[Critique] BIS

CRITIQUES | 1 février 2015 | Aucun commentaire
bis-poster

Rating: ★★½☆☆

Origine : France
Réalisateur : Dominique Farrugia
Distribution : Franck Dubosc, Kad Merad, Alexandra Lamy, Gérard Darmon, Julien Boisselier, Anne Girouard, Eden Ducourant…
Genre : Comédie/Fantastique
Date de sortie : 18 février 2015

Le Pitch :
Éric et Patrice sont amis depuis le lycée. Avec le temps, ces deux quadragénaires ont pris des chemins radicalement différents et restent plutôt frustrés. Éric est un séducteur sans attaches, tandis que Patrice, gynécologue de renom, est plutôt posé, père d’une adolescente, avec une vie bien réglée. Lors d’une soirée arrosée, les deux hommes sont accidentellement projetés en 1986, alors qu’ils n’ont que 17 ans. Un retour dans le passé aussi inexplicable qu’idéal pour tenter de réparer des erreurs qui pourraient charger leur existence à tout jamais…

La Critique :
Peggy Sue s’est mariée, 17 ans encore, La Machine à démonter le temps (Hot Tub Time Machine)… Trois films parmi d’autres auxquels le nouveau Farrugia fait furieusement penser. Et pour cause : tous racontent la même histoire en adoptant le même concept. Si on rajoute à cela des œuvres proches comme Big, avec Tom Hanks, ou 30 ans sinon rien, avec Jennifer Garner, sans oublier pourquoi pas Freaky Friday, avec Jamie Lee Curtis et Lindsay Lohan, dont les dynamiques évoquent elles aussi celle de Bis, la coupe est pleine. D’ailleurs, pas la peine d’aller chercher bien loin pour trouver quelque chose de similaire. Il suffit pour cela de rester en France et de régler la machine à remonter le temps sur septembre 2012, pour se retrouver en face de Camille Redouble, de et avec Noémie Lvovsky. Un film dans lequel une femme se retrouvait projetée 25 ans en arrière, avec l’opportunité de se donner une seconde chance.
Le retour dans le temps, qu’il soit utilisé à la manière de Camille Redouble ou de Peggy Sue s’est mariée, ou comme dans Retour vers le Futur, est un thème porteur et relativement facile à modeler, histoire de lui conférer les thématiques souhaitées, auxquelles on peut tout aussi aisément greffer de multiples références plus ou moins jubilatoires. On peut donc comprendre que Dominique Farrugia ait choisi de prendre le risque de se frotter aux cadors du genre, avec ses deux potes frustrés, mais force est néanmoins de constater que son film trahit une sorte de nonchalance manifeste, lui qui reste globalement inférieur à tous ses modèles. Le problème venant tout particulièrement du fait que Bis fait plus que rappeler d’autres longs-métrages : il ne cesse de souligner son manque d’originalité. Impossible de faire autrement que de se dire que tel ou tel truc sent le déjà-vu, et impossible de ne pas penser que l’ex-Nuls n’a fait que copier chez le voisins, en remixant à peine des idées déjà franchement éculées. Surtout quand on connaît l’amour du cinéaste pour le cinéma américain populaire. Farrugia a certainement vu La Machine à démonter le temps et Peggy Sue, et il est difficilement concevable de l’imaginer en train de se dire que Bis allait révolutionner le genre qu’il attaquait de front, la fleur au fusil.

Bis-Merad

Mais justement, il s’agit de Dominique Farrugia. Il serait dommage de regarder de haut sa nouvelle livraison sans tenter de comprendre ce qui a motivé cette démarche et sans s’ouvrir suffisamment pour en apprécier les multiples qualités. L’homme aime le cinéma et on peut imaginer qu’il a décidé de prendre le risque de se frotter à ces illustres références, pour livrer au final une interprétation personnelle. Après tout, le sujet est porteur et supporte de multiples visions.
Malheureusement, le constat est en demi-teinte…
Avec ses deux stars du box-office hexagonal, Bis ressemble de prime abord à n’importe quelle grosse machine franchouillarde, façonnée pour cartonner au box office. L’audace dans Bis, il faut bien la chercher et rien ne garantie qu’on va la trouver. Le twist qui consiste à expédier les deux héros dans le passé est plutôt vite emballé avec son histoire ultra classique de rédemption et sa morale convenue. Rien dans le fond ne justifie vraiment le projet. Bis gagne par contre ses galons dans les clins d’œil et dans la forme. La reconstitution des années 80 est ainsi plutôt soignée et la nostalgie que dégage le film est indéniable. À plus forte raison si on a vécu en 1986. On s’amuse au détour d’une pub, avec ses objets rétro et avec une bande son à cheval entre les hits bien de chez nous et ceux qui ont universellement rythmé les années 80. Les dialogues également, sont plutôt sympathiques. Eux aussi très référentiels, ils s’avèrent pour la plupart inspirés et contribuent à rythmer un film convenu au capital sympathie indéniable.
Côté comédiens, Franck Dubosc remporte la palme. Plutôt mesuré, il n’en fait jamais trop et reste celui qui insuffle l’émotion au métrage, avec son personnage attendrissant et pétri de regrets, alors que celui de Kad Merad inspire la plupart du temps une sorte de mépris, lui qui veut envoyer bouler sa femme et sa gosse, pour profiter de son retour dans le passé pour s’envoyer un max de nanas et mener une vie plus rock and roll. Merad qui a, de plus, l’air moins concerné que Dubosc, même si il est donc évident que son personnage reste beaucoup moins intéressant que celui de son collègue.
Cependant, le duo fonctionne. Suffisamment en tout cas pour rendre les gags principaux assez drôles. Tout particulièrement quand les deux potes essayent de refourguer des pitchs de films connus (Les Visiteurs, Intouchables ou encore Bienvenue chez les Ch’tis) ou des chansons populaires, pour se les approprier et ainsi faire plier à leur convenance un futur qu’il sont en mesure de changer.

Bis a un peu le cul entre deux chaises. Super classique, il suit à la lettre des codes stricts qui nous rappellent sans cesse à quel point le projet manque de sel. Parfois, Farrugia insiste tellement, qu’il semble lui-même affirmer que son dernier né n’est que le fruit d’un délire ultra référentiel destiné à rendre un modeste hommage plutôt qu’à proposer quelque chose de neuf. L’humour fait parfois mouche mais très vite, Bis rentre dans les rangs et suit une trame propre aux comédies américaines les plus conventionnelles. Prévisible, le film manque aussi d’énergie et se repose sur les lauriers d’autres œuvres. Loin d’être déshonorant, il fait donc plutôt office de gentille déclinaison un peu anecdotique. Bis passe comme une lettre à la poste, mais n’est pas amené à rester dans les esprits. Trop sage, il aurait gagné à jouer sur l’outrance, quitte à peut-être en faire trop, à l’instar du jubilatoire La Machine à démonter le temps. L’excès lui aurait permis de démontrer d’une prise de distance par rapport à son concept de base. À la place, il joue la sécurité. Il veut fédérer à tout prix et c’est dommage. De plus, avec son pitch très américain, il souligne au passage l’un des gros travers du cinéma français : débouler avec 20 ans de retard, avec de vieilles idées à peine maquillées, afin de nous vendre du prétendu neuf. Le titre prend gagne alors un double-sens malheureux…
En 1986 sortait au États-Unis, Peggy Sue s’est mariée de Francis Ford Coppola. 29 ans plus tard déboule Bis et rien n’a changé…

@ Gilles Rolland

Bis-Dubosc-MeradCrédits photos : EuropaCorp

 

Par Gilles Rolland le 1 février 2015

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