[Critique] LE LABYRINTHE DE PAN

STARVIDEOCLUB | 6 avril 2012 | 1 commentaire

Titre original : El Laberinto del fauno

Rating: ★★★★½
Origines : Espagne/Mexique
Réalisateur : Guillermo Del Toro
Distribution : Ivana Baquero, Segi Lopez, Doug Jones, Maribel Verdu, Ariadna Gil, Alex Angulo…
Genre : Fantastique
Date de sortie : 1er novembre 2006

Le Pitch :
Peu après la fin de la guerre d’Espagne, Ofélia, une petite fille s’installe avec sa mère chez le nouveau compagnon de cette dernière, un officier de l’armée franquiste, à proximité d’un mystérieux labyrinthe…

La Critique :
Tout d’abord, une correction s’impose ! Le titre original du film se traduit par : Le Labyrinthe du Faune, pas de Pan. Le film n’a pas de rapport avec le Dieu grec Pan et le faune qui y apparaît n’a rien a voir avec lui. Maintenant que c’est fait, attaquons le vif du sujet.

Le film prend ses racines dans les rêves lucides de son réalisateur. Peuplés d’étranges créatures et d’objets particuliers, au cœur de son imaginaire. Guillermo Del Toro est, depuis toujours, un admirateur des monstres et des mondes merveilleux dont ils sont issus et sa filmographie leur fait la part belle. Le Labyrinthe de Pan ne fait pas exception à la règle, mais il nous présente deux styles distincts de monstres. D’un côté les créatures étranges peuplant le royaume souterrain du Labyrinthe, de l’autre les hommes, qui apparaissent sous un jour horrible et infiniment plus dangereux que les entités chthoniennes. En effet comme L’Échine du Diable en son temps, Le Labyrinthe de Pan use du contexte de la guerre civile et de ses conséquences pour mieux nous éclairer sur l’Imaginaire avec un grand I. Car, à la manière d’un Tim Burton, Guillermo est un homme de fantaisie(s) et de fantastique. Il ne cesse à travers toute son œuvre de nous montrer les diverses facettes de son imaginaire, marquant le nôtre au passage. Mais revenons au film.

La petite Ophélie est donc une jeune fille rêveuse confrontée à la violence. Celle de son beau père (interprété par un Sergi Lopez glaçant) notamment, qui a pour mission de lutter contre les maquisards républicains qui se cachent dans les coins reculés de l’Espagne sauvage où se déroule le film (d’où quelques scènes d’escarmouche bien menées). Ofélia papillonne vers ces coins reculés et s’attache à eux, même si la guerre lui échappe, elle se préoccupe bien plus du Labyrinthe voisin de sa demeure. Guidée par un insecte (figure de l’univers de Del Toro s’il en est),elle va à la rencontre d’un mystérieux faune qui voit en elle la fille du roi du Labyrinthe et l’embarque dans une quête lui permettant de retrouver sa vraie famille. Sur le chemin, elle se heurte à l’incompréhension de sa mère, enceinte de l’officier Vidal (Sergi Lopez), et à l’hostilité de ce dernier, l’amenant à se plonger plus profondément dans cet univers étrange. Et c’est le moins que l’on puisse dire, la scénographie et l’esthétique du film trouvant son summum dans ces escapades où le fantastique se heurte à la réalité souvent insoutenable (la scène d’amputation assez impressionnante). Le décor du Labyrinthe, mystérieusement païen, toujours plongé dans les ténèbres et en grande partie souterrain, la forêt, lieu de passage par excellence, etc… Bref la symbolique et le sens des détails rendent le film assez riche et profond. Les monstres en question semblent tout droit sortis d’un conte de fées en mode adulte : l’Homme Blanc est particulièrement impressionnant car aussi repoussant que fascinant, tout comme le Faune. Leur charisme véritablement bestial éclipse d’ailleurs un peu celui des acteurs ”live”. À ce propos, Doug Jones nous livre un excellent travail en donnant vie à deux de ces monstres. On pourrait croire qu’ils seraient plus effrayants que les hommes, aussi mauvais soient-ils, mais il n’en est rien. Del Toro semble vouloir nous faire adopter le point de vue d’Ofélia, en nous donnant envie de croire à cette aventure fantastique, cette fuite dans l’imaginaire. Mais l’aventure n’est pas seulement visuelle. La B.O, basée sur une comptine pour enfants, est particulièrement réussie, simple et toute en immersion. Sergi Lopez nous livre une performance mémorable en véritable machine sans émotion. Ivana Baquero a réussi à convaincre Del Toro malgré quelques réticences de sa part concernant son âge et son physique et elle campe un personnage instantanément attachant car plein d’humanité. Les seconds rôles suivent la cadence et livrent tous une interprétation au cordeau.

Pour ce qui est du fond du film, celui-ci est particulièrement dense. On trouve bien sûr un réquisitoire à l’encontre du fascisme, incarné par l’inhumain Vidal, qui n’est doté d’aucune justification dans le film. Le rapport au temps (notion courante du cinéma de Guillermo) est présent à travers la montre, un objet important. Le rapport à l’imaginaire illustré précédemment dans L’Échine du Diable (avec qui le Labyrinthe partage de nombreux points communs) aussi. L’enfance est ici en opposition avec le monde adulte. L’ambiguïté présente n’a pas lieu d’être pour le réalisateur qui considère que le monde du Labyrinthe est on ne peut plus réel, mais seulement visible par Ofélia, qui est sensible au surnaturel. Car ce qui compte dans ce personnage c’est son humanité. L’homme a besoin de rêver. L’imagination est une nécessité. Elle est même au cœur de ce qui fait l’humanité. L’imaginaire n’est pas non plus idéalisé, mais [SPOILER] il est bien moins effrayant que le monde réel, qui aura finalement raison d’Ofélia et de ses rêves dans le bouleversant final. La vraie folie est celle des hommes déconnectés de ce havre. [FIN DU SPOILER]

Au final, on se trouve face à un petit chef-d’œuvre immersif et émotionnel, véritable déclaration d’amour au cinéma et plaidoyer en faveur de l’imaginaire. En prenant le détour du fantastique, Del Toro nous livre l’un des plus beaux films sur une guerre abominable car fratricide.

@ Sacha Lopez

Crédits photos : Tequila Gang

Par Sacha Lopez le 6 avril 2012

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[…] il s’agit tout de même du type qui a réalisé Blade 2, HellBoy 1 et 2 ou encore le fabuleux Labyrinthe de Pan (entre autres pépites). De quoi s’attendre -et même si Del Toro ne réalise pas- à un […]