[Critique] ALL ABOUT ALBERT

CRITIQUES | 26 mars 2014 | Aucun commentaire
All-about-Alber-enough-said-affiche-France

Titre original : Enough Said

Rating: ★★★★☆
Origine : États-Unis
Réalisatrice : Nicole Holofcener
Distribution : Julia Louis Dreyfus, James Gandolfini, Catherine Keener, Toni Collette, Tavi Gevinson, Ben Falcone, Tracey Fairaway, Eve Hewson, Toby Huss…
Genre : Comédie/Drame/Romance
Date de sortie : 26 mars 2014

Le Pitch :
Mère divorcée, Eve redoute le départ de sa fille pour l’université. Partagée entre ses amis et son métier de masseuse, Eve rencontre Albert, lui-même divorcé, lors d’une soirée. Le courant passe rapidement entre eux, qui se voient fréquemment et finissent par entamer une relation amoureuse. Cependant, Eve doute. Tout particulièrement à cause de Marianne, une de ses clientes, dont le passe-temps favori consiste à se plaindre de son ex-mari…

La Critique :
C’est en observant Woody Allen que Nicole Holofcener s’est en quelque sorte éveillée au cinéma. Son beau-père étant le producteur du cinéaste new-yorkais, elle assiste aux tournage de Woody et les Robots et de Prends l’oseille et tire-toi et bosse comme assistante de production sur Comédie érotique d’une nuit d’été, avant d’officier en tant qu’apprenti-monteuse sur Hannah et ses Sœurs.
Logique que les films qu’elle écrit et qu’elle réalise quelques années plus tard, témoignent de cet apprentissage aux côtés d’un virtuose des mots. À l’instar d’Allen, Nicole Holofcener se pose comme une observatrice de ces petits moments de l’existence que d’autres considèrent comme trop anecdotiques pour s’y intéresser. Elle soigne ses personnages, ne cherche pas le sensationnel et œuvre à tisser une filmographie en connexion directe avec la « vraie vie ». Comme dans l’attachant Friends with money, qui offrait à Jennifer Aniston l’un de ses meilleurs rôles, et comme dans All About Albert, son dernier film en date.

C’est donc sur une situation pour le moins « ordinaire » (dans le bon sens du terme) que se base All About Albert : celle dans laquelle une quadragénaire se retrouve, alors que sa fille s’apprête à quitter le nid pour aller à la fac. Une quadra divorcée depuis une dizaine d’années qui se retrouve seule, avec ses rares amis et son boulot. On s’en doute, l’amour est un problème pour cette femme active, qui redoute de s’engager dans ce qu’elle considère potentiellement comme une voie de garage à sens unique. Sa rencontre avec Albert, un homme du même âge dans la même situation qu’elle, va tout changer.
La force du long-métrage écrit et réalisé par Nicole Holofcener est d’arriver à fédérer tous les publics autour des questions soulevées par Eve, le personnage incarné avec brio par Julia Louis-Dreyfus. Transfuge de la série culte Seinfeld, actuellement dans Veep, un autre carton de la télévision américaine, Julia Louis-Dreyfus embrasse son rôle avec un naturel confondant. Sa personnalité confère à cette mère légèrement aux abois un côté pétillant qui n’est pas étranger à la réussite flamboyante de l’ensemble. Sa relation avec Albert, alias James Gandolfini, fait le reste.
Au départ, Eve est seule. Le décors se pose tranquillement, l’identification se fait tout aussi naturellement. Vient ensuite Albert et le film de prendre une nouvelle direction, qui lorgne un peu du côté du vaudeville, avant même que le récit n’ait eu le temps de s’essouffler.

Quelles que soient ses qualités évidentes, All About Albert restera comme l’un des derniers films de James Gandolfini. Tragiquement disparu en juin 2013, Gandolfini prouve ici à quel point il fut sous-estimé, du moins lors de la première moitié de sa carrière, en campant un personnage très éloigné des rôles dans lesquels nous avions l’habitude de le voir. À des lieues du tueur de True Romance par exemple et plus proche de son personnage dans Welcome to the Riley. Proche également de Tony Soprano, quand celui-ci se retrouvait face à sa psy et mettait de côté les apparats du mafieux craint de tous. Dans un premier temps réticente, Nicole Holofcener avoue avoir été bluffée par la propension de Gandolfini à embrasser ce rôle. Un rôle sensible, délicat et remarquablement écrit. Deuxième moitié d’une mécanique, Albert trouve chez Eve un écho. Dans l’humour, dans un premier temps, et partout ailleurs, quand l’amour s’en mêle, même si la vie et le hasard finissent par s’incruster afin de mettre cette romance naissante à l’épreuve.
Impressionnant, James Gandolfini trouve ici l’un de ses meilleurs rôles. Touchant, il illustre, sans forcer, une compréhension totale de son personnage, sans jamais hésiter à tomber le masque et à faire parler son cœur. Et là encore, sans jamais en faire des caisses.

À la fois drôle, notamment dans ses répliques soulignant une plume vive, et terriblement émouvant, All About Albert repose sur une mise en scène paisible, qui embrasse d’une certaine façon les codes des meilleures séries télé américaines. Sans chercher à provoquer le rire ou les larmes à tout prix, Nicole Holofcener fait ce qu’elle sait faire de mieux et le fait bien. Sans se soucier des clichés, car après tout, la vie est faite de clichés, elle aborde des thèmes forts car communs à tous, comme les relations père/mère-fille, la vie de couple, et la nécessité de rebondir quand la vie nous impose un virage difficile à négocier.
Habité de performances à fleur de peau de la part d’une équipe de comédiens touchés par la grâce (Catherine Keener, Toni Colette, Ben Falcone…), le film repose bien sûr en grande partie sur son duo vedette. Un couple qui fonctionne à plein régime, pour le coup bien loin des canons hollywoodiens. Un tandem glamour et ultra attachant qui, à l’image de cette dernière séquence, est amené à s’inscrire dans les plus belles pages du cinéma indépendant américain. Une ultime scène qui puise aussi, malgré elle, son émotion dans le fait qu’il s’agit là de l’une des dernières de James Gandolfini. On réalise alors vraiment que le géant a tiré sa révérence et que désormais, il faudra faire sans lui…

@ Gilles Rolland

All-about-albert-James-Gandolfini-Julia-Louis-DreyfusCrédits photos : 20th Century Fox France

Par Gilles Rolland le 26 mars 2014

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