[Interview] Rencontre avec Christophe Thiry et David Ogos autour de FreeCode (mais pas que…)

INTERVIEWS | 30 juin 2013 | Aucun commentaire

C’est au détour d’un débat sur le cinéma, que j’ai pu rencontrer sur la toile Christophe Thiry. Passionné de cinéma, Christophe Thiry regarde beaucoup de films, mais est également passé de l’autre côté. Réalisateur, monteur, producteur et scénariste, il s’intéresse à de nombreux aspects du processus filmique, nourri par une volonté indéfectible d’explorer des sentiers de traverses, en marge des autoroutes engorgées du cinéma. David Ogos, de son côté, cumule aussi plusieurs casquettes, dont celles de musicien et d’acteur. La complémentarité est l’une des grandes forces de ce duo investi dans l’élaboration de plusieurs projets tous très stimulants.
En pleine production de FreeCode (mais pas seulement comme vous le verrez), un long-métrage dont nous vous présentions il y a quelques semaines le premier trailer (ICI), Christophe Thiry et David Ogos ont accepté de se plier au jeu des questions/réponses.
Une bonne occasion de faire connaissance avec deux artisans qui aiment à partager leur ferveur pour le septième-art.

Interview-free-code-Christophe-Thiry

Christophe Thiry

David Ogos

David Ogos

Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Je m’appelle Christophe, j’ai actuellement 39 ans et suis enseignant d’anglais et passionné de cinéma depuis ma plus tendre enfance.

Je m’appelle David, j’ai également 39 ans et j’officie dans le monde des affaires. J’ai contracté le virus du cinéma très très tôt également !

J’ai pu lire dans un article sur internet que la volonté de Ciné Pôle Production était de « jeter un pavé dans la mare du cinéma français ». Pouvez-vous nous en parler un peux plus ?
À priori cela peut paraitre arrogant et pompeux mais c’était volontaire. L’idée était de dire que nous voulions proposer aux gens nos idées. Que ces dernières ne venaient pas que du tout Paris avec son cercle fermé de « gens du milieu ». Ciné Pôle Production veut simplement élaborer des films selon ses propres codes. La grande idée est de créer un pôle de créativité. Une équipe qui va nous rejoindre David et moi pour chaque projet. On a cette image du coup de fil pour prévenir d’un nouveau projet et de réunir l’équipe constituée de passionnés, et de « fous de cinéma » !
Pour être honnête, on pense aussi que le cinéma français s’est cloisonné dans le facile, le prêt-à-filmer et le cliché. Il s’auto-parodie presque quand il n’est pas nombriliste. Ce n’est pas ma définition de l’art et de la création qui justement demeure humble et surtout accessible pour que chacun puisse l’apprécier à sa façon et y déceler des choses qui touchent.
Puis pour finir avec ce pavé, fallait bien faire parler de nous !

Pouvez-vous nous parler de votre façon de travailler ? Peut-on comparer vos méthodes avec celles des frères Coen par exemple, qui font partie de vos influences ?
C’est difficile de comparer. Notre façon de travailler est assez organique, mais nous respectons bien sûr chacune de nos spécialités. Personnellement, j’écris, je réalise et je monte. Ce sont de véritables passions (surtout la réal et le montage) et qui me sont venues très naturellement. David se sent une grande affinité avec la comédie (il est doué !) et il est musicien, donc à la base nous sommes très complémentaires. De part sa formation professionnelle, il n’a pas son pareil pour faire notre buzz avec ingéniosité !
Les idées peuvent venir de l’un et/ou de l’autre. Si on est emballé tous les deux, on développe. On s’inspire mutuellement. Cela se résume souvent à un ping-pong d’idées : l’une débouchant sur une autre… Comme un cadavre exquis qui peut parfois durer toute une nuit !! FreeCode a été élaboré lors d’une soirée entière passée à s’envoyer des sms ! Mais le mot d’ordre est le suivant : si nous ne sommes pas deux à sentir le truc, on ne se lance pas. C’est intéressant car parfois on doit mutuellement se convaincre, « vendre » nos idées mais au final on doit être deux à dire « ok ».
Une fois la phase de développement terminée, j’écris un brouillon de scénario comme un diamant brut. La structure est alors plutôt secondaire et je privilégie les idées et les concepts afin de ne rien laisser filer. Je fais lire le résultat à David, on se fait des séances de brainstorming, on s’explique les concepts, on voit ce qui fonctionne pour nous deux, on valide et on passe à la phase de polissage où je structure et développe ce qui sera le scénario final. Mais ce procédé n’est pas non plus figé. Pour notre comédie T’es Pas Fou ? Dont on va reparler, comme c’est un projet initié par David, nous avons tous les deux développé son concept et lui a écrit le fameux brouillon pour qu’il puisse coucher les idées qui lui tiennent tant à cœur. Moi je réécris et y intègre ma sensibilité, mes idées pour développer et structurer ce que David avait en tête et rendre le tout plus cinématographique et cohérent. C’est une sorte de script doctoring amélioré et je dois dire qu’avec cette méthode, je me sens plus libre de coucher mes idées, et j’ai plus de recul et d’objectivité par rapport au matériel de base que me fournit David. On se fait confiance. David a la foi dans mes capacités de cinéaste et cela me touche énormément. Il me dit souvent qu’il a confiance par rapport à ce que je vais faire de nos idées (c’est ce qui nous a d’ailleurs rapproché).
Ciné Pôle Production est donc le fruit de notre duo. Nous avons la ferme intention par la suite de créer autour de nous un vivier de passionnés afin de constituer une équipe que nous embraquerons dans chacune de nos aventures. Nous avons pour objectif de mettre en place cet espace de création… Et de rester fidèles à ceux qui nous suivent ! C’est un peu comme un projet musical, nous sommes le noyau/les capitaines et autour vient se greffer le savoir-faire de diverses personnes qui bien sûr pourront apporter leurs idées qui pourraient correspondre et développer les concepts élaborés.

Parlons maintenant de Freecode. Un long-métrage précédé d’un trailer à la fois énigmatique et fascinant. On pense d’ailleurs beaucoup à David Lynch, ce qui est déjà en soit, une excellente chose…

Déjà, merci pour la référence à Lynch ! Cela flatte vraiment et motive davantage encore !! Si le teaser présent fait cet effet-là, tu ne regretteras pas le film complet, car FreeCode est un concept. On a étendu notre jeu de cadavre exquis sur l’image. FreeCode est parti d’une image (celle qui débutera le film et qui vient de David et son obsession pour les forêts).
D’ailleurs, ce teaser m’a permis d’expérimenter des idées sur les textures et les couleurs (à ce propos je vais mettre en ligne une version HD de ce dernier pour mieux rendre justice à cela). C’est une sombre histoire de vengeance et de trahison d’agent (joué par David qui est sur l’affiche) menant une double vie (sa femme n’étant pas au courant de ses activités professionnelles). Je ne peux en dire plus pour préserver la surprise car c’est une sorte de projet « secret ». La forme sera très organiquement au service du fond tout comme le son et l’on ne respectera pas l’ordre chronologique des événements car les choses se mettront en place au fur et à mesure du film. J’aime beaucoup expérimenter lors du montage. Je vais vous donner un mot à retenir : réinitialisation.
Le personnage principal sera dans quasiment tous les plans, le point de vue étant le sien et nous pouvons d’ores et déjà dire qu’il n’y a (volontairement) pas de scénario ! Un trailer sera élaboré quand nous aurons bouclé une plus grande partie du tournage. Le projet d’affiche que j’ai réalisée, donne une idée de ce que sera le film.
La difficulté de ce projet réside bien sûr dans le fait qu’il soit fait sans argent « à la sauvage », alors que David et moi poursuivons nos activités professionnelles principales. Nous tournons principalement les week-ends ou les jours fériés. L’autre grand souci vient des comédiens, car il est difficile de trouver des gens qui veulent entrer dans ce projet en sachant qu’ils ne seront payés qu’en rémunération secondaire. Nous fûmes d’ailleurs étonnés de voir que certains comédiens locaux, et nous pouvons comprendre dans une certaine mesure, ne parlent que d’argent et ne nous prennent pas forcément au sérieux. Pour être clair, nous ne leur proposons pas de passer à coté de projets puisque nous travaillons les week-ends et adaptons nos tournages selon les disponibilités des gens qui veulent bien se lancer dans la grande aventure. Par contre, nous remercions d’ores et déjà toutes celles et ceux qui nous ont gracieusement mis à disposition voitures et lieux de tournages (ils seront au générique), cela fait chaud au cœur de voir qu’il existe d’autres « fous ».
Pour en finir, je ne me plaint pas de cet aspect « sauvage » concernant l’élaboration de FreeCode (je dirais même que la liberté ça n’a pas de prix !) car notre ligne de conduite de départ est de créer le meilleur film possible sans budget, sans équipe si ce n’est David et moi.

