[Critique] PREDATOR

STARVIDEOCLUB | 20 août 2016 | Aucun commentaire
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Titre original : Predator

Rating: ★★★★★
Origine : États-Unis
Réalisateur : John McTiernan
Distribution : Arnold Schwarzenegger, Carl Weather, Bill Duke, Shane Black, Jesse Ventura, Elpidia Carrillo, Sonny Landham, Kevin Peter Hall…
Genre : Science-Fiction/Action/Fantastique
Date de sortie : 19 août 1987

Le Pitch :
Un commando des forces spéciales mené par le major Dutch Schaeffer est envoyé au beau milieu de la jungle, en Amérique Centrale, afin de porter secours aux survivants d’un crash d’hélicoptère. Alors qu’ils se déploient sur le terrain, les soldats ne tardent pas à être pris en chasse par une créature invisible qui semble vouloir les décimer jusqu’au dernier…

La Critique :
C’est ainsi que le Predator fit son entrée dans la culture populaire… Par la grande porte, à l’instar de son futur ennemi, le Xénomorphe de la saga Alien, dans un chef-d’œuvre totalement définitif. Et en parlant d’ennemi justement, il est intéressant de constater que beaucoup de scénaristes, au cinéma comme ailleurs, se creusèrent les méninges pour trouver un opposant à la fois crédible et pugnace au Predator, cet extraterrestre amateur de chasses brutales et sauvages. On l’a opposé aux Aliens donc, dans des films pas du tout à la hauteur, et à plusieurs humains. Mais aucun de ces duels, censés faire perdurer la créature au cinéma en lui imposant des défis voulus de plus de plus spectaculaires, ne fut aussi intense et aussi mémorable que celui qui l’amena à se frotter au major Dutch Schaeffer d’Arnold Schwarzenegger. Quand on y repense et quand on revoit ce premier film, il est alors impressionnant de se rendre compte que non seulement ce dernier n’a pas pris une ride, quelque soit le bout par lequel on le prend, mais qu’il s’avère aussi d’une maîtrise tellement parfaite, que n’importe quelle tentative de suite, de reboot ou autre ne pouvait difficilement s’envisager autrement que comme un très probable échec. Et si Predator 2 par exemple, reste une sympathique série B, rien ne lui permet de prétendre à ne serait-ce que venir chatouiller l’élastique de la chaussette du monument de John Mc Tiernan.

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On raconte que tout est parti d’une blague. Une vanne qui réagissait au succès de Rocky IV en imaginant qu’après avoir fait mordre la poussière à un adversaire aussi balèze que le russe dopé aux anabolisants Ivan Drago, Rocky ne pouvait par la suite que botter les fesses à un alien. Une plaisanterie que des scénaristes auraient prise au sérieux en écrivant un film dans lequel la crème de la crème des super-soldats se frotterait à une créature venue d’ailleurs. De fil en aiguille, le projet finit par devenir on ne peut plus concret, notamment sous l’impulsion d’un Joel Silver, déjà en poste sur Commando, qui embaucha John McTiernan pour tenir les rennes de ce qui allait s’imposer davantage comme une relecture fantastique et burnée des Chasses du Comte Zaroff, d’Ernest B. Schoedsack et Irving Pichel.
McTiernan n’avait pour sa part signé qu’un seul long-métrage (Nomads). Au milieu de la jungle, il allait se retrouver à diriger un ancien champion de bodybuilding connu pour avoir incarné Conan et le Terminator, et une escouade d’acteurs badass, dont Sonny Landham, un repris de justice affublé d’un garde du corps chargé de veiller à ce qu’il ne tabasse personne pendant le tournage.
Pas de fond vert pour Predator qui a bénéficié du savoir-faire d’artisans totalement investis, armés de leurs seules compétences et de leur dévorante passion, à l’image de Stan Winston, le concepteur du monstre chasseur, dont le boulot sur ce film en particulier (mais pas seulement vu la carrière du maestro), fait encore aujourd’hui office de modèle absolu. En cela, et pour tout un tas d’autres raisons qui justifieraient l’écriture d’un manifeste en forme de mode d’emploi pour tourner le parfait chef-d’œuvre, Predator est un cas d’école. Une sorte de réussite inattaquable, qui cristallise de manière quasi-miraculeuse un mélange des genres parfaitement dosé.

