[Critique] EXODUS : GODS AND KINGS
Titre original : Exodus : Gods and Kings
Rating: (moyenne)
Origine : États-Unis/Angleterre/Espagne
Réalisateur : Ridley Scott
Distribution : Christian Bale, Joel Edgerton, John Turturro, Ben Kingsley, Aaron Paul, Ben Mendelsohn, Sigourney Weaver, María Valverde, Indira Varma…
Genre : Aventure/Péplum/Adaptation
Date de sortie : 24 décembre 2014
Le Pitch :
Moïse et le pharaon Ramsès ont grandi ensemble, élevés comme des frères. Conquérant régnant sur un empire ayant réduit en esclavage le peuple hébreux, Ramsès décide, malgré les puissants liens qui l’unissent à Moïse, de le bannir, lorsque les origines hébraïques de ce dernier sont dévoilées. Moïse qui a lui même du mal à croire qu’il n’est pas égyptien, mais bel et bien hébreux, est alors exilé et reçoit un message de Dieu, qui le conduira à la tête de la révolte des esclaves, puis de l’exode de tout un peuple. Désormais opposé à Ramsès, Moïse embrasse son destin…
La Critique (Gilles) Rating: :
2014 restera comme l’année de la résurrection au cinéma des récits bibliques. Une tradition hollywoodienne marquée notamment par le fameux Les 10 Commandements, de Cecil B. DeMille, et dans lequel on peut également inscrire Ben Hur, de William Wyler, qui s’était néanmoins cantonné à la télévision ces dernières années, via des super-productions destinées à cartonner dans les foyers du monde entier pendant les fêtes. 2014 donc, a vu resurgir deux personnages clés de L’Ancien Testament, à savoir Noé et Moïse. Noé chez Darren Aronofsky et Moïse chez Ridley Scott, avec Exodus, où comment le fils adoptif du pharaon se dressa contre la suprématie égyptienne pour sauver le peuple hébreux du joug de l’esclavage.
Deux longs-métrages qui optèrent pour une interprétation différente, qui déclencha de vives critiques de la part d’organisations religieuses peu ouvertes aux métaphores et autres appropriations d’histoires -et c’est le cas de le dire- inscrites dans la pierre.
Quand Noé s’avère avant tout être l’adaptation de la bande-dessinée de Niko Henrichon et de Darren Aronofsky, ce qui explique en partie la présence d’éléments plus ou moins inédits par rapport à ce qui est écrit dans la Bible, Exodus opte pour une approche plus terre à terre, mais partage néanmoins quelques points communs avec le long-métrage porté par Russell Crowe. Pour être plus précis, ce sont surtout Noé et Moïse qui se ressemblent sur quelques points.
Car il fallait bien évidemment s’en douter : Exodus, comme Noé, n’a pas vocation à aller dans le sens de la religion catholique. En gros, Ridley Scott ne nous fait pas le catéchisme. Il raconte juste une histoire porteuse de thèmes universels et propices à un spectacle épique purement cinématographique. Dieu est présent bien sûr, et tient même un rôle central, car c’est lui qui provoque le changement chez Moïse qui le fera passer de septique convaincu à meneur d’une révolution contre son peuple d’adoption. Mais Dieu n’apparait pas telle une grosse voix venue des cieux. On ne dévoilera pas de quelle façon il se manifeste, mais une chose est sûre, cet élément est à coup sûr responsable en grande partie du courroux des religieux mécontents mentionnés plus haut (cependant, si on y réfléchit bien, y compris en prenant en compte les codes religieux, et en replaçant l’histoire du film et de son personnage dans leur contexte, cette représentation n’est pas si aberrante que cela). Il n’apparait de plus qu’à Moïse et comme dans Noé, le prophète acquiert rapidement une dimension quasi-schizophrénique, mise en évidence par le biais du personnage incarné par Aaron Paul, qui observe régulièrement son ami parlant seul en haut de la montagne, alors qu’il est censé échanger avec le Tout-Puissant.
Cela dit, les conséquences de ces discussions et les actes de Dieu, à savoir dans le cas présent les dix plaies d’Egypte sont bien réelles et apportent la preuve à tous ceux qui auraient pu en douter, de l’intégrité mentale de Moïse. En d’autres termes, non Exodus n’embrasse pas aveuglément et dans son intégralité, l’Ancien Testament, mais oui il inclut Dieu et sa puissance dans l’équation.
Autre choix audacieux du film de Scott : l’aspect guerrier exacerbé. Scott revient au péplum 14 ans après Gladiator (entre temps, il y eu quand même Kingdom of Heaven et Robin des Bois) et forcément, ça bastonne un minimum. Son Moïse est un guerrier aguerri. Il troque son légendaire bâton de prêcheur contre un glaive aiguisé, et entraine les hébreux à la bataille avant d’encourager son peuple à la tolérance. Conséquence directe : Moïse fait usage plus qu’à son tour de son arme, et parfois de manière plus ou moins gratuite, à l’instar de cette séquence durant laquelle, après avoir appris la vérité sur ses origines, il dézingue deux soldats au détour d’une rue.
