[Carnet noir] Luke Perry : on pleure à Beverly Hills…

NEWS | 8 mars 2019 | Aucun commentaire
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Jeudi 11 février 1993. Je suis en quatrième. J’ai 13 ans. Bientôt 14. Assis à une table, avant que le cours commence, un pote me demande si j’ai regardé la nouvelle série, diffusée la veille sur TF1. Oui, j’avais regardé. À l’affût de la moindre nouveauté en provenance du pays de l’Oncle Sam, je n’aurais bien évidemment raté pour rien au monde le début de Beverly Hills 902010 (simplement nommé Beverly Hills chez nous). Je n’étais pas le seul. Le pote en question avait lui aussi regardé, comme la majorité des autres élèves de la classe et du collège. J’image que c’était ainsi dans la majorité des collèges et lycées de France. En 1993, il n’y avait pas Netflix et OCS et les séries arrivaient avec beaucoup de retard. Se rendre compte aujourd’hui qu’il nous avait fallu patienter 3 ans pour enfin prendre la mesure de ce phénomène télévisuel peut paraître étonnant mais en fait, nous n’avions pas vraiment patienté. Non, parce que personne ne savait vraiment ce qu’était Beverly Hills 90210 avant de voir la première annonce sur la Une. Internet n’était pas encore là pour nous mettre au parfum et les quelques magazines qui relayaient ce genre d’informations ne suffisaient pas non plus à faire monter la sauce comme le web sait si bien le faire de nos jours… Bref, c’est donc ce mercredi 10 février, le jour de l’anniversaire de ma mère, que je me suis posé devant la télévision pour regarder le premier épisode de Beverly Hills. J’ai ainsi assisté à l’arrivé dans le luxueux quartier de Los Angeles, de la famille Walsh, avec les parents bienveillants mais surtout Brandon, l’intello beau gosse, propre sur lui et sa sœur Brenda, une sublime brune au tempérament un peu plus fougueux. Un frère et une sœur fraîchement débarqués de leur campagne natale qui découvraient avec nous le faste d’une ville qui semblait se focaliser principalement sur l’apparence. Brandon et Brenda, c’étaient nous. Il nous représentaient, nous les petits Français qui ne connaissions rien de Beverly Hills. Et oui, car en 1993, il fallait être sacrément blindé pour pouvoir se payer une aller-retour pour Hollywood ! Du coup, d’emblée, la série a su fasciner. Pour son environnement, pour son générique, hyper catchy, et pour ses personnages. Tous avaient une fonction : Brandon le bellâtre fonceur, promis à un brillant avenir, peut-être en politique, Brenda, sa sœur, la rebelle de la famille, Kelly, la californienne typique, une belle blonde faussement écervelée, Donna, la fille à papa véritablement écervelée (elle était jouée par Tori Spelling, la fille d’Aaron Spelling, le producteur en chef de la série), Steve, le blondinet un peu teubé, David, le jeune chien fou, Andrea, l’intellectuelle et bien sûr Dylan, le mystérieux beau gosse.

Dylan était joué par Luke Perry. Dylan qui a immédiatement fasciné les foules. Une sorte de James Dean remis au goût du jour. Un fils de millionnaire, en rébellion contre le mode de vie de se parents, destiné à rouler pied au plancher sur l’autoroute de la vie, jamais très loin de la barrière de la sécurité, les cheveux au vent. Si les filles étaient forcément attirées par ce personnage énigmatique, les garçons n’étaient pas en reste. Nous étions tous intrigué par le personnage.

Car Luke Perry a immédiatement su s’approprier Dylan. Et tant pis si au début, il avait postulé pour le rôle de Steve, finalement attribué à Ian Ziering, la future star de la franchise Sharknado. Dylan est devenu le pivot du show. Plus qu’un idéal masculin, il était un idéal américain. Luke Perry devenant de son côté une sorte d’icone du petit écran. Même quand plus tard, il quitta le navire, désireux de donner à sa carrière un seconde souffle, sans vraiment y parvenir, sa place resta vacante jusqu’à son retour en 1998. Plus récemment, quand Beverly Hills 90210 fut relancée, avec une nouvelle génération d’acteurs, Perry refusa de participer car Aaron Spelling n’était plus de la partie (il est décédé en 2006). Le show ne décolla jamais vraiment même si les producteurs essayèrent de nous imposer des ersatz de Dylan, tous moins convainquant les uns que les autres. Il n’y avait qu’un Dylan et c’était Luke Perry.

Le fait de vouer une sorte d’admiration à un personnage comme celui-là, dans une série comme Beverly Hills, qui, soyons honnête, n’avait rien des Soprano ou de The Wire, peut prêter à sourire… Pour autant, difficile de nier l’influence qu’elle a pu avoir sur celles et ceux qui, toutes les semaines, se retrouvaient devant le poste pour suivre les aventures de Dylan et de ses amis. Difficile de le nier alors autant le reconnaître et célébrer du même coup l’importance de Dylan McKay et donc de Luke Perry dans cet espèce d’inconscient collectif propres à ceux qui aujourd’hui sont âgés de 30 à 45 ans.

J’ai donc regardé Beverly Hills. Longtemps. Puis un jour, je me suis lassé. Les scénaristes aussi visiblement car les histoires n’avaient plus le même mordant. Autrefois tout émoustillé par la Brenda de Shannen Doherty, comme j’avais pu l’être par la Kelly de Tiffani-Amber Thiessen dans Sauvé par le Gong, captivé par les histoires, j’ai fini par passer à autre chose… Comme Luke Perry. Lui aussi, je l’ai d’ailleurs un peu perdu de vue. Je me souvient d’un épisode des Simpson où il devient l’assistant infortuné de Krusty le clown mais c’est guère tout. Et puis un jour, je l’ai retrouvé dans Oz. Une série d’un autre calibre que Beverly Hills, soit dit en passant. Formidable, Luke Perry a pris tout le monde à revers sur ce coup. Je n’ai pas vraiment regardé les autres séries dans lesquelles il a pu tourner, pas plus que je n’ai prêté attention à ses films et téléfilms. De temps en temps, je le voyais, furtivement, au détour d’une scène. J’ai découvert le film Buffy bien plus tard en m’amusant de sa participation puis, comme tout le monde, je l’ai vu dans Le Cinquième Élément, tout en me disant à chaque fois, qu’inexplicablement, en dehors de Beverly Hills, Luke Perry n’avait pas vraiment réussi à trouver sa place. Voilà qui il était pour moi : un type qui avait tout pour réussir. Avec la même flamboyance que James Dean donc. Mais, à l’instar de Dylan McKay, Luke Perry évolua dans sa bulle, ne réussissant jamais vraiment à trouver un équilibre, jouant selon des règles parfois impitoyables, y compris pour les belles gueules qui un jour, ont contribué au rayonnement de la planète Hollywood dans toute la galaxie.

Un truc qu’a visiblement parfaitement pigé Quentin Tarantino, lui qui donna un rôle à Perry dans son Il était une fois à Hollywood. On ne sait pas encore si l’acteur a eu la chance de se tailler la part du lion mais au fond, cela n’a pas vraiment d’importance. Ici, l’important est cette forme de reconnaissance que cette participation implique. Car Luke Perry, c’était Hollywood. De bien des façons, il était l’un des visages de cette machine à rêves qui tourne à plein régime depuis les années 50. Pas le plus reconnu, pas le plus respecté non plus, mais l’un des plus reconnaissables assurément…

Luke Perry, cet acteur culte, ce visage incontournable, ce fervent activiste, est mort le lundi 4 mars 2019. Il n’avait que 52 ans…

@ Gilles Rolland

Par Gilles Rolland le 8 mars 2019

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