[Critique] THE WAY, LA ROUTE ENSEMBLE

CRITIQUES | 27 septembre 2013 | 2 commentaires
The-Way-affiche-France

Titre original : The Way

Rating: ★★★★½
Origine : Espagne
Réalisateur : Emilio Estevez
Distribution : Martin Sheen, Deborah Kara Unger, Yorick Van Wagehingen, James Nesbitt, Emilio Estevez, Renee Estevez, David Alexanian, Tchéky Karyo, Carlos Leal, William Holden…
Genre : Drame/Aventure/Adaptation
Date de sortie : 25 septembre 2013

Le Pitch :
Tom Avery, un médecin américain, décide de s’envoler pour le sud de la France, où son fils Daniel, a été retrouvé mort. Sur place, il apprend que celui-ci venait d’entreprendre le pèlerinage de Compostelle. Sur un coup de tête, Tom décide de lui-même arpenter le chemin jusqu’à l’océan Atlantique, afin de poursuivre l’objectif que s’était fixé Daniel. En route, il rencontre d’autres pèlerins, tous présents pour des raisons bien particulières. Ensemble, ils vont marcher des semaines durant…

La Critique :
Il est tentant de considérer Emilio Estevez comme le maillon faible de la famille Sheen. Façon de parler bien entendu, histoire de faire référence à la carrière de ce dernier, bien moins fournie que celle de son père Martin Sheen, et de son frère, le turbulent Charlie Sheen (Estevez étant le vrai nom de famille de Martin et de Charlie). Et pourtant… Emilio Estevez n’a pas démérité depuis ses débuts à l’aube des années 80, où il tournait dans le mythique Outsiders de Coppola. Loin de squatter les têtes d’affiche et les tabloïds comme son frère, Emilio s’est rapidement démarqué. Le seul fait d’avoir conservé son vrai nom étant un signe. En 1986, il réalise Wisdom, son premier long-métrage, dans lequel joue celle qui a un temps partagé sa vie, à savoir Demi Moore. Plus de vingt ans plus tard, une poignée de films remarqués (Classé X, Bobby, etc…) et une carrière d’acteur discrète, Estevez revient avec The Way. Adapté d’un ouvrage de Jack Hitt, le métrage est aussi à ce jour l’œuvre la plus personnelle de l’acteur/réalisateur. Sa meilleure aussi. Le fait qu’il ait insisté pour avoir son père dans le rôle principal n’est bien évidemment pas anodin et joue grandement dans l’authenticité que dégage ce formidable périple.

Avec beaucoup de tendresse et de simplicité, Emilio Estevez raconte l’histoire d’un septuagénaire dévasté par la perte subite de son fils, fauché alors qu’il entamait le voyage qui le mènerait à St-Jacques de Compostelle en Espagne. Le fils en question étant joué, lors de quelques séquences furtives, par Emilio Estevez lui-même. Des scènes par ailleurs déchirantes dans leur faculté à jouer habilement sur de simples regards qui en disent long, remarquablement soulignés par une partition musicale parfaite. Bien entendu, au cœur de ce cheminement intérieur que symbolise le fameux chemin (el camino), résident des thématiques religieuses difficiles à ignorer. Mais là encore, le film fait le bon choix. Tom Avery, le protagoniste principal, n’est pas pieux. Ses compagnons de route sur lesquels nous reviendrons non plus. Pour autant, personne ne rejette en bloc la religion. En cela, Estevez évite habilement une certaine bigoterie, sans pour autant exclure Dieu de l’équation finale. À chacun de voir les choses à sa façon. Comme cette métaphore qui rapproche le chemin de la route pavée d’or du Magicien d’Oz. Au fond, la destination importe peu. Seul le voyage compte.
Tom est sur la route pour finir ce que son fils a commencé et ainsi espérer rattraper les années perdues loin de lui, et mieux le comprendre. Pantouflard paisible, Tom n’est plus ou moins jamais sorti des États-Unis. Là, il se retrouve catapulté en Europe, avec un sac sur le dos, entreprenant une aventure spirituelle et sportive. Comme dans tous les bons road movies, le héros est amené à changer, on le sait. Même le savoir ne change rien, car là non plus, la destination ne compte pas autant que le voyage. Comment Tom va faire le deuil de son enfant et comment au final, d’une façon ou d’une autre, cette longue marche va changer à tout jamais son existence.

Parti seul, après avoir reçu les conseils d’un gendarme avisé et bienveillant joué avec une douceur étonnante par un Tchéky Karyo en retrait, Tom rencontre vite d’autres pèlerins. À la manière d’un Into the Wild, avec lequel The Way partage beaucoup de points communs, sans jamais tabler sur un vulgaire plagiat, le film met en exergue l’importance du partage et de l’échange.
Sur cette route, personne n’est vraiment là pour la même raison, mais tout le monde s’entraide. Chacun a quelque chose à cacher, et au final, quelque chose à gagner.

Sans rameuter une émotion facile tire-larme, The Way préfère tabler sur la beauté des paysages, sur les visages épuisés, sur les sourires et sur ces moments de flottement dont la vie de chacun regorge. Estevez aime lire entre les lignes et laisse faire les choses avec un naturel bienvenu. Les étapes sont autant de chapitres d’un livre que l’on referme heureux (après avoir versé quelques larmes). Discrète elle aussi, la mise en scène est pertinente. Pleine d’ampleur, elle se met sur la même fréquence que les acteurs et peint une succession de tableaux teintés d’une mélancolie douceâtre à la fois réconfortante et touchante.
Absolument parfait et toujours mesuré, Martin Sheen fait un boulot admirable. Les trois pèlerins qui l’accompagnent ont tous leur importance. Deborah Kara Unger est à fleur de peau, James Nesbitt surprenant et Yorick Van Wagehingen compose un personnage à la fois drôle et émouvant. Le travail accompli ici est remarquable de bout en bout. Cette fresque a le pouvoir incroyable de passionner comme rarement. Alors qu’à l’écran, les images coulent de sources, tranquillement, les thématiques véhiculées font leur petit chemin. Au bout de la route, ces mêmes images restent longtemps en tête. L’identification est facile, car chacun pourra retrouver un peu de soi dans ces quatre marcheurs. Peut-être même au point de se laisser gagner par l’envie de tailler la route un de ces jours…

Film sur le deuil, mais surtout sur la nécessité d’aller au bout des choses, de se surpasser et de s’ouvrir au monde, The Way est une excellente surprise. Après 3 ans dans les tiroirs (il date de 2010), il sort enfin chez nous. Inutile de dire que ne pas le voir serait une erreur. Petit miracle de cinéma, d’une profondeur inattendue et d’une pertinence rare, The Way est un grand film.

@ Gilles Rolland

The-Way-photo-SheenCrédits photos : Version Originale / Condor

Par Gilles Rolland le 27 septembre 2013

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Jo
Jo
10 années il y a

Un grand film oui, et je relis la critique après l’avoir regardé et elle résume admirablement les émotions que j’ai ressenties. Bravo pour cette belle et juste analyse.

paulus
paulus
10 années il y a

il est toujour juste dans ses critique j ai tj l impression de voir le film il le raconte bien bravo gilles