En 1987, année de la sortie en salle de Predator, l’heure est aux bonnes grosses productions bien bourrinse, emmenées par des acteurs ciselés. Les super-héros n’ont bien entendu pas encore envahi les écrans. Les exploits que Stallone, Schwarzenegger et consort accomplissent dans les multiplexes captivent les foules tandis que s’affirme un modèle amené à se poser comme la référence ultime en la matière. En 1987 donc, Rambo et Braddock ont déjà refait la guerre du Vietnam plusieurs fois et ramené au pays un paquet de prisonniers. Arnold lui-même a aussi gagné ses galons à la force de ses bras, devenant à l’instar de Sly un des piliers d’une contre-culture burinée parfois détournée en faveur de la grandeur d’une Amérique conquérante sur tous les fronts. D’une certaine façon, Predator synthétise tout cela. La horde sauvage de soldats à qui on ne la fait pas est à elle seule une représentation brutale mais viciée de tout ce que le public a vu précédemment dans ce style de production. Un tableau volontairement exagéré, boosté à la testostérone. Schwarzenegger étant pour sa part exploité à sa juste valeur dans un rôle taillé sur mesure. On retrouve même Carl Weather, que les fans identifiaient jusque-là via son incarnation d’Apollo Creed dans les Rocky. Un détail qui fait pourtant la différence entre un film d’action de studio lambda et celui-ci, c’est l’adversaire (entre autres choses). Le commando de Dutch ne vient pas réécrire l’Histoire pour la grandeur de l’Oncle Sam mais au contraire se prendre une déculottée sévère face à un assaillant pour sa part parfaite illustration d’un revers de la médaille violent. Au début du récit, les personnages nous sont présentés comme des vainqueurs. Comme des types qui quoi qu’il arrive s’en sortent toujours vivants, en prenant bien soin d’asséner une punchline bien sentie alors même que pleuvent les balles ou les coups de poings dans les dents. Chacun représente une facette de l’action man. Au fur et à mesure que les minutes s’écoulent et que le Predator fait son office, McTiernan déconstruit un schéma qu’il remodèle suivant ses propres contours. C’est notamment pour cela que si il prend à revers beaucoup plus de clichés que prévu, le long-métrage peut tout aussi bien s’entrevoir comme un bon vieux trip bourrin des familles. Il y a ici largement matière à interprétation mais ce n’est absolument pas obligatoire non plus. On peut profiter du show.

On soulignait plus haut le mélange des genres car c’est bien de cela dont il s’agit. Predator impose un cocktail parfait et vient se positionner au carrefour du film d’action, de l’horreur pure et dure (tous les codes du slasher sont là), de la science-fiction, du fantastique en prenant soin d’égrainer, avec un savoureux second degré, un humour salvateur lui aussi grandement responsable du caractère inoxydable de l’ensemble. De l’attaque du camp ennemi, avec son Schwarzie qui balance un « aiguise-moi ça » à un type avant de lui planter un couteau dans le bide, au fameux « si il peut saigner, on peut le tuer », cette œuvre fondatrice regorge de répliques cultes. Même les vannes lancées par le personnage incarné par Shane Black sont le synonyme d’une volonté de détruire un schéma préétabli pour le reconstruire suivant des critères à double-tranchant. Les niveaux de lecture sont nombreux. Qu’on pousse la réflexion ou non et même sans forcément s’en rendre compte. C’est d’ailleurs pour cela que le film vieillit aussi bien et n’a à ce jour jamais été surpassé dans sa catégorie.

