[CARNET NOIR] Jean-Pierre Bacri a tiré sa révérence

NEWS | 19 janvier 2021 | Aucun commentaire
Jean-Pierre_Bacri_20070411_Fnac_6

Jean-Pierre Bacri est décédé. Quand on a grandi avec un acteur qui nous a fait tant rire, qui nous a tant touché, on n’espère ne jamais avoir à écrire une chose pareille. La nouvelle, tombée comme un couperet, fait mal et laisse un sentiment d’incrédulité.

Né le 24 mai 1951 à Castiglione (aujourd’hui Bou Ismaïl) en Algérie, d’un père facteur et ouvreur de cinéma, Jean-Pierre Bacri découvre très tôt le septième-art. Arrivé à Cannes en 1962, il se destine d’abord à une carrière d’enseignant, avant de monter à Paris à 25 ans pour travailler dans la publicité. En parallèle d’un emploi de placeur à l’Olympia, il suit une formation d’acteur au Cours Simon, tout en écrivant des pièces de théâtre. La même année où il reçoit un prix de la Vocation pour Le Doux Visage de l’Amour, il apparaît pour la première fois à l’écran dans Le Toubib de Pierre Granier-Deferre. En 1982, il est découvert du grand public en jouant le proxénète Jacky Azoulay dans Le Grand Pardon d’Alexandre Arcady (qui le fera tourner un an plus tard dans Le Grand Carnaval). Il joue par la suite pour Claude Lelouch (Édith et Marcel), Diane Kurys (Coup de Foudre, La Baule-les-Pins), Claude Pinoteau (La Septième Cible), Luc Besson (Subway), Gérard Krawczyk (L’Été en Pente Douce), Jean-Pierre Mocky (Les Saisons du Plaisir), Jean-Marie Poiré (Mes Meilleurs Copains) ou encore Yves Robert (Le Bal des Casse-Pieds).

En 1993, il s’impose dans Cuisine et Dépendances (de Pierre Muyl) aux côtés de son épouse Agnès Jaoui, partenaire de jeu et d’écriture avec qui il avait écrit la pièce d’origine. La même année, il co-signe le scénario de Smoking/No Smoking d’Alain Resnais pour lequel il obtient le César du meilleur scénario original ou adaptation. En 1996, il est le bougon Henri Ménard dans Un Air de Famillede Cédric Klapisch, dont il co-signe le scénario et pour lequel il reçoit un deuxième César du meilleur scénario. En 1997, après avoir été l’un des projectionnistes trucidés dans La Cité de la Peur, il retrouve le Nul Alain Chabat qui le dirige et à qui il donne la réplique dans Didier(César du Meilleur Premier Film). Un an plus tard, pour la comédie musicale décalée On Connaît la Chanson d’Alain Resnais, il fait le doublé César du meilleur scénario et du meilleur acteur. S’ensuivent des films comme Place Vendôme de Nicole Garcia avant de retrouver Klapisch pour un petit rôle dans Peut-Être (où il partage l’affiche avec Jean-Paul Belmondo), puis Kennedy et Moi de son ami Sam Karmann. En 2000, il tourne pour la première fois sous la direction de son épouse, avec qui il co-signe encore le scénario. Succès critique et public, Le Goût des Autres, où il retrouve Chabat, reçoit 4 César, dont celui du meilleur film et du meilleur scénario, mais aussi des nominations aux Bafta et aux Oscars. La même année, l’Académie Française décerne à Jean-Pierre Bacri un prix pour l’ensemble de son œuvre. Après Comme une Image en 2004 (pour lequel il obtient le Prix du meilleur scénario au Festival de Cannes), il tourne un troisième film sous la direction d’Agnès Jaoui, Parlez-moi de la Pluie. Bien que Jean-Pierre Bacri et Agnès Jaoui se soient séparés, la réalisatrice retrouvera son acteur fétiche et co-auteur de scénario dans deux autres films : Au Bout du Conte en 2013 et Place Publique en 2018. Alternant films d’auteur et succès publics, Jean-Pierre Bacri est nommé aux César pour Cherchez Hortense de Pascal Bonitzer, le doux-amer La Vie Privée de Monsieur Sim de Michel Leclerc, et l’hilarant Le Sens de la Fête d’Olivier Nakache et Éric Toledano. Il tournera une dernière fois pour le drame choral Photo de Famille de Cécilia Rouaud, plus anecdotique.

Connu pour son personnage d’éternel râleur cynique, toujours servi par des dialogues aux petits oignons, la réplique qui tue au bord des lèvres, Jean-Pierre Bacri était un bon vivant, à l’humour pince-sans-rire, jamais avare en bons mots, fidèle en amitié comme l’attestent ses multiples participations au Burger Quiz. Acteur engagé, de toutes les causes humanitaires, Jean-Pierre Bacri était un homme entier, sincère, qui n’a jamais fait semblant, quitte à faire grincer quelques dents lors des interviews.

C’est avec une infinie tristesse que nous avons appris sa disparition, à l’âge de 69 ans, ce 28 janvier 2021. Le cinéma français vient de perdre un immense acteur et scénariste. Sa gouaille, son regard profond, son sourire malicieux vont cruellement nous manquer. Par ses multiples scènes et dialogues cultes, notre mémoire collective en est marquée à tout jamais.

@ Nicolas Cambon

Par Nicolas Cambon le 19 janvier 2021

Déposer un commentaire

S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires