[Critique] DEATH METAL ANGOLA
L’Étrange Festival 2013
Titre original : Death Metal Angola
Rating:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Jeremy Xido
Distribution : Sonia Ferreira, Wilker Flores…
Genre : Documentaire/Musique
Date de sortie : indéterminée
Le Pitch :
Laminé par des décennies de guerre civile, l’Angola essaye tant bien que mal de panser ses blessures. À Huambo, ville située au cœur du pays et dans un orphelinat qu’ils gèrent eux mêmes, vivent Sonia Ferreira et son compagnon Wilker Flores. Wilker est un fou de rock et un guitariste/chanteur de death metal. Avec le soutien d’une poignée de passionnés, il tente d’organiser le premier festival de Rock Metal à Huambo.
La Critique :
Le réalisateur de ce documentaire, Jeremy Xido, est un artiste américain, danseur et perfomer. Au départ, il est venu en Angola pour réaliser un documentaire sur les chemins de fer et parcourait donc le pays de long en large pour y dénicher des informations.
C’est dans un bar paumé et complétement au hasard qu’il a rencontré Wilker, ce dernier lui apprenant qu’il était un musicien de death metal et que si il ne savait pas qu’était ce style de rock, il lui donnait rendez-vous quelques heures plus tard pour une petite « initiation ».
Xido à donc retrouvé Wilker quelques heures après, en pleine nuit et perdu au milieu de la Pampa pour un concert de death metal sauvage et improvisé. Subjugué par la prestation improbable de Wilker, Xido a décidé de changer ses plans et de tourner le documentaire sur le death metal angolais, Wilker et sa femme Sonia.
Pour les néophytes (et même si les origines du mouvement peuvent être attribués à plusieurs groupes), le death metal est né en Floride à la fin des années 80. Rapidement, les américains et les européens sont devenus les fers de lance de ce style de metal brutal, sauvage et underground.
Si au départ, cette musique était majoritairement jouées par des caucasiens, le « virus » a commencé à s’étendre à d’autres continents et des scènes ont émergées en Amérique Latine, en Asie, en Russie ou au Mahgreb. Seule l’Afrique Noire restait encore ces dernières années assez peu pourvoyeuse de groupes de metal.
La donne semble néanmoins avoir changé depuis 7/8 ans, puisque la presse spécialisé et le public concerné ont commencé à avoir des échos de groupes du Botswana, de l’Afrique du Sud et de l’Angola.
Là ou Death Metal Angola est très pertinent (et réussi), c’est qu’à la fin de ce documentaire, on se dit « Oui, c’est parfaitement logique que ces musiciens angolais s’expriment en jouant du death metal ».
Car en effet, quoi de mieux que le death metal , cette musique agressive et guerrière ne parlant que de morts, de guerre et de violence pourrait coller davantage au mode d’expression de ces jeunes qui racontent de douloureuses et atroces expériences de vie liées à la guerre.
Le premier groupe que l’on voit jouer s’appelle Black Soul. Pendant que les musiciens bastonnent leurs instruments, on voit le chanteur hurler d’une voix gutturale des paroles vindicatives racontant son terrible vécu et son envie de ne jamais abandonner malgré les horreurs qu’il a vu. Je suis personnellement assez habitué à écouter des chanteurs de metal et je dois dire que j’ai rarement vu et entendu un chanteur aussi en prise avec ses paroles…et le plus poignant, c’est qu’ici, rien n’est fantasmé. Tout est réel.
On comprend dés lors que ces angolais, même s’ils reproduisent des recettes musicales connues, jouent du fond du cœur LEUR death metal et que c’est très important pour eux…thérapeutique comme ils le disent eux-mêmes.
Dès lors, le film prend une envergure importante quand on réalise que cette musique est plus qu’un défouloir : Elle leur sert à transcender leur douleur et à exprimer toute leur peine…le death metal comme brutale résilience, ça en jette.
L’aspect musical avec le death est une chose, mais ce documentaire n’en reste pas là…loin s’en faut.
Dès le départ, Sonia Ferreira, bien qu’assez jeune, apparait comme une mère de substitution pour tous les jeunes orphelins accueillis à l’orphelinat. Ces derniers ne se privent pas d’ailleurs pour offrir quelques poses et attitudes de ce qu’ils estiment être leur vision rock…pour le plus grand plaisir de nos zygomatiques, leur enthousiasme et leur fraicheur faisant vraiment plaisir à voir.
En osant le pari fou d’organiser le premier festival de rock à Huambo, Wilker se heurte à une foule de problèmes qui décourageraient beaucoup d’organisateurs chez nous. En finançant lui-même et de sa poche (et uniquement par amour de la musique car le concert est gratuit !) le festival, le musicien « dreadlocké » montre qu’il est loin de toute considération monétaire et qu’il agit seulement par passion pour le rock. Ça aussi, et particulièrement de nos jours, ça fait plaisir à voir.
Si Death Metal Angola intéressera bien sûr les métalleux, c’est un documentaire ouvert à tout le monde. Avec simplicité, il montre toute la force de ce peuple qui ne se laisse pas abattre et qui transcende ses peines grâce à l’art, la solidarité avec son voisin et la joie de vivre tout simplement. Techniquement correct, incroyablement touchant et émouvant, ce documentaire fait relativiser ses problèmes en montrant ces gens enthousiastes et pleins d’espoirs même les deux pieds dans la mouise.
Plus personnellement, je suis toujours content de voir des musiciens noirs jouer du metal ou du rock avec talent…car contrairement à une certaine croyance commune, cette musique n’est pas l’apanage des blancs. L’intelligentsia rock à TROP SOUVENT tendance à oublier les grands groupes comme Death ou Bad Brains qui ont véritablement révolutionné le rock au profit de groupes de branleurs dont le seul mérite a été d’arriver au bon moment (les exemples sont nombreux et faciles à trouver). Bref, c’est beau et c’est à voir.
« Des ténèbres émergera la lumière » dit-on… Avec Death metal Angola, c’est une évidence des plus manifestes. Bravo à eux.
@ Pamalach