[Critique] PIECES OF A WOMAN

CRITIQUES | 16 janvier 2021 | Aucun commentaire
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Titre original : Pieces of a Woman

Rating: ★★★★½

Origines : États-Unis/Canada/Hongrie

Réalisateur : Kornél Mundruczó

Distribution : Vanessa Kirby, Ellen Burstyn, Shia LaBeouf, Iliza Shlesinger, Sarah Snook, Molly Parker, Benny Safdie, Jimmie Fails…

Genre : Drame

Durée : 2h06

Date de sortie : 7 janvier 2021 (Netflix)

Le Pitch :

Martha et Sean se préparent à devenir parents. Désirant accoucher chez elle, Martha redoute ce moment d’autant plus que la sage-femme avec laquelle elle a tout préparé est contrainte de se faire remplacer au dernier moment. Commence alors un douloureux travail qui se conclut tragiquement par la mort de l’enfant, quelques secondes après sa naissance. Dévastée, Martha tente de gérer le drame à sa façon, prise en étau entre un compagnon inconsolable et une mère intrusive…

La Critique de Pieces of a Woman :

Principalement connu en France pour son White God, le réalisateur hongrois Kornél Mundruczó revient à quelque chose de plus intimiste avec Pieces of a Woman, soit un film produit par Martin Scorsese et écrit par Kata Wéber, sa scénariste pour ainsi dire attitrée, déjà en poste sur White God ou Pleasant Days. Une œuvre magnifique et bouleversante, que Netflix va logiquement tenter d’imposer aux Oscar. Pieces of a Woman qui n’y volera ainsi aucune des récompenses qu’il risque d’y remporter…

Tragédie intime

Un homme quitte le chantier sur lequel il travaille. Un nouveau pont à Boston. Un ouvrage qu’il espère pouvoir inaugurer avec sa fille à naître. La future mère est prête. Tout est prêt. Y compris la nouvelle voiture, une familiale, offerte par la grand-mère. Martha ne veut pas accoucher à l’hôpital et a fait le nécessaire pour que tout se déroule à domicile. Mais les choses tournent mal et tout s’effondre… Dès que la caméra de Kornél Mundruczó pénètre dans l’intimité du foyer de Martha et Sean, quelques minutes après le début du travail, le réalisateur ne les lâche plus. Ce dernier faisant directement preuve d’une maestria hallucinante, au fil d’un très long plan-séquence ne se terminant qu’à la fin de l’accouchement, nous saisissant à la gorge et se montrant ainsi terriblement bouleversant, alors même que les personnages ne se sont pas vraiment présentés à nous.

Mais la force de Pieces of a Woman, qu’il s’agisse de son écriture ou de sa mise en scène, réside également dans cette capacité à faire passer beaucoup de choses sans forcer, d’une manière on ne peut plus naturelle. Ainsi, pas besoin d’en savoir beaucoup sur ce couple pour d’emblée être saisi par sa détresse puis sa souffrance…

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Reconstruction

Focalisé autour d’un sujet douloureux au possible, Pieces of a Woman trouve un équilibre admirable, ne cédant à aucun excès, d’un côté comme de l’autre. Comprendre par là que oui, certaines scènes vont loin mais jamais « trop » loin. À l’inverse, loin de céder à la tentation du « contemplatif », le réalisateur reste en permanence dans le concret et le mouvement, utilisant à bon escient ses métaphores sans non plus forcer le trait et distillant un discours puissant sur la place de la femme dans notre société mais là encore sans surligner son propos à outrance, avec une justesse qui sans cesse au fil du récit, force l’admiration. La photographie, magnifique et très à propos justifiant les efforts du cinéaste et de la scénariste pour à la fois nous faire ressentir la peine, la peur, la douleur mais aussi l’amour et l’incompréhension des protagonistes.

Y compris après, quand commence la déconstruction puis la reconstruction, quand tout vole en éclats et que par la terrible force des choses, les personnages sont contraints de prendre de nouveaux repères, devant composer avec la tragédie qui a redéfini leur existence.

Au-delà des clichés

Il semble évident dès le début, sur absolument tous les aspects, que Pieces of a Woman ne sera pas un simple mélo tire-larmes. Ici, les larmes viennent car on touche à quelques chose de profondément viscéral, inhérent à notre essence même d’être humain. Avec une justesse absolue Kornél Mundruczó dissèque les mécanismes du couple et des rapports parents-enfants, à travers la relation conflictuelle de Martha avec sa mère. Le personnage de Sean, admirablement incarné par un Shia LaBeouf parfaitement nuancé, échappant lui aussi, malgré ses contours finalement assez convenus, à une caractérisation vulgaire ou prévisible. Très fort. Il suffit de voir cette joute verbale entre une Ellen Burstyn incroyable et Vanessa Kirby pour se convaincre du bien fondé des choix de Kornél Mundruczó, qui a trouvé ici le mélange parfait entre maestria formelle et narrative, proche de ses personnages, respectueux de son sujet, désireux d’aller au fond des choses sans forcer le passage.

Vanessa Kirby justement, porte le film tout du long, livrant une performance absolument sensationnelle. Une actrice déjà remarquée dans The Crown notamment, ici magnifique, qui traduit avec une pertinence rare la résilience de Martha, cette mère privée de son enfant, qui va, à sa façon, traverser la plus terrible des épreuves. Une actrice en étant de grâce, parfaitement entourée et dirigée, au centre d’un film en forme d’uppercut définitif.

En Bref…

Chronique d’un couple à la dérive, réflexion sur le deuil et éloge de la résilience, Pieces of a Woman touche en plein cœur. Un drame absolument bouleversant, magnifiquement mis en scène et écrit, porté par un casting parfait dominé par la performance ô combien intense de Vanessa Kirby. On en reparle aux Oscar…

@ Gilles Rolland

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Crédits photos : Netflix
Par Gilles Rolland le 16 janvier 2021

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