[Critique] WEEK-END ROYAL

CRITIQUES | 28 février 2013 | Aucun commentaire

Titre original : Hyde Park on Hudson

Rating: ★★★☆☆
Origine : Angleterre
Réalisateur : Roger Michell
Distribution : Bill Murray, Laura Linney, Samuel West, Olivia Colman, Elizabeth Marvel, Olivia Williams, Elizabeth Wilson, Martin McDougall, Andrew Havill…
Genre : Biopic/Comédie/Drame/Romance/Adaptation
Date de sortie : 27 février 2013

Le Pitch :
En juin 1939, le Roi George VI et sa femme, la Reine Elizabeth, se rendent aux États-Unis, où ils sont les invités d’honneur du Président Franklin Delano Roosevelt, dans son manoir familial au cœur de Hyde Park, New York. Encore freiné par son bégaiement secret, Bertie espère pouvoir obtenir le soutien des américains aux côtés de la Grande Bretagne, à la veille de la Seconde Guerre Mondiale. Au même moment, le Président se rapproche de sa sixième cousine (et future maîtresse) Margaret « Daisy » Suckley. Une liaison amoureuse nait alors sous les yeux de l’entourage présidentiel, qui comprend et accepte la situation, tandis que le chef du gouvernement américain et le Roi d’Angleterre s’apprêtent peut-être à changer le cours de l’Histoire…

La Critique :
On dit que ce sont les vainqueurs qui écrivent l’Histoire. Si c’est le cas, alors il n’y a rien de plus frustrant que de voir l’Histoire à travers les yeux de la personne la moins intéressante de toute l’affaire. Jouant sur le même terrain mou que l’oubliable My Week With Marilyn, Week-End Royal est censé chroniquer la première rencontre monumentale entre le Président Franklin Delano Roosevelt et le Roi George VI. Mais tout ça, c’est du bruit de fond. À la place, le film préfère se concentrer sur un fait bien plus important, à savoir les sentiments naissants entre le Président et sa cousine éloignée.

Travaillant à partir des lettres et des journaux intimes de Margaret « Daisy » Suckley trouvés à sa mort en 1991, Week-End Royal illustre le récit fastidieux d’une histoire d’amour fastidieuse. Une célibataire plus-très-jeune est convoquée à la propriété campagnarde de la mère (embêtante) de FDR. Daisy, c’est son prénom, accompagne donc le président lors de longues balades en voiture, admire sa collection de timbres et finit par s’en rapprocher à l’occasion d’une scène un peu perturbante, qui n’est pas sans faire écho à une séquence de The Master. Il y a aussi des trucs à régler avec l’Allemagne, mais ce n’est pas grave : une voix-off insipide qui nous impose une narration digne d’un roman à l’eau de rose et une musique qui pue souvent la guimauve nous empêchent de nous distraire.

Oui, Daisy est aux anges. Son adoration pour Big Boss Roosevelt l’a reconvertie en petite fillette, et voir une Laura Linney âgée de presque 50 ans en rajouter des caisses comme une lycéenne malade d’amour finit par devenir inquiétant. Est-ce que Daisy a plus de problèmes que le film nous le laisse entendre ?

L’élément le plus improbable du casting, reste pourtant Bill Murray, en FDR. Si ce choix aurait pu facilement tourner au sketch, l’acteur est assez malin pour comprendre que tout le maquillage du monde n’arriverait pas à nous faire oublier que c’est bien lui dans le costume. Il laisse alors tomber le jeu des imitations et se contente d’une poignée de choix judicieux pour interpréter le personnage. Plus petit et plus mince que Roosevelt, il porte son chapeau d’été d’un air désinvolte, le menton relevé, avec son fume-cigarette légèrement incliné et de l’humour discret dans sa voix tranquille. Murray prend quelques libertés et s’en sort plutôt bien, affichant un esprit malicieux, toujours mâtiné d’un peu de mystère et d’une dose de sagesse.

Le deuxième acte de Week-End Royal est, on ne peut le dire autrement, une mini-suite spirituelle du Discours d’un Roi, concernant une visite du Roi George VI et de sa femme Elizabeth. Le « Bertie » bégayant est encore mal à l’aise sur le trône, débarquant le chapeau à la main pour solliciter l’aide de l’Amérique au sujet de la Seconde Guerre Mondiale. Brièvement, (trop brièvement) le film devient une comédie de mœurs, avec les hôtes et les invités du manoir se cassant la tête sur la logistique et les formalités, tandis que FDR insiste pour servir du hot-dog pour le Grand Déjeuner Important.

Ce sont ces scènes-là qui sauvent la mise, et elles n’ont rien à voir avec Daisy. Souvent au cœur de l’hilarité, le couple royal est perdu parmi ses interactions maladroites avec les autres invités et l’idée terrifiante d’un pique-nique à l’américaine. Dans l’intervalle, Daisy passe son temps dehors à rêvasser et faire la gueule, tandis que tous les trucs importants se déroulent à l’intérieur. Il y a notamment une séance nocturne de buvette entre hommes avec FDR et Bertie qui est écrite et jouée avec tellement de perspicacité, que l’on pourrait la croire extraite d’un autre film.

L’unique bonne trouvaille du scénario ici, c’est que les deux hommes les plus puissants du monde deviennent potes grâce à leurs handicaps secrets (le bégaiement du roi et la polio du Président gardés sous silence par une presse jadis connue pour sa retenue). Avec beaucoup de difficulté, FDR se cramponne à son bureau et se met debout pour parler à Bertie, un sourire rusé rivé au visage, songeant à la déception des journalistes si jamais ils apprenaient la vraie nature de leurs dirigeants. La timidité de Bertie s’évapore et on se demande s’il a enfin trouvé le soutien paternel qui lui manquait dans Le Discours d’un Roi. D’ailleurs, peut-être que le visionnage du film de Tom Hooper est obligatoire pour donner un sens à cette scène cruciale.

Hélas, le bonheur ne dure pas. Pourquoi ? Parce que Daisy n’est pas présente durant ce meeting, et voilà qu’on retourne à ses malheurs romantiques à deux balles, ses discussions compétitives avec la secrétaire de FDR et sa femme Eleanor, et la suggestion choquante que peut-être qu’elle n’est pas la seule à poser un regard intime sur la collection de timbres du Président. Les crises de nerfs qui s’ensuivent atteignent bien évidemment les oreilles des invités anglais, et on a droit à beaucoup de claquements de porte et d’humour sympathique mais bébête alors que le Roi George se demande combien de femmes dominent la vie privée de son nouveau copain.

C’est bien clair, Week-End Royal ne joue pas avec les mêmes instruments que Lincoln. Ce n’est pas un film historique sérieux, qui trouve souvent (mais pas assez) son fort dans la comédie et le rire. Bill Murray devance tout le monde et croque dans le noyau humain du personnage de FDR, dépeignant l’image d’un homme triste et solitaire, mais tendre jusqu’au bout. Au mieux un divertissement vaguement amusant et résolument agréable, le film de Roger Michell prend grand soin à rester inoffensif et affiche sa légèreté comme une couronne. L’aventure se termine par un message historique : finalement, l’Amérique est partie en guerre contre Hitler. Je crois que Daisy était là pour assister à l’évènement. Du moins je l’espère.

@ Daniel Rawnsley

Royal Week-end-photoCrédits photos : Diaphana Distribution

Par Daniel Rawnsley le 28 février 2013

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