[Critique] THE ROVER

CRITIQUES | 5 juin 2014 | Aucun commentaire
The Rover-affiche-France

Titre original : The Rover

Rating: ★★★½☆
Origine : Australie/États-Unis
Réalisateur : David Michôd
Distribution : Guy Pearce, Robert Pattinson, Scoot McNairy, David Field, Gillian Jones, Anthony Hayes, Susan Prior, Jamie Fallon, Tawanda Manyimo…
Genre : Drame/Thriller
Date de sortie : 4 juin 2014

Le Pitch :
Le monde s’est effondré. En Australie, où les mines encore en activité attirent les hommes les plus désespérés, Eric sillonne le pays, seul, au volant de sa voiture. Alors qu’il s’arrête sur le bord de la route, il se fait voler son véhicule par trois hommes armés. Dès lors, Eric n’a qu’un seul objectif : retrouver ceux qui lui ont dérobé son seul bien. En chemin, il rencontre fortuitement Rey, le frère de l’un des voleurs, laissé pour mort par ces derniers…

La Critique :
Le futur. L’Australie. Le désert. Les bagnoles. La poussière qui recouvre les corps. Les vautours et les chiens errants. La violence et les dents pourries. Vous pensez à Mad Max ? C’est normal, mais au fond, The Rover, le deuxième long-métrage du réalisateur d’Animal Factory, n’a pas grand chose à voir avec le chef-d’œuvre de George Miller.
David Michôd affirme d’ailleurs ne jamais avoir pensé à Mad Max au moment de l’élaboration de The Rover. À la vision du film, c’est évident.
Bien qu’il se déroule dans le futur, The Rover n’a rien de futuriste. Il ne fait qu’extrapoler. L’économie s’est vautrée quasi-définitivement et l’humanité est aux abois. En Australie, où les kangourous (bien que l’on n’en voit pas un seul) sont plus nombreux que les êtres humains, la poussière a repris ses droits et recouvre absolument tout, donnant au monde une patine usée et aux regards, un air résolu et désespéré. Résultat, pas besoin de forcer le trait à grands coups d’effets numériques savants pour donner au paysage des airs de no man’s land. Les voitures non plus n’ont rien de futuristes. Pas plus que les armes. Le monde de The Rover donne l’impression de s’être arrêté de tourner. Il n’y que des survivants. Des hommes violents.

C’est avec l’acteur Joel Edgerton, qu’il a dirigé dans Animal Kingdom, que David Michôd a écrit le scénario de son second film. The Rover est une œuvre réfléchie et personnelle. Un vrai film indépendant qui tourne le dos aux conventions pour tracer sa propre route.
Une impression visible dans un premier temps à travers le pitch, ô combien atypique. Quelle drôle d’idée de suivre un type qui, bille en tête, pourchasse ceux qui ont volé sa voiture. Drôle, mais bonne, cette idée. Pas moyen de savoir comment l’intrigue va tourner et pas moyen d’arriver à découvrir les motivations du personnage incarné par Guy Pearce. Et les choses de se troubler un peu plus quand Robert Pattinson entre en scène, lui qui endosse le meilleur rôle de sa courte carrière, en entérinant un peu plus sa reconversion arty, après son long séjour chez les vampires neurasthéniques et les loups-garous bodybuildés. Pattinson et son personnage de gentil simplet. Guy Pearce et son vagabond taciturne et violent. Une sorte de déclinaison hardcore du duo de Des Souris et des Hommes, de John Steinbeck, pour une chasse à l’homme contemplative au cœur d’un monde à l’abandon.

Parce qu’en effet, The Rover n’est pas spécialement nerveux. La route est longue entre le point de départ et la ligne d’arrivée et Michôd n’est du genre à se hâter. Comme avec Animal Kingdom, il préfère jouer sur les non-dits et s’attarder ainsi sur les regards, les visages. Il soigne ses plans, sublime les traits burinés de ces freaks qui constellent le récit, et ponctue le tout d’explosions de violence sauvage. La limite à une telle démarche est ce rythme en dent de scie et cette tendance à trop se rapprocher des canons établis par des cinéastes naturalistes comme Terrence Malick. À l’instar de ce dernier, Michôd détourne les codes de son postulat de départ, mais au fond, sa vision, si elle ne manque pas de style, pêche un peu par un dosage trop porté sur les pauses et les silences.
Chez Michôd, le western appelle un lyrisme qui s’avère parfois difficile à maîtriser. Même quand on a sous la main un duo aussi inspiré que celui formé ici par Guy Pearce et Robert Pattinson.
Le premier est à la maison. Il connait Michôd, tout comme il colle à merveille dans le paysage. Son personnage taiseux rappelle le héros de The Proposition et prend une dimension véritablement profonde et crépusculaire, au fil des minutes, tandis que Pearce effectue un travail admirable, tout en retenue et rage contenue. Pattinson lui, comme indiqué plus haut, trouve à ce jour son meilleur rôle, après deux CDD chez Cronenberg. Pas évident, son personnage appelle un travail d’équilibriste tendu et casse-gueule, mais Pattinson assure jusqu’au bout, sans cabotiner. À eux deux, Pearce et Pattinson portent The Rover quand ce dernier à tendance à tourner à vide.

Film éprouvant qui ne parvient pas toujours à garder l’ennui à bonne distance, The Rover demeure ambitieux de par la qualité de la métaphore qu’il propose. Alors qu’apparemment, dans ce futur réaliste, la vie humaine ne vaut pas tripette, certaines valeurs demeurent. À travers du sang et des menaces de mort constantes, David Michôd tisse un canevas d’émotions à la fois complexes et pourtant profondément universelles, dont le principal mérite est de souligner une humanité abimée mais persistante. Et si il trébuche quelquefois, il ne rate pas sa sortie. Son dénouement offre à tout ce qui précède une conclusion poignante. The Rover prend en quelques secondes tout son sens. Et cette scène brillante de rester longtemps gravée dans les mémoires…

@ Gilles Rolland

The-Rover-Pattinson-PearceCrédits photos : Metropolitan FilmExport

Par Gilles Rolland le 5 juin 2014

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