[Critique] SONG TO SONG

CRITIQUES | 14 juillet 2017 | Aucun commentaire
Song-to-song-poster

Titre original : Song To Song

Rating: ★★★★☆
Origine : États-Unis
Réalisateur : Terrence Malick
Distribution : Rooney Mara, Ryan Gosling, Michael Fassbender, Natalie Portman, Cate Blanchett, Holly Hunter, Bérénice Marlohe, Val Kilmer, Patti Smith, Iggy Pop, Lykke Li, Flea, Anthony Kiedis, Chad Smith, Josh Klinghoffer…
Genre : Drame/Romance
Date de sortie : 12 juillet 2017

Le Pitch :
À Austin, au Texas, Faye, une jeune musicienne, rêve de gloire. Elle rencontre BV, lui aussi musicien, et c’est le coup de foudre. Mais Cook, un producteur cynique et vénal, vient semer le trouble dans son esprit puis dans son couple, tandis que se croisent et s’entrecroisent des âmes perdues, entre les scènes des festivals, les studios et autres demeures glaciales…

La Critique de Song To Song :

Il s’est passé 20 ans entre la sortie des Moissons du Ciel en 1978 et celle de La Ligne Rouge en 1998. Terrence Malick avait tout simplement disparu de la circulation. On a souvent parlé de lui comme d’une sorte d’entité mystérieuse dont peu d’élus connaissaient le visage. Pas de photo récente et pas d’exposition médiatique. Malick ne parle pas en dehors des plateaux. Il ne joue pas le jeu des studios et de la presse. 20 ans c’est long. Mais il est revenu. Avec le sublime La Ligne Rouge donc, puis avec Le Nouveau Monde, sa version de Pocahontas. Il fallut ensuite attendre à nouveau. Moins longtemps cela dit. Seulement 6 ans. The Tree Of Life marqua un tournant. Fort d’une Palme d’Or, qu’il n’est pas venu chercher, Malick a continué dans la même voie et s’est fait le spécialiste d’un cinéma sensoriel. Depuis, il enchaîne comme un jeune premier. À la Merveille et Knight Of Cups. Même délires, mêmes thématiques, même approche et même poésie prégnante qui échappe aux mots pour s’extraire davantage des images et des mouvements de caméra millimétrés et calés sur la rythmique de partitions au diapason. Puis Malick s’est offert une parenthèse avec Voyage Of Time, sa dissertation un poil nébuleuse mais magnifique sur la naissance de la vie sur Terre. Le tout avant de revenir avec Song To Song. Son neuvième long-métrage. Le dixième est déjà dans les tuyaux. On ne l’arrête plus. Il tourne, fédère les plus grands acteurs, et fait absolument ce qu’il veut, dans un mépris total des modes, des courants dominants.

Song-to-Song-Natalie-Portman

Another Love Song

Il s’était murmuré que The Tree Of Life, À la Merveille et Knight Of Cups formaient une trilogie. Ce qui, quand on voit les films, est cohérent. Ce qui, quand on y réfléchit, laissait présager que par la suite, une fois cette saga existentielle achevée, Malick reviendrait à quelque chose de plus « simple ». À un langage cinématographique plus conventionnel, où au moins à une prose plus « verbale ». Qu’il pourrait peut-être même explorer d’autres thématiques et surprendre à nouveau en se réinventant encore une fois, comme il a pu le faire entre Les Moissons du Ciel et La Ligne Rouge ou quand il livra The Tree Of Life. Le fait que Song To Song prenne pied à Austin, une ville très musicale des États-Unis, pouvait aller dans ce sens et laisser présager un spectacle plus dynamique, moins contemplatif. Et bien non ! Song To Song est exactement fait du même bois que ses longs-métrages précédents. Cela devient très rapidement clair et jamais Malick ne prend la peine de ne serait-ce qu’essayer de dévier de la route qu’il s’est tracée ces dernières années. Une route qu’il est par ailleurs le seul à emprunter et dont il connaît et maîtrise la moindre aspérité. Mais… Car il y a un mais. Pour la première fois, la formule sent un peu le réchauffé. Est-ce que cette impression aurait été la même si Song To Song était sorti avant Knight Of Cups ou À la Merveille ? Probablement pas non. Le problème vient ici de l’accumulation. De cette sensation étrange de voir le même film, tourné de la même manière, avec des acteurs certes différents, mais qui jouent les mêmes rôles, dans des environnements interchangeables.
Alors non, Song To Song n’a rien d’un film sur la musique. On entend des bribes de morceaux, on voit Iggy Pop, les Red Hot Chili Peppers et Patti Smith, qui tient un véritable rôle, contrairement aux autres, mais la musique est accessoire. Song To Song parle d’amour. Il parle d’amour et de recherche. Comme tous les précédents personnages principaux de Malick, à partir de The Tree Of Life, Rooney Mara incarne une jeune fille paumée qui se cherche. Un peu roublard, le réalisateur brouille les pistes pour revenir à quelque chose de désormais identifiable et de surtout prévisible.