Sur la papier, Predator avait tout pour devenir une pierre angulaire du cinéma d’action américain. Pour autant, c’est bel et bien aussi car il s’impose comme une totale réussite visuelle qu’il a acquis ce statut instantanément après sa sortie. L’association à la base du projet ayant à la fois quelque chose de profondément évident et même d’un peu magique. Même si à l’époque, notamment en ce qui concerne McTiernan, qui n’avait pas vraiment fait ses preuves, la chose n’avait rien d’évident. À tel point qu’il ne soit pas déraisonnable de considérer le film comme la plus grande réussite du réalisateur, qui a pourtant enchaîné les chefs-d’œuvre pendant un moment à la fin des années 80 et au début des années 90.
John McTiernan a fait preuve d’une maestria incroyable sur tous les plans. Il a exploité chaque ligne du scénario pour planter un décors ambitieux et nourrir une tension croissante, avant de nous offrir l’un des plus beaux et iconiques climax de l’Histoire du cinéma, avec notamment cette image inoubliable d’Arnold perché sur son promontoire, une torche à la main, en train de pousser un hurlement en forme d’invitation à la baston, à l’encontre d’un Predator jusqu’au-boutiste. De toute façon, c’est bien simple : la dernière séquence, à savoir le duel entre Dutch et le Predator n’est qu’une ahurissante succession de vignettes hyper marquantes. Des séquences qui poussent tellement loin le concept de base, qu’elles ne peuvent que dégager une force que peu de réalisateurs peuvent se targuer d’avoir su canaliser ou même ne serait-ce qu’engendrer dans leurs œuvres.

Arnold Schwarzenegger ne pouvait pas rêver mieux qu’un tel film pour entériner son image de superstar du cinéma d’action. Son personnage devenant au fil de l’histoire l’incarnation suprême d’une figure maintes fois exploitée mais presque jamais de façon aussi poussée. Son combat homérique avec le Predator nécessite qu’il laisse de côté les armes pour revenir à un style d’affrontement tribal, où l’intelligence compte au moins autant que les muscles. Du coup, l’acteur doit puiser dans des réserves qui lui offrent l’opportunité de se mettre à nu et de revenir à une démarche viscérale presque théâtrale. Arnold est dans la pure performance. L’expression sèche d’une force qui le symbolise dans son ensemble, mais qu’il sait aussi exploiter pour venir nourrir d’autres aspects de sa démarche.
Les autres comédiens, Jesse Ventura, Bill Duke, Carl Weather et compagnie venant alimenter la puissance de la métaphore que nous livre Predator en contribuant à venir l’ancrer un peu plus dans une dynamique identifiable aux yeux du public.
On peut aussi souligner l’importance cruciale de la seule femme de l’histoire, incarnée par Elpidia Carrillo. Une comédienne qui écope d’un rôle beaucoup plus crucial que dans n’importe quelle autre production du genre, vu que c’est d’elle que vient la solution et qu’elle impose un autre point de vue, indispensable à l’immersion et à la compréhension de tous les éléments.

Œuvre maîtresse d’une richesse visuelle incroyable, au propos novateur et percutant, Predator fait partie du club très fermé des films parfaits. De ceux qui ont su prendre des risques en capitalisant sur leur audace pour offrir quelque chose d’inédit, dont l’une des facultés les plus spectaculaires est de continuer à fasciner au fil des visionnages. Il suffit de regarder ce qui se faisait à l’époque. Tout spécialement en matière de science-fiction et de film d’horreur. Combien de créatures, par exemple, peuvent se targuer d’être aussi effrayantes et charismatique que le Predator ? Combien de productions estampillées 80’s font montre d’effets-spéciaux aussi convaincants ? Qui peut se vanter d’avoir réussi à gérer tous les aspects d’une production design inventive et efficace ? Des questions qui en appellent une autre, plus générale : combien de films sortis à l’époque peuvent rivaliser, ne serait-ce que d’un point de vue strictement formel, avec ce qui se fait aujourd’hui ?
Là est la marque des grands. De ceux qui frappent dur malgré le poids des années. Predator a ce pouvoir de mettre K.O.. Pour toutes les raisons évoquées ici, mais aussi pour beaucoup d’autres, qui tiennent aux ressentis provoqués par cette mémorable course-poursuite dans la jungle à l’orée de nos peurs les plus profondes, qui comblent nos espérances de cinéphiles les plus déraisonnables.

@ Gilles Rolland

Predator-cast-1987  Crédits photos : 20th Century Fox/Capricci Films

Par Gilles Rolland le 20 août 2016

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