[Critique] À LA POURSUITE DE DEMAIN
Titre original : Tomorrowland
Rating:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Brad Bird
Distribution : Britt Robertson, George Clooney, Raffey Cassidy, Hugh Laurie, Tim McGraw, Kathryn Hahn, Keegan-Michael Key, Chris Bauer, Judy Greer…
Genre : Science-Fiction/Aventure/Fantastique
Date de sortie : 20 mai 2015
Le Pitch :
Casey, une jeune femme aussi brillante qu’optimiste, entre en possession d’un mystérieux badge, ayant le pouvoir de lui faire entrevoir Tomorrowland, un endroit hors du temps et de l’espace. Alors qu’elle tente de comprendre de quoi il retourne, Casey rencontre Frank, un inventeur de génie, qui fut autrefois lui aussi plein d’illusions. Ensemble, ils vont essayer de percer les secrets de Tomorrowland et découvrir ainsi le lien qui unit ce monde au notre…
La Critique :
Connu pour avoir réalisé Le Géant de Fer, Les Indestructibles, Ratatouille, mais aussi Mission : Impossible – Protocole Fantôme, Brad Bird jouit d’une réputation sans faille auprès d’un public qui a reconnu en lui l’un des génies visionnaires de son époque, capable d’emballer des blockbusters intelligents, à la fois complexes et évidents, et remarquablement spectaculaires. Il est presque normal que Bird fut alors envisagé pour reprendre en main la saga Star Wars, avant que le projet ne tombe entre les mains de J.J. Abrams. Pourtant, Brad Bird s’est payé le luxe de refuser l’offre de Disney. Pas pour partir chez la « concurrence », mais bel et bien pour aller jusqu’au bout de son curieux projet, articulé autour d’une section des parcs à thème Disneyland du monde entier…
À la Poursuite de Demain, alias Tomorrowland, est ainsi inspiré d’une série d’attractions Disney. Oui, comme Pirates des Caraïbes… Cela dit, rien à voir entre les deux films. Au niveau du fond bien évidemment, mais aussi pour ce qui est de la forme et des intentions, très éloignées de ce qui sort aujourd’hui de l’usine aux grandes oreilles et plus globalement de l’industrie cinématographique tout court. Si le cinéaste a dit non à quelque chose d’aussi énorme que Star Wars et par là même, à un succès assuré, c’est pour de très bonnes raisons. Une décision traduisant l’intégrité et l’aspect visionnaire de Bird, qu’il faut saluer tant À la Poursuite de Demain porte la marque des grands et s’impose comme une œuvre unique en son genre. Un long-métrage un peu coincé dans un calendrier des sorties riche en mastodontes, Mad Max : Fury Road et Avengers : L’Ère d’Ultron en tête.
Il y a un vrai risque de se retrouver un peu décontenancé devant le nouveau film de Brad Bird. Ce qu’il faut comprendre par là, c’est que ce dernier ne fait pas vraiment de concessions et ravive avec une maestria en somme toute assez rare, la magie de Walt Disney et plus généralement des grandes œuvres de divertissement d’antan, sans jamais céder aux canons plus modernes qui règnent aujourd’hui sur le monde des blockbusters. Avec À la Poursuite de Demain, Brad Bird développe en quelque sorte les thématiques déjà au centre de son extraordinaire Géant de Fer, et rend hommage, à grand renfort d’illustres références remarquablement assimilées, à une époque bel et bien révolue, mais encore présente dans les esprits. Les plus âgés retrouveront à coup sûr l’essence des films d’antan, d’où le cynisme était totalement absent, tandis que les plus jeunes découvriront une autre manière de faire des films et in fine, d’entrevoir le divertissement sous un jour nouveau.
En utilisant la technologie la plus aboutie et un budget plus que confortable, Brad Bird donne corps à des fantasmes spectaculaires. Dès les premières scènes, À la Poursuite de Demain, qui prend précisément pied dans un parc Disney, rameute tout un tas d’éléments rattachés à un inconscient collectif bien précis. Que l’on parle de ces gros robots, du jet pack du petit héros, ou de l’architecture de Tomorrowland, tout dans ce long-métrage encourage le retour de codes visuels propres à la science-fiction des années 50. Le futur du film répond lui même à la vision que l’on se faisait de l’avenir à cette époque là. Un temps où, comme le dit le personnage de George Clooney au début de l’histoire, l’avenir n’était pas encore marqué par un pessimiste inhérent aux catastrophes et autres crises économiques. Le « demain » du joli titre français de Tomorrowland ne désigne pas tout à fait notre futur, mais celui, plus harmonieux et enchanteur, imaginé par les auteurs des années d’après-guerre, quand tout permettait de croire que l’Homme allait profiter de la paix pour ne pas reproduire les mêmes erreurs et se construire un avenir brillant.
