[Critique] VUE SUR MER

CRITIQUES | 22 décembre 2015 | Aucun commentaire
Vue-sur-Mer-poster

Titre original : By The Sea

Rating: ★★★☆☆
Origine : États-Unis
Réalisatrice : Angelina Jolie Pitt
Distribution : Angelina Jolie Pitt, Brad Pitt, Mélanie Laurent, Melvil Poupaud, Niels Arestrup…
Genre : Drame/Romance
Date de sortie : 9 décembre 2015

Le Pitch :
Dans le sud de la France, pendant les années 1970, Vanessa Bertrand, une ancienne danseuse, et son mari écrivain Roland, tentent de reconstruire leur mariage ruiné en passant un long séjour dans un hôtel sur la côte. Alors que Roland souffre d’alcoolisme et du syndrome de la page blanche et elle d’une profonde dépression causée par les troubles du passé, le couple s’efforce de se rappeler ce qui les a réuni quatorze ans auparavant. L’arrivée inattendue d’un jeune couple marié dans la chambre voisine sert de triste reflet à tout l’amour et le désir qu’ils ont perdu…

La Critique :
Ovni curieux, langoureux et parfois assez touchant, le troisième film d’Angelina Jolie Pitt ressemble plus à un premier film qu’à autre chose, triturant avec des obsessions personnelles et submergé par trop d’influences. À des années lumières de son adaptation oscarisée Invincible, Vue Sur Mer est un plongeon super inégal vers la profondeur artistique qui n’aboutit pas à grand chose au final, mais qui reste occasionnellement palpitant malgré tout. Le couple le plus célèbre du monde prend beaucoup, beaucoup de risques ici, tellement même que l’accueil risible qu’a reçu le film en Amérique est à la fois compréhensible et peut-être un peu trop précipité (« Suis-je vraiment tombée aussi bas ? » soupire la réalisatrice à un moment, tendant la perche à tous ceux qui préféreraient encore lui répondre par l’affirmative plutôt que d’encaisser un hommage à l’œuvre d’Antonioni).

Positivement enivré par la léthargie indolente du cinéma d’art et essai européen des années 60, le film met en vedette Brangelina dans les rôles de Roland et Vanessa Bertrand, un couple américain ex-patriote qui vient de s’installer dans un hôtel au bord de la mer en plein Sud de la France. Elle était jadis danseuse ; elle a arrêté parce qu’elle est devenue trop vieille. Lui se dit encore écrivain mais la plupart du temps il ne fait que boire. Encore en train de se remettre d’une tragédie inexpliquée, les deux n’ont pas grand chose à se dire, ou du moins rien de très agréable. Vanesse passe son temps étalée sur des canapés dans de splendides tableaux d’ennui, tirant éternellement sur sa cigarette et pleurant en silence à travers le mascara qui coule sur son visage. Roland traîne toute la journée dans le café du coin, faisant semblant de bosser sur son nouveau roman alors qu’en fait, il se bourre discrètement la gueule.

Vue-sur-Mer-By-the-Sea

C’est la première fois que Jolie Pitt se met en scène, et elle semble avoir compris sa personnalité à l’écran d’une manière qui n’a pas été saisie par beaucoup de réalisateurs. En tant qu’actrice, Angelina est toujours meilleure quand elle joue de belles abstractions, et ici elle reste sagement hors d’atteinte. Son mari, de son côté, apporte tout son charme de chien battu au rôle d’un triste ivrogne. Bien plus doué comme acteur qu’on ne le reconnaît souvent, Brad Pitt nous laisse voir la désintégration de Roland et ses fantasmes à la sauce Ernest Hemingway, alors que sa créativité s’éteint tout net et que la femme qu’il aime refuse qu’il la touche.
Mais les choses se requinquent avec l’arrivée de deux jeunes mariés libidineux (Mélanie Laurent et Melvil Poupaud) dans la chambre d’à côté. Ça se gâte et ça s’excite encore plus lors de la découverte accidentelle d’un trou dans le mur des Bertrand, à travers lequel Vanessa et Roland peuvent voir le jeune couple s’envoyer en l’air. Les séquences centrales de Vue Sur Mer pétillent d’érotisme et de coquinerie, réchauffant la relation glaciale entre nos protagonistes alors qu’ils sont accroupis ensemble devant le mur pour regarder à travers, étourdis et enchantés par le spectacle d’à côté. « Est-ce qu’on est des pervers ? » se demande Pitt, riant avec sa femme pour la première fois depuis bien trop longtemps.

C’est un drôle d’humour visuel qu’on voit ici en action – le couple mangeant lors de grands pique-niques élaborés, planqués auprès de leur judas secret, attendant que leurs voisins se remettent à forniquer. Vanessa et Roland finiront par suivre leur exemple, et Vue Sur Mer devient alors une sorte de labyrinthe de miroirs bizarrement auto-réflexif. Après tout, on regarde un film sur deux personnes misérables qui prennent leur pied à regarder un jeune couple photogénique faire des galipettes, mais ils sont joués par un couple qui est photogénique (et super célèbre) dans la vraie vie et que nous, spectateurs, verront ensuite faire l’amour dans la salle de bains. Alors qui sont, les voyeurs, au final ?

Beaucoup moins intéressante est l’affaire de cette tragédie laborieusement suggérée auparavant qui doit, hélas, être finalement expliquée, et ceci d’une façon anti-dramatique qui tombe complètement à plat et manque de peu de faire dérailler le film (ceux qui auraient revu Arizona Junior récemment risquent d’avoir droit à une belle rigolade inattendue). En général, Jolie Pitt est largement plus assurée dans la composition de ses images évocatrices qu’avec ses dialogues, franchement assez mauvais par moments : les thématiques indélicatement énoncées à voix haute passent beaucoup mieux quand les personnages parlent en français (peut-être que la prétention sonne avec plus de justesse avec des sous-titres ? Quoique l’accent de Brad Pitt est parfois incompréhensible…).

Après, admettons qu’un film comme Vue Sur Mer est exactement le genre de projet personnel et souffreteux qui ferait ressortir une certaine réaction protectrice. Il est quand même couillu (et assez adorable) de la part de Mr. et Mme Pitt d’utiliser leur influence pour que le studio derrière Les Minions et Jurassic World finance ce qui se résume à une dédicace dysfonctionnelle et sexuellement explicite à La Notte. Audacieuse, Jolie Pitt vise la lune et se vautre plus d’une fois, mais son film est passionnant à regarder parce que dans un certain sens, il s’avère très osé et très réel. De quoi attendre avec impatience ses prochains projets…

@ Daniel Rawnsley

Vue-sur-Mer-Brad-Pitt-Angelina-Jolie   Crédits photos : Universal Pictures International

Par Daniel Rawnsley le 22 décembre 2015

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