[Critique] SCANDALE

CRITIQUES | 24 janvier 2020 | Aucun commentaire
Scandale-poster

Titre original : Bombshell

Rating: ★★★★☆

Origine : États-Unis

Réalisateur : Jay Roach

Distribution : Charlize Theron, Nicole Kidman, Margot Robbie, John Lithgow, Allison Janney, Kate McKinnon, Connie Britton, Mark Duplass, Malcolm McDowell, Alice Eve…

Genre : Drame

Durée : 1h49

Date de sortie : 22 janvier 2020

Le Pitch :

Alors que la campagne présidentielle en vue des élections 2016 bat son plein, Roger Ailes, le tout puissant PDG et créateur de la chaîne d’informations Fox News, est accusé par Gretchen Carlson, l’une de ses présentatrices, de harcèlement sexuel. Se pensant à l’abri, ce proche du pouvoir, bien installé dans son fauteuil de patron tout-puissant, ne va pourtant pas tarder à faire face à de plus en plus de plaintes. Histoire vraie…

La Critique de Scandale :

La démarche est impressionnante et courageuse. Car au fond, l’histoire du déboulonnage de Roger Ailes de Fox News est encore fraîche dans les mémoires. Ce dernier ayant été écarté de la direction de sa chaîne en juillet 2016 (avant de décéder en mai 2017). Scandale en profitant logiquement pour aborder la misogynie de Donald Trump, en revenant notamment sur le harcèlement moral de ce dernier envers la journaliste de Fox News, Megyn Kelly, qui à l’époque des débats, avait osé le confronter à ses propos outranciers et insultants envers les femmes. Largement suffisant en soi pour considérer Scandale comme le premier grand film de l’ère MeToo, quand bien même il n’y est pas question d’Harvey Weinstein et que l’action se centralise dans les bureaux de la rédaction de la chaîne conservatrice Fox News. Mais doit-on pour autant le réduire à cela ? Pas vraiment non…

Scandale-Charlize-Theron-Jon-Lithgow

Porc conservateur

S’il reste connu pour avoir réalisé tous les Austin Powers et Mon beau-père et moi, Jay Roach a aussi offert à HBO quelques-uns de ses plus beaux téléfilms politiques, parmi lesquels l’excellent Game Change. Ce passionné qui ici, moins de 4 ans après son biopic TV de Lyndon B. Johnson, revient sur une affaire brûlante, s’opposant directement au pouvoir en place, en y mettant les formes, afin de se faire entendre. Le sujet étant donc Roger Ailes, ce porc répugnant à la tête de Fox News, qui a, pendant plus ou moins toute sa carrière, exercé de son pouvoir pour soumettre les femmes auxquelles il promettait des postes à responsabilités en échange de faveurs sexuelles. Un ami de Trump qui a quelque-part favorisé sa victoire aux élections présidentielles de 2016, en rappelant jour après jour que Fox News était avant tout un outil politique à la solde de la fange la plus conservatrice du parti républicain. Jay Roach et le scénariste Charles Randolph ne se contentant pas de parler de Ailes mais dressant aussi un tableau d’un microcosme, celui de Fox News, dans un contexte bien tangible car encore actuel en 2020. Et force est de reconnaître que si son approche formelle manque un peu d’originalité (on y reviendra) et que Scandale est finalement de facture assez classique (on y reviendra aussi), Jay Roach réussit à faire le tour de la question en se montrant particulièrement éloquent.

Nid de vipères

Scandale nous plonge dans les coulisses de Fox News. À l’écran, alors que les femmes, celles qui sont en tout cas jugées les plus belles, sont mises devant les caméras, dans les étages supérieurs, les hommes, Ailes en particulier, tirent les ficelles. Fox News, le septième cercle de l’enfer selon Donald, où règne la misogynie la plus abjecte selon le film et le conservatisme le plus opaque. Car ce que nous montre Scandale peut paraître parfaitement délirant, voire carrément flippant, pour quiconque n’est pas vraiment familiarisé avec le style Fox News ou qui n’a pas suivi l’histoire de Roger Ailes à l’époque (peu relayée en France de toute façon). Grâce à un procédé narratif brillant, consistant à nous faire découvrir l’ampleur de la situation ainsi que l’état des mentalités, à travers les yeux d’une employée du groupe qui dénote franchement dans le paysage (Kate McKinnon), le scénario parvient à se montrer pertinent et puissant, sans pour autant trop s’éparpiller, même si toute la première partie parle surtout de Trump et de sa croisade malsaine comme la journaliste Megyn Kelly. Une manière de rendre la suite encore plus éloquente et de véritablement nous asseoir sans jamais faillir. On pourra donc souligner le fait que Jay Roach calque son mode opératoire sur celui d’Adam McKay dans The Big Short et Vice, en cassant le quatrième mur et en casant différents passages explicatifs et ludiques, mais l’important reste finalement que Scandale réussit à toucher sa cible avec force. Intelligent et précis, bénéficiant d’un montagne très efficace lui aussi, le film de Jay Roach manque un poil de personnalité, rapport à ses ressemblances formelles un peu grossières avec les deux films cités précédemment, mais ne manque néanmoins jamais de courage.

États des lieux flippant

La capacité de Scandale à être aussi prenant et édifiant a également un rapport avec les forces en présence devant la caméra. Charlize Theron, méconnaissable (superbe travail de maquillage), Nicole Kidman et Margot Robbie accomplissent chacune à leur façon un tour de force admirable alors qu’en face, dans un rôle difficile, à savoir celui de Roger Ailes, Jon Lithgow offre à sa filmographie une nouvelle fulgurance. Des acteurs qui confèrent à Scandale un vrai prestige et qui en font directement un film de premier plan. Du genre qui se remarque et que l’on n’oublie pas. Sa force étant donc d’avoir réussi, certes en s’inspirant ailleurs parfois maladroitement, à soigner le fond et la forme. Tout en évitant de sombrer dans le manichéisme, c’est important de le souligner. Car Scandale fait preuve d’une grande finesse dans son approche. Un long-métrage plein d’énergie, fonceur, jamais opportuniste et sans cesse plus malin dans sa façon d’épingler les coupables de ce scandale retentissant, né dans cette Amérique dirigée par un homme qui a, à bien des égards, légitimé le genre d’actes dont Roger Ailes s’est rendu coupable. Construit comme un véritable thriller, Scandale ne retient pas ses coups et sait les asséner là où ça fait mal. En énonçant juste les faits, en multipliant les points de vue et en palliant son manque de recul par une sensibilité et une finesse sans cesse renouvelées.

En Bref…

Uppercut lancé à la face du pouvoir en place, véritable plaidoyer brillant et efficace, Scandale met sur la table de nombreuses qualités. Finalement, seul son manque de recul, particulièrement visible à la toute fin, l’empêche de faire un sans faute. Mais cela ne l’empêche en aucune façon de s’imposer comme un puissant pamphlet à l’éloquence rare. Et si on peut tout à fait le voir comme le premier grand film de l’ère Me Too, il serait néanmoins dommage de le limiter à cela. Non, car Scandale est un grand film tout court. Un film indispensable et incarné, porté par un propos dévastateur.

@ Gilles Rolland

Scandale-Charlize-Theron-Nicole-Kidman-Margot-Robbie
Crédits photos : Metropolitan FilmExport
Par Gilles Rolland le 24 janvier 2020

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