[Critique] GET ON UP

CRITIQUES | 25 septembre 2014 | Aucun commentaire
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Titre original : Get On Up

Rating: ★★★½☆
Origine : États-Unis
Réalisateur : Tate Taylor
Distribution : Chadwick Boseman, Nelsan Ellis, Viola Davis, Dan Aykroyd, Lennie James, Octavia Spencer, Jill Scott, Craig Robinson, Fred Melamed…
Genre : Biopic/Musical/Drame/Histoire vraie
Date de sortie : 24 septembre 2014

Le Pitch :
De la pauvreté extrême au luxe suprême, de l’anonymat à la gloire, James Brown a tout connu. Devenu par la seule force de sa volonté et de son talent unique l’un des plus grands artistes de la musique moderne, James Brown a monté les échelons pour au final inventer un style. Parrain ultime et incontesté de la Soul, Mister Dynamite a enflammé les scènes du monde entier, propageant un groove qui résonne dans l’éternité…

La Critique :
Il était temps ! C’est presque 8 ans après la disparition du Parrain de la Soul que son biopic hollywoodien sort dans les salles obscures. Huit ans pour James Brown, en même temps, ça peut se comprendre. Qui pourrait aborder un tel projet sans ressentir le poids du personnage ? Car s’attaquer à la vie et à l’œuvre de Mister Dynamite revient à raconter la naissance d’un courant musical à part entière. À narrer comment le gospel, le blues et le rock and roll ont nourri une soul carburant à un groove que seul James Brown savait moduler, lui qui lui avait justement donné naissance. Monument indomptable du rythm n’ blues, monstre funky incontrôlable, James Brown est partout. Aujourd’hui, comme hier, via ses propres disques, toujours plébiscités, dans les films, les séries ou les pubs et via l’influence incommensurable qu’il a pu avoir sur tous ceux qui évoluent dans les nombreux genres découlant de la soul. Get On Up débute d’ailleurs presque sur un Brown vindicatif , qui explique à une pauvre femme, comme le rap et tous les autres genres de musique ayant découlé du blues et du gospel, doivent quelque chose à sa musique. James Brown était une grande gueule. Un type jamais rassasié de s’entendre parler ou chanter, ou même hurler. Pour autant, s’il n’a pas toujours eu raison pendant son orageuse existence, cette affirmation est par contre intégralement vraie. L’artiste originaire de Caroline du Sud fait partie du club de celles et ceux qui ont construit la musique telle qu’on la connait aujourd’hui. À partir de rien, juste par la force d’une voix, d’un rythme, d’un pas de danse et d’une large dose de volonté, de courage et de charisme. Aux États-Unis comme en France et dans tous les autres pays qui ont accès à la musique, James Brown est connu. Apprécié aussi. Sans James Brown, Michael Jackson serait peut-être resté inconnu (et noir). Sans James Brown, le rap n’aurait certainement pas eu l’impact socio-culturel qu’il a eu et sans James Brown, le funk n’aurait pas eu autant de puissance. Alors oui, franchement, on peut finalement comprendre pourquoi Hollywood a mis du temps à s’attaquer à ce gros morceau. Hollywood, car c’est bien de cela qu’il s’agit, et pas d’un studio indépendant. C’est ce qu’est le film : un produit hollywoodien. Honnête, groovy, mais au final, plus proche du rendez-vous manqué que du vrai biopic plein de bruit et de fureur, qui aurait mieux collé avec la personnalité de James Brown.

La faute à Tate Taylor. Ou plutôt non. C’est la faute du producteur Brian Grazer, qui a filé le job à Taylor, probablement motivé par le succès de son précédent film, La Couleur des Sentiments. Mick Jagger aussi d’ailleurs, qui a co-produit le film, lui qui s’appropria les droits du biopic dans les années 90. Ray Charles a eu droit à Taylor Hackford, Jim Morrison à Oliver Stone, Johnny Cash à James Mangold, et James Brown a écopé du gars qui a fait La Couleur des Sentiments… Non pas qu’il s’agisse d’un mauvais film. Il est même plutôt bon d’ailleurs. Le problème vient du manque de hargne. De cette faculté à policer les choses pour les faire coller avec les critères en vigueur du biopic bien propre sur lui. Tate Taylor n’est pas un escroc mais son cinéma est trop sage. Son Get On Up le prouve une nouvelle fois. Complètement dans le ton avec sa Couleur des Sentiments, il manque de mordant face au monument de la soul music.
Au risque d’insister, il faut bien comprendre à qui on a affaire. Génie de la musique, Brown a aussi largement dépassé la ligne jaune à plusieurs reprises. Il a fait de la taule, a été fortement dépendant au PCP, avait la main lourde, et, de l’aveu de beaucoup, n’était pas le mec le plus facile à vivre qui soit. Dans Get On Up, James Brown fait un peu de prison, tire dans un plafond avec un fusil et se comporte souvent comme un despote. C’est peut-être suffisant pour saisir l’ambiguïté du personnage, mais insuffisant pour brosser un portrait convainquant. Jamais son addiction à la drogue n’est mentionnée. Get On Up est sage. Il ne déborde pas. Il se concentre sur les tubes, la danse, le groove et s’appuie sur ces bons bieux clichés qui caractérisent le biopic… hollywoodien.
À tel point, et c’est bien dommage, qu’on ne peut s’empêcher de penser parfois, qu’en remplaçant James Brown par Ray Charles ou Johnny Cash, on se retrouverait devant Ray ou devant Walk The Line. Deux films qui ont bénéficié de la mise en scène inspirée de réalisateurs plus burnés et plus en osmose avec leur sujet. Tate Taylor lui, a beau éclater la narration, en faisant des allers-retours dans le temps, rien n’y fait : son film ressemble exactement à ce qu’il devait ressembler. Aucune surprise. Au final, c’est l’émotion qui en pâti et ça, c’est vraiment regrettable.

Mais, car il y a un mais, Get On Up se défend. Principalement parce que devant la caméra s’agitent des acteurs soucieux de faire du bon boulot. Chadwick Boseman premièrement, campe un James Brown plus vrai que nature. Il ne chante peut-être pas, mais par contre, il danse et a tout compris à la gestuelle et à l’attitude si particulière du chanteur. Idem pour la voix (à voir en version originale), bluffante de mimétisme. Et tant pis pour les maquillages approximatifs censés illustrer un vieillissement. C’est triste à dire, mais on a l’habitude. À côté de la performance ahurissante de Boseman, les seconds rôles ne déméritent pas. De Craig Robinson, excellent Maceo Parker, à l’excellent Nelsan Ellis (le Lafayette de True Blood), en passant par les toujours irréprochables Viola Davis, Octavie Spencer et Dan Aykroyd, très touchant comme souvent, qui paye en quelque sorte son tribu à l’artiste après l’avoir notamment côtoyé en tant que Blues Brother à une époque où le roi était bien assis sur son trône, faisant la pluie et le beau temps sur la galaxie funk et soul.

Mais parce qu’il s’agit bien de James Brown, le film, malgré ses défauts manifestes, a de la gueule et reste recommandable. Filmé proprement, sans flamboyance, il témoigne néanmoins d’une carrière hors-norme, et raconte l’Amérique, à travers