon paquet de reproches. Difficile à appréhender, sorte de fils illégitime et légèrement dispersé de Steven Spielberg, Ron Howard n’a jamais été en odeur de sainteté chez les critiques. Pourtant responsable de quelques films mémorables, emblématiques de leur époque respective, comme Apollo 13, l’épique Willow ou le vibrant Backdraft, Ron Howard a peut-être fait gagner beaucoup d’argent aux studios hollywoodiens, mais son talent lui, a toujours eu du mal à s’imposer aux yeux de nombreux critiques, justement très critiques envers l’ex Ritchie de la série Happy Days. Qui aurait cru qu’en 2013, après une enfilade d’œuvres au mieux divertissantes (Anges & Démons, Le Dilemme), ou au pire carrément à côté de la plaque (Da Vinci Code), à peine égayé par un Frost/Nixon de bonne tenue, Howard allait épater son monde avec un film sur la Formule 1 ?

L’angle de Rush est en lui-même très intéressant. Plutôt que de se concentrer sur un seul pilote et de fournir un biopic à l’américaine, policé et prévisible dans sa structure, le long-métrage a préféré relater la légendaire rivalité de deux figures de ce sport, à savoir l’autrichien Niki Lauda et le britannique James Hunt. Le premier ayant illuminé toute sa carrière durant les dimanches après-midi des amateurs de F1, et réussi à imposer son nom dans l’inconscient collectif de son époque, et le second étant beaucoup moins populaire en dehors des cercles autorisés.
Ceux qui ont vibré devant leur poste de télévision au milieu des années 70, alors que les deux champions se tiraient la bourre à 300 kilomètres/heure sur les circuits du monde entier, s’en souviennent bien sûr et l’issu de ce combat viscéral ne leur est pas inconnue. Les autres, à commencer par l’auteur de ses lignes, qui n’avait qu’une vague idée quant à l’identité de Niki Lauda et qui ne connaissait pas James Hunt, vont salement être pris à revers.
Car la vraie force de Rush est là : arriver à provoquer des sueurs froides chez les non initiés. Chez ceux qui se foutent de la Formule 1 comme de leur première chemise et qui s’empressent de zapper à la vue de la moindre bagnole de course quand celle-ci fait son apparition à l’écran.
Toi, pour qui le bruit des moteurs surpuissants est avant tout un bon prétexte pour se boucher les oreilles et détaler, prépare-toi au choc ! N’évitez pas Rush parce qu’il traite d’un sport qui vous laisse indifférent. Les voitures, à la limite, on s’en cogne. Ron Howard et son scénariste Peter Morgan aussi, qui n’estiment pas que les mécaniques complexes des F1 ont une importance primordiale. Elles ne sont dans Rush que le prolongement de la volonté et de la motivation de Lauda et de Hunt. Jamais au grand jamais les pistons ne font de l’ombre aux hommes. Rush est un film humain. À l’instar des meilleures œuvres prenant comme toile de fond le sport, Rush se focalise sur les sentiments, sur l’émotion.
Remarquable dans sa capacité à ne jamais tomber dans les clichés faciles du biopic pour explorer à la fois de manière audacieuse et redoutablement efficace la psyché de ses deux héros, Rush surprend. Et ce dès les premières séquences. On se pointe dans la salle, en bon néophyte de la Formule 1, et on en ressort avec la chair de poule. Le défi est gagné haut la main. À l’opposé exact de Driven, où des types roulaient à tombeau ouvert dans les rues d’une ville en Formule 1, sans casque, en imitant le bourdon (!!!), Rush fait place à l’émotion qui habite un duel aux résonances universelles.

D’un côté, James Hunt, beau, grand, blond, homme à femme, bon vivant et grande gueule, incarné avec une justesse absolue par le charismatique Chris Hemsworth, enfin utilisé pour autre chose que pour sa belle tronche et ses gros muscles et qui du coup, trouve son meilleur rôle. De l’autre côté, Niki Lauda, un homme introverti, méticuleux et impitoyable, joué avec une subtilité et une pertinence rare par un Daniel Brühl impeccable, qui lui aussi trouve le rôle de sa vie. Au fil des tours de circuit, les deux hommes s’insultent, se doublent, se font de sales coups, tandis que se créée, en marge des hurlements des fans et des crépitements des appareils photo, une amitié aussi complexe qu’émouvante. Ron Howard se focalise là-dessus. Uniquement la-dessus, même si bien sûr, l’acharné de F1 trouvera aussi son compte du côté des stands. Une perspective plus que stimulante, surtout si on prend en compte l’exceptionnelle capacité du film à proposer quelque chose de relativement neuf. Beaucoup de cinéastes auraient pu réaliser un (double) biopic classique, Howard non. Une somme de détails dans le récit fait de Rush un biopic à part. Possédant simultanément la grandiloquence des fresques américaines et l’intimité des films d’auteur. Peut-être est-ce parce qu’il ne couvre que quelques années… Quoi qu’il en soit, ça marche à fond.

Niveau réalisation, c’est à un Ron Howard en pleine forme qui déboule sur la piste, pied au plancher, auquel on a affaire. On parle de Rush comme étant SON meilleur film. Sans aller jusque-là, on peut par contre affirmer qu’il s’agit de l’une de ses meilleures œuvres, c’est certain. Perdu dans les divagations ésotériques de Dan Brown, et alors qu’on croyait qu’il avait tout donné dans les années 80/90, condamné dorénavant à cachetonner pour les studios, Ron Howard prouve qu’il en a encore sous la pédale. Loin d’avoir dit son dernier mot donc, le réalisateur frappe un très grand coup. Son œil est affûté, sa reconstitution des années 70 est précise, rythmée à la perfection, et on ne peut plus impressionnante. Pas plus prompt à partir dans des envolées lyriques hors sujet, qu’à transformer les faits afin de proposer des accidents ultra spectaculaires riches en explosions, Howard colle à la réalité avec une minutie qui force le respect.
Au final, on reste scotché. Totalement absorbé par un duel de deux heures, prenant et viscéral comme rarement. Offrant les points de vue de Lauda et de Hunt, qui se partagent la narration, Rush retranscrit à l’écran l’intensité d’un épisode sportif mémorable, qu’il parvient à mettre à la portée de tous sans s’aliéner les spécialistes. Des spécialistes qui reconnaîtront peut-être là, un véritable chef-d’œuvre. Ils seront galvanisés par la musique d’Hans Zimmer, par l’enjeu et les regards pleins de haine, puis de respect pour ce qui s’avère être une relation passionnante entre deux hommes qui le sont tout autant. Les spécialistes qui connaissent le dénouement, ce qui ne sera pas le cas des autres. Eux, prendront Lauda et Hunt pour ce qu’ils sont de toute façon : deux exceptionnels et charismatiques héros de cinéma. Car au fond, on s’en fout un peu de la F1 non ?

@ Gilles Rolland

Rush-photo-Ron-Howard-Chris-HemsworthCrédits photos : Pathé Distribution

Par Gilles Rolland le 26 septembre 2013

Déposer un commentaire

S’abonner
Notification pour
guest
1 Commentaire
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
trackback

[…] Roi d’Écosse de Kevin Macdonald, Deux sœurs pour un Roi, de Justin Chadwick ou encore Rush, un autre bon cru signé Ron Howard. Mais au fond, son truc à Peter Morgan, c’est la Reine […]