Backstage

Song To Song est ainsi une authentique tragédie, qui articule sa dynamique autour d’une poignée de personnages possédant tous un point commun, à savoir leur incapacité à se trouver et à se contenter de ce qu’ils possèdent. Toujours dans une errance, ils s’aiment et se déchirent. Aujourd’hui Rooney Mara, hier Christian Bale. Mais attention, car cela ne signifie pas que Song To Song est mauvais. Il est très loin de l’être. Visuellement notamment, il témoigne toujours du génie de son créateur. Un homme en pleine possession de son art, remarquablement entouré par des techniciens aguerris qui l’aident à emballer une toile de maître aux évocations tétanisantes de beauté. Des scènes au sein desquelles les acteurs se fondent avec un naturel parfois confondant. Rooney Mara, Ryan Gosling, Michael Fassbender, Natalie Portman, dont toutes les apparitions pourraient servir d’illustration pour le mot perfection dans le dictionnaire, ou encore Cate Blanchett, nourrissent de leur beauté, de leur charisme et de leur capacité à exprimer beaucoup en en montrant peu, une histoire complexe et viscérale (Val Kilmer passe une tête et nous rejoue Jim Morrison). Indépendamment de tous les autres films de Malick, Song To Song est un grand film. Mais on y revient : si on le remet en perspective et qu’on le regarde après avoir vu les précédents, il ne fait que jouer sur les mêmes ressorts et apparaît alors comme étrangement confortable. Pas pour les spectateurs, qui souligneront juste une réutilisation de mécanismes connus, mais pour le metteur en scène. Emballé en 40 jours, sur une période de 2 ans, Song To Song peut alors provoquer une certaine lassitude. Il peut aussi traduire un épuisement de la part de celui qui est passé d’un extrême à l’autre. Avant très rare, il est aujourd’hui omniprésent et un peu prétentieux. Ça aussi c’est nouveau ! Mais c’est beau, et on se laisse donc porter jusqu’à la fin, passant sur ces séquences de déambulations, où des personnages un peu trop opaques, se tournent autour, au fil d’ellipses pas toujours très heureuses, qui donnent un peu l’impression d’un manque d’unité et de cohérence. On passe aussi sur la naïveté du propos pour se laisser submerger par le lyrisme des images. Par la photographie superbe et par la magie de ce cinéma qui au final, se marrie mieux avec une certaine rareté.

En Bref…
Song To Song ne parle pas de musique mais continue d’illustrer les obsessions d’un Terrence Malick cette fois-ci un peu prévisible. Calqué sur le modèle de ses précédents long-métrages, son neuvième essai est bien sûr visuellement sublime, marqué par de nombreux moments suspendus, où toute la force du génie de Malick impressionne toujours, mais il traduit aussi un certain épuisement. Quand on aurait préféré que Malick aille de l’avant et nous surprenne, il continue sur sa lancée et se répète. Un petit peu, mais toujours avec une flamboyance qui n’interdit parfois pas l’ennui mais qui suffit à excuser beaucoup.

@ Gilles Rolland

Song-To-Song-cast  Crédits photos : Metropolitan FilmExport

Par Gilles Rolland le 14 juillet 2017

Déposer un commentaire

S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires