[Critique] DADDY COOL

CRITIQUES | 12 juillet 2015 | 1 commentaire

Titre original : Infinitely Polar Bear

Rating: ★★★★☆
Origine : États-Unis
Réalisatrice : Maya Forbes
Distribution : Mark Ruffalo, Zoe Saldana, Imogene Wolodarsky, Ashley Aufderheide, Beth Dixon…
Genre : Drame/Comédie
Date de sortie : 8 juillet 2015

Le Pitch :
Cameron Stuart est bipolaire. Une maladie qui, dans les années 70, n’est pas encore tout à fait comprise et qui fait passer ceux qui en souffrent pour de gentils excentriques. Ce qui n’a pas empêché ce père de famille de s’isoler. Sans travail ni perspectives d’avenir bien particulières, il voit son quotidien bouleversé lorsque sa femme, de laquelle il est plus ou moins séparé, lui demande de s’occuper de leurs deux petites filles à plein-temps, afin qu’elle puisse reprendre ses études à plusieurs kilomètres de là et espérer pouvoir décrocher un travail mieux payé. Une grande aventure commence alors pour Cameron et ses enfants…

La Critique :
Quelqu’un a dit un jour, au sujet du métier d’écrivain : « écrivez sur ce que vous connaissez. »
Un sage conseil qu’a appliqué Maya Forbes à l’occasion de son premier long-métrage, qui revient donc sur son enfance dans les années 70/80, aux côtés d’un père bipolaire.
Sujet casse-gueule s’il en est, la maladie mentale donne souvent lieu à de bons gros mélos dégoulinants. Les pièges sont nombreux, tout comme la tentation d’appuyer le propos. Daddy Cool, malgré son titre français un peu à la ramasse (on a l’habitude ce n’est pas grave), évite justement tous les pièges. Le fait qu’il se « contente » de raconter une période précise de la vie de la réalisatrice/scénariste lui interdit d’emblée de trop extrapoler ou de tenter d’expliquer telle ou telle chose en sortant du cadre. Là est la principale qualité de cet excellent film : ne pas chercher à forcer les larmes, le rire ou l’apathie et tracer sa route. Au final, cette histoire douce-amère fait montre d’une belle (et rare) authenticité et s’impose comme une jolie réflexion plus complexe qu’il n’y paraît, sur les troubles mentaux, mais aussi sur la famille, l’enfance et le couple.

Daddy-Cool-Zoe-Saldana-Mark-Ruffalo

Mark Ruffalo fait partie de ses comédiens qui parviennent à jongler très naturellement entre les blockbusters et les petites productions indépendantes. Avengers d’un côté, Foxcatcher de l’autre. Insaisissables, puis New York Melody. Ruffalo est aussi à son aise dans les pompes de l’incroyable Hulk que dans celle d’un type ordinaire confronté à des problèmes ordinaires. Quelques plans de Daddy Cool suffisent ainsi à faire oublier le Docteur Bruce Banner et ses problèmes de self-control. Ici plutôt vulnérable, en proie à un mal incompris par une société encore peu encline à considérer les maladies mentales (le film se déroule en 1978), l’acteur est formidable. Parfait quand il s’agit de mixer des émotions complexes pour au final brosser des personnages attachants et profonds, il fait des merveilles dans les pompes de ce père de famille aimant mais maladroit, lui même immature au possible, plein de rêves et de contradictions. En toute logique, c’est sur lui que l’intrigue se focalise. Sur sa difficulté à se gérer lui-même et à assurer son rôle de père, en l’absence de la mère, partie au loin pour décrocher un diplôme afin d’améliorer un niveau de vie au plus bas.
Dans le rôle, Zoe Saldana se fond elle aussi parfaitement dans un décors auquel elle injecte une émotion à fleur de peau. Mère courage confrontée aux difficultés d’une époque où les femmes n’avaient souvent pas le droit de prétendre à de trop grandes ambitions, son personnage est une sorte d’ancre dans la vie d’un père de famille qui parfois, part à la dérive. Actrice capable d’incarner une grande variété de rôles, sans se départir d’un charisme hallucinant, Zoe Saldana démontre une nouvelle fois, après des films aussi différents que Les Brasiers de la Colère ou Les Gardiens de la Galaxie, l’étendue de son immense talent.
Bien entendu, les enfants sont ici omniprésents. L’importance de caster des actrices spontanées était donc cruciale. Frondeuse, Maya Forbes a imposé sa fille. Parfaite, cette dernière fait preuve de l’authenticité propre à ces amateurs qui se révèlent devant la caméra. Un peu à la façon des filles de Judd Apatow et de Leslie Mann dans 40 ans : Mode d’Emploi, la jeune comédienne impressionne en permanence, à l’instar de sa coéquipière, elle aussi franchement incroyable.
Sans vouloir se la jouer pro-américain, il est quand même impressionnant de constater que les films yankees savent souvent impeccablement mettre en scène les enfants. Ici tout particulièrement, grâce à une direction d’acteurs pertinente et discrète, permettant une authenticité constante dans la représentation d’un noyau familial éclaté.

Le quotidien que brosse Maya Forbes, à la fois douloureux, doux et émouvant, parfois émotionnellement brutal, mais jamais complaisant, touche en plein cœur. Ses dialogues, jamais forcés, son humour, souvent dévastateur, et ses ruptures de ton, justes au possible, permettent à Daddy Cool de proposer une palette d’émotions à laquelle il est difficile de ne pas succomber. Finalement plutôt loin du schéma classique du film indépendant estampillé Sundance, même si certaines ficelles restent présentes, il réussit ou tant d’autres ont échoué. Caractérisé par la tendresse qu’il porte à ses personnages, tout spécialement au père, pourtant décrit sans complaisance, ce long-métrage exemplaire s’apparente à une belle déclaration d’amour et s’avère du même coup être un beau moment de cinéma. De ceux qui prennent par surprise, qui serrent le cœur et qui restent longtemps en tête après la fin de la projection.

@ Gilles Rolland

Daddy-CoolCrédits photos : Bac Films

 

Par Gilles Rolland le 12 juillet 2015

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