[Critique] SPY

CRITIQUES | 17 juin 2015 | Aucun commentaire
Spy-poster

Titre original : Spy

Rating: ★★★★☆
Origine : États-Unis
Réalisateur : Paul Feig
Distribution : Melissa McCarthy, Jude Law, Rose Byrne, Jason Statham, Miranda Hart, Alisson Janney, Morena Baccarin, Peter Serafinowicz, Curtis Jackson, Bobby Cannavale…
Genre : Comédie/Action/Thriller
Date de sortie : 17 juin 2015

Le Pitch :
Le boulot de la discrète Susan Cooper, brillante analyste à la CIA, consiste à assister à distance, Bradley Fine, l’un des meilleurs agents secrets du milieu. Lorsque celui-ci disparaît, Susan se porte volontaire pour effectuer sa première mission de terrain. Elle va alors devoir se rapprocher d’une dangereuse organisation de marchands d’armes pour espérer empêcher une transaction qui pourrait à terme mettre en péril la sécurité intérieure du pays…

La Critique :
Les espions ont le vent en poupe. Alors que Spectre, le nouveau James Bond, se profile à l’horizon, le second degré de productions beaucoup plus légères aura franchement marqué le premier semestre 2015, avec deux films qu’il est facile et tentant de rapprocher, à savoir Kingsman et Spy. Le premier est sans problème l’un des films les plus jubilatoires de ces 20 dernières années, mais le second, qui nous intéresse présentement, n’est pas en reste. Dans un cas comme dans l’autre, la figure de l’agent secret est détournée à des fins comiques, même si le mode opératoire reste différent.

Si on peut d’ores et déjà retenir quelque chose de la carrière du génial Paul Feig, c’est son attachement à la gente féminine. Créateur de la série culte Freaks and Geeks, réalisateur ayant fait ses armes à la télévision (The Office, Mad Men…), il a rué dans les brancards il y a quelques années avec la bombe Mes Meilleures Amies et son gang d’actrices azimutées prises dans les tourments des préparatifs d’un mariage plutôt rock and roll. En 2013, Feig revenait avec Les Flingueuses et proposait une déclinaison girl power du fameux buddy movie hollywoodien, bien aidé par l’alchimie dévastatrice qui animait le duo formé par Melissa McCarthy et Sandra Bullock. Melissa McCarthy justement, est ce qu’il convient d’appeler son actrice fétiche, puisqu’elle est à nouveau au centre de Spy, le nouveau long-métrage du cinéaste, qui reprend à son compte les codes du film d’espionnage pour les remodeler suivant des contours inédits. À l’heure où la question de la parité anime plus que jamais de nombreux débats, au cinéma et ailleurs, Spy remet les pendules à l’heure et voit l’avènement d’une comédienne absolument géniale, en pleine reconquête d’un genre squatté depuis la nuit des temps hollywoodienne par ces messieurs. Paul Feig n’aime pas Melissa McCarthy. Il l’adore. Pour leur troisième collaboration, il lui sert sur un plateau d’argent l’occasion de s’ouvrir le bide et de livrer ce qui est à ce jour sa meilleure prestation comique.

Spy-Melissa-McCarthy-Rose-Byrne

Spy démontre rapidement son intelligence. À priori, si on se fie à la première scène, spectaculaire, brutale et pleine de second degré, tout est normal. Jude Law campe un super agent secret. Il est beau, tiré à quatre épingles et sait aussi manier le flingue que les répliques qui tuent. Un vrai cliché sur pattes le mec. Quand Melissa McCarthy rentre en scène, elle n’est que la gentille assistante, amourachée du héros qui de son côté, s’en balance comme de sa première murge au Martini. Pourtant, Paul Feig se charge vite d’inverser les rôles et de mettre en exergue ce que nous avions décelé. Oui, l’assistante aime l’espion, mais elle veut aussi passer au premier plan et n’est surtout pas dupe de la bêtise un peu crasse qui caractérise son charmant collègue. C’est alors que le film catapulte Melissa McCarthy en plein cœur de l’action. Loin d’être aussi gauche que prévu, elle gère carrément. Elle se bât, maîtrise elle aussi la punchline qui tue, et ne se laisse pas démonter, y compris quand le sort s’acharne. Le génie de Spy est là : dans sa façon de positionner l’actrice au centre d’une dynamique complètement chamboulée. Dès lors, tout part en vrille. Les hommes sont à la ramasse. Jason Statham, le super agent increvable, tout particulièrement. Parfait d’autodérision, jouant avec l’image qu’il s’est forgée depuis ses débuts dans Le Transporteur, le britannique prouve qu’il n’est pas qu’un pro du bourre-pif et s’amuse comme un gosse avec un rôle casse-gueule qu’il incarne à merveille. Macho, il représente également une figure séculaire passée de mode, bien obligée de laisser la relève prendre les commandes. Dans un décalage permanent, dévoué corps et âme à la démarche de déstructuration massive entreprise par Paul Feig, le Stath’ ne fait que mettre en valeur Melissa McCarthy. Idem concernant Rose Byrne, la « méchante » de l’histoire, dont la sophistication entend clasher avec le côté plus « ordinaire » de la véritable héroïne, lancée dans une reconquête flamboyante d’une action qu’elle s’approprie sans cesse avec une énergie débordante.
Spy inverse les rôles. Celle qui fut toute sa vie en retrait passe en tête d’affiche et prouve la valeur de compétences mortelles. À l’écran, Melissa McCarthy fait le show comme jamais. Soignée par un réalisateur dévoué à sa cause, elle est fantastique. Dans l’action, impressionnante et percutante, mais aussi dans la comédie, merveilleusement servie par des dialogues hilarants et des situations parfaitement calibrées pour déclencher très régulièrement des torrents de rires bien gras.

Sans s’inquiéter du bon goût et de la bien-séance, Spy fonce dans le tas. Parfois un peu bancal, racontant une histoire qui peine à intéresser sur la longueur, il se rattrape largement grâce à son rythme impeccable et son avalanche de gags véritablement dévastateurs. Féministe mais pas démago, Paul Feig prouve qu’il est bel et bien l’un des meilleurs artisans en activité de la comédie américaine et organise un festival tonitruant d’une efficacité exemplaire, au-delà du simple exercice de la parodie. Sa mise en scène, à base de ralentis, s’avère dynamique et inspirée, mais c’est bel et bien son écriture qui fait mouche. Spy ose tout et dans 90% des cas, la cible est pulvérisée.
Rares sont les films qui arrivent à être aussi drôles pendant 2 heures. Seuls les grands y parviennent. Porté par une distribution hyper classe, où tout le monde comprend pourquoi il est là et ce qu’il doit faire (une mention spéciale à Miranda Hart), Spy cherche l’efficacité brute et la trouve en deux temps trois mouvements. Comme Kingsman, il possède son identité propre et parvient à se réapproprier un schéma mis à mal pour le meilleur. Si vous voulez vous marrer, vous êtes à la bonne adresse.

@ Gilles Rolland

Spy-Melissa-McCarthyCrédits photos : 20th Century Fox

 

Par Gilles Rolland le 17 juin 2015

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