Christophe, ta démarche de cinéaste se base-t-elle sur un désir de s’affranchir de la majorité des règles en matière de réalisation et/ou d’écriture, pour ainsi tenter de proposer quelque chose de nouveau ?
Ma démarche personnelle est simple : je considère que les images sont pour moi la meilleure façon d’exprimer une idée. Ce que j’aime par dessus tout, c’est créer des mondes, diriger une équipe comme le ferait un chef d’orchestre afin de raconter une histoire aux gens. Les voir rire, pleurer, avoir peur, les surprendre, les secouer comme ils pourraient l’être sur des montagnes russes en fête foraine. Oui, en fête foraine, car c’est avant tout d’un jeu dont il s’agit, une fiction, un voyage. Je suis un grand gamin qui veut montrer des choses, les dire. Je voudrais qu’il ressentent des sentiments vrais, naturels et sans colorants. J’ai une démarche très humaine de faire les choses et je veux partager cette humanité avec qui me suivra.
Je suis mes propres règles. Avec David, on a souvent parlé de cela et je lui dit souvent que je ne fais pas de films en fonction des autres, mais je les fais en fonction de moi, honnêtement. C’est comme cela que certains nous suivront, faire des films en fonction des autres revient à se mentir et je pense que cela ne peut pas fonctionner comme ça. Je ne crois pas que l’on puisse s’affranchir de toutes les règles (sinon il n’y aurait pas de cinéma) mas je fais ce que je ressens, comme je le ressens. À vrai dire, je ne me pose pas ce genre de questions. J’y vais à l’instinct, je me laisse guider par l’histoire, ce que je veux raconter. Je ne fais pas consciemment de « films comme… », je les fais selon « moi ».
Avec David (et comme le dit Joseph Campbell) on pense qu’il n’y a pas une infinité d’intrigues, mais ce qui importe c’est l’assaisonnement. Ici, il s’agit de Ciné Pôle Production.
Ce qui est intéressant dans le travail avec David, c’est que sa sensibilité qui est fondamentalement similaire à la mienne, me permet d’encore mieux faire tout cela et de garder une certaine humilité afin d’encore mieux faire passer le message de nos histoires, de regarder plus loin que le bout de mon nez, même si, je le reconnait, je suis assez intransigeant sur certaines choses et -comment dire- sans concession. Parfois une bonne claque cela fait du bien et remet sur les rails !! Ce qui est assez dingue, c’est que souvent, on pense aux même choses en même temps et on pas pas besoin de se parler pour comprendre ce que l’on veut. Nos premières années de collaboration ont été très formatrices, car on a pu voir comment chacun travaillait.