Quand le film revient à notre époque, on commence à comprendre où Brad Bird et son coscénariste, le très controversé Damon Lindelof, veulent en venir. Conte fédérateur, À la Poursuite de Demain se caractérise par l’espoir qu’il apporte. Sans naïveté et sans ignorer les problèmes modernes qui encouragent à ne pas croire en l’avenir, mais en ravivant d’anciennes idées, porteuses d’un optimiste frondeur.
À la Poursuite de Demain aborde ainsi le voyage dans le temps, soit LA thématique fétiche de la science-fiction, et l’utilise à des fins narratives très originales. Sur un plan strictement visuel, mais aussi et surtout au niveau du récit, qui se voit sans cesse rythmé par des rebondissements remarquablement bien amenés et jamais ô grand jamais opportunistes. Déconcertant, le long-métrage l’est donc assurément, mais toujours dans le bon sens. Pour une fois, un blockbuster arrive à vraiment surprendre. Brad Bird prend des risques en permanence. Il pousse la naïveté chère au cinéma de Spielberg par exemple, jusque dans ses derniers retranchements et fait souffler un grand vent de fraîcheur sur un genre qui attendait désespérément qu’une telle chose se produise. Tour à tour drôle et spectaculaire, virevoltant, rythmé à la perfection, intelligent et concerné, À la Poursuite de Demain est aussi furieusement émouvant. Il vient titiller quelque chose de bien précis en chacun de nous et touche sa cible avec une puissance inouïe, si tant est que l’on accepte de se laisser porter.
Quelle brillante idée d’avoir donc rameuté George Clooney ! Ce dernier, on le sait, est très concerné par les problématiques de son époque et son rôle joue précisément la dessus. Bird lui offre un personnage à sa mesure qui table également sur le côté très vintage d’un acteur que l’on a souvent comparé aux grands, Cary Grant en tête. Bien sûr, Clooney est parfait. Tout en nuances, à mi-chemin entre l’inventeur farfelu, le sage et l’ours mal léché, il fait des merveilles et caractérise presque à lui tout seul la totalité des intentions du film. Britt Robertson quant à elle, débutante vue dans la série Under the Dome, incarne le futur. Le demain du titre. Pétillante, elle renvoie aux héros des productions d’antan et se fond merveilleusement bien dans un univers qui repose en grande partie sur ses frêles épaules. Idem pour la totalité du casting. À la Poursuite de Demain n’utilise pas ses acteurs pour leur seule belle gueule, mais justifie leur présence. Hugh Laurie par exemple est là pour une bonne raison et jamais, nous ne sommes tentés de regretter qu’un autre ne soit à sa place (c’est la même chose pour les autres rôles). Brad Bird justifie avec un naturel confondant tous ses choix, et tant pis si il nage à contre-courant d’une industrie parfois un peu trop déconnectée de l’essence d’un divertissement vintage qui a pourtant fait ses preuves.
L’espoir est au centre d’À la Poursuite de Demain. Sans chercher l’originalité, le film l’a trouve. Il parle aussi du dépassement de soi et de l’importance de croire en ses rêves, mais le fait différemment. En soi, Brad Bird n’invente rien, mais mélange les époques et ses références et livre une sorte d’hybride hors du temps. Un peu comme Tomorrowland, ce lieu magique insaisissable et pourtant à la portée d’un monde qui a tout simplement oublié l’importance de garder le sourire.
Plus qu’un grand film, À la Poursuite de Demain est un film utile. Indispensable même. Un formidable voyage que Jules Vernes n’aurait pas renié, aux séquences d’anthologie mémorables (La Tour Eiffel !!!). Une nouvelle illustration du talent de Brad Bird, alias ce génie qui refusa de se plier aux règles en vigueur pour explorer une ancienne autoroute laissée à l’abandon. 2 heures durant, il s’évertue à nous montrer une autre voie à suivre. De la plus merveilleuse des façons.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : The Walt Disney Company France