Exodus : Gods and Kings constitue une belle occasion de vérifier, qu’à 77 ans, Ridley Scott fait preuve d’une énergie qui fait défaut à des cinéastes moitié moins âgés. Très à l’aise quand il s’agit d’orchestrer d’homériques affrontements, Scott n’a actuellement que peu de rivaux. Il faut quand même savoir qu’Exodus n’a nécessité que de 74 jours de tournage. 74 jours pour un budget de 140 millions et des milliers de figurants plongés dans un environnement remarquablement reconstitué, brillant par un soucis de détail probant et par une minutie de tous les instants.
Exodus offre avant tout du grand spectacle à l’américaine. Superbe, cette œuvre pleine de souffle jouit de la mise en scène d’un vieux briscard rompu à cet exercice si périlleux. L’action est lisible, les mouvements de caméra parfois vertigineux sont toujours pertinents et le montage complètement au diapason. On renoue alors avec la grandeur de Gladiator, dans le bruit et la fureur des épées qui s’entrechoquent et dans le cri des hommes opposés les uns aux autres. Quand viennent les dix plaies d’Egypte, le show prend une nouvelle dimension, plus fantastique, et permet à Scott de jongler avec des effets-spéciaux sensationnels, qui offrent une relecture fastueuse de passages clés, comme l’ouverture de la Mer Rouge, l’invasion des grenouilles ou encore la mort des troupeaux, soit autant de séquences fortes, dont l’impact résonne parfaitement dans le récit global et ses enjeux. Idem en ce qui concerne le climax, ultra spectaculaire lui aussi et parfait pour clore ce film néanmoins un poil trop long, car parfois marqué par une rythmique un peu inégale, notamment quand débute la deuxième partie.
Christian Bale fut dans un premier temps envisagé pour tenir le rôle de Noé, dans le film d’Aronofsky. À la place, il est devenu Moïse. Acteur investi, limite obsessionnel, il s’avère, comme prévu, parfait. Complètement capable de jouer à la fois la brutalité, l’arrogance, puis la témérité, le découragement, la faiblesse et donc de se faire le vecteur d’une émotion complexe, Bale parvient à incarner le changement qui secoue son personnage. Toujours très charismatique, il insuffle, mais pas trop non plus, une belle modernité à Moïse et porte tout du long l’histoire dans laquelle il tient le rôle central. En face, Joel Edgerton doit faire face à ceux que beaucoup ont pointé du doigt comme une hérésie : il n’est pas égyptien, mais australien. John Turturro, son père à l’écran, ne l’est pas non plus d’ailleurs, pas plus que Sigourney Weaver. Et pourtant, ça passe comme une lettre à la poste. Edgerton, plus présent à l’écran que ses deux illustres collègues (Sigourney fait surtout office de caméo de luxe référentiel), fait de Pharaon une figure autoritaire et tyrannique plus que crédible, sans pour autant éluder les craintes et les doutes du personnage. Exodus explore avec brio la relation amour/haine entre ces deux frères ennemis, en soulignant notamment le rôle de(s) Dieu(x) dans la vie de chacun et leur propension à incarner les deux facettes d’une même pièce.
De leur côté, dans les rangs des opprimés, Ben Kinglsey et Aaron Paul, il faut bien le notifier, assurent les arrières du héros avec tout le talent qui les caractérise, histoire d’achever d’offrir au film un prestige dont il ne se détache jamais.
Exodus : Gods and Kings ne plaira pas à tout le monde c’est certain. Ridley Scott ne s’en cache pas, il n’a que faire des critiques et au fond, à 77 ans, il a bien raison de s’en balancer. Il n’a plus rien à prouver et continue pourtant à repousser ses propres limites pour nous proposer des œuvres comme celle-ci. Somptueux, fascinant, osé, Exodus est une tragédie classique aux accents indéniablement contemporains. Du cinéma visuellement généreux. Un blockbuster, un vrai, avec de la substance et une personnalité qui n’hésite pas à aller à rebrousse-poil et qui ne dévie pas de sa route.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : 20th Century Fox France
Mini-critique (Audrey) Rating: :
Exodus: Gods and Kings ou la version moderne et démystifiée de l’Exode mené par Moïse.
Exodus: Gods and Kings a été proposé en version 3D et ce que l’on peut en dire, c’est que cette dernière est tout à fait dispensable. Au final, l’image s’en retrouve assez assombrie, comme c’est souvent le cas dans de nombreux films qui utilisent cette technique. À côté de ça, beaucoup ont fait bien pire et quelques effets restent intéressants, donc ce n’est pas catastrophique non plus. Par ailleurs, avec ses 2H30, Exodus semble long, alors qu’en comparaison Les Dix Commandements, qui traite du même sujet et qui fait presque 4h retient davantage l’attention en symbolisant cette magnifique épopée (rappelons qu’il date de 1956 et et que l’on disposait alors d’une technologie beaucoup moins développée).
On ne peut pas non plus dire qu’Exodus manque de panache ! Il est bien mis en scène, et indéniablement beau de part ses images. Il possède d’ailleurs, outre son côté moderne voulu et accentué, un souffle guerrier qu’on attendait pas forcément.
Le plus gros soucis du dernier opus de Ridley Scott est qu’il semble être dénué de la moindre émotion. Auto-centré autour de Moïse duquel on ne voit quasiment pas l’évolution, les autres personnages centraux sont à peine effleurés. Loin d’être nul, mais étonnamment plat ! Pourtant on se souvient encore du magnifique Gladiator qui a laissé une empreinte indélébile dans les cahiers du cinéma, principalement grâce à son universalité et à l’émotion qui en émane.
@ Audrey Cartier