Qu’en-est-il de la comédie T’es pas fou ?
T’es pas Fou ? est donc un projet de comédie cher à David, qu’il a en tête depuis longtemps. Il adore les comédies et a toujours voulu en faire. Personnellement, je suis comme lui, même si je me méfie des comédies « à la française » qui ne me font franchement pas rire (je parle des comédies récentes, les fameuses « prêtes-à-filmer »). Il y avait un savoir-faire qui s’est perdu avec le temps. Un goût pour la fiction qui s’est effacé. Le but de T’es pas Fou ?, dont le premier jet du scénario s’achève bientôt, est de faire une bonne vieille comédie qui fera rire tout le monde et qui, on l’espère, donnera envie de la revoir. C’est une simple histoire de dette contractée par un « looser-qui-en-fait-se-cherche » et qui va entraîner son frère « à-qui-tout-réussit » dans ses propres galères. Ce projet est une sorte de courant d’air frais et léger par rapport à FreeCode. Je suis vraiment fier de notre scénario que je trouve d’ailleurs très proche de Vaudeville (toutes proportions gardées) quand je le relis. C’est un peu Vaudeville qui rencontre les films avec Louis de Funès. Je précise que nous ne nageons pas dans le cliché ! Le film pourrait très facilement se transposer au théâtre d’ailleurs. C’est un film de l’été. La sensation que l’on peut avoir en roulant fenêtre ouverte sur la route des vacances ou encore de la boisson fruitée bue en terrasse de café avec cette agréable sensation de douce brise. Forcément, la forme est plus classique que FreeCode, mais le challenge est tout aussi intéressant, car faire une comédie n’est pas facile et c’est avant tout une question de dosage. Souvent dans les comédies, les spectateurs ont droit aux One Man Shows d’acteurs. Nous pensons que le comique et la bonne humeur doit venir de l’histoire, l’acteur se mettant à son service (donc devient le personnage) pour transmettre sa magie.
Pour ce projet, nous mettons en place un système de dons privés (déductibles des impôts) sur un site spécifique avec remerciements personnalisés à la clé. On s’est rendu compte là aussi, que les divers Conseils Généraux et entités politiques liés à la culture n’aident pas forcément tout le monde et ne prennent pas franchement de risques. Nous aimerions réunir 400 000 euros par le biais de ces dons et nous enfonçons bien sûr toutes les portes susceptibles de nous aider! Cette histoire nous tient à cœur et j’ai beaucoup d’affection pour elle, nous y mettons tout notre cœur et notre âme.

Pour plus de renseignements allez cliquer sur www.cinepoleproduction.com

Interrogatoire maison de Christophe Thiry (David, pour des raisons personnelles, n’a pas pu s’y plier).

Ton dernier frisson au cinéma :

Lincoln de Spielberg. Mud de Jeff Nichols. Mama d’Andres Muschietti m’a beaucoup touché aussi.

Ta devise :
Stay funky.

Ton modèle :
« Il » est trop nombreux pour ne tenir que sur une ligne. Un hybride entre Spielberg, Lucas, les Coen, Carpenter, Nolan, Eastwood, McTiernan et tant d’autres !!

Le pire des navets :
La filmo de Besson sauf peut-être Le Dernier Combat.

Ton musicien/groupe préféré :
The one and only Prince !!!

Le film que tu affirmes détester mais que tu aimes en secret :
L’Amour n’est un secret pour personne…

Le film que tu revois encore et encore :
La saga Star Wars, Les Dents de la Mer, Retour vers le Futur (toute la saga)… en ce moment je suis dans un trip McTiernan qu’il faut d’ailleurs sortir de prison !!

Ton héros de cinéma :
Yoda et Obi Wan Kenobi. Snake Plissken c’est un badass super cool aussi !

@ Propos recueillis par Gilles Rolland

Par Gilles Rolland le 30 juin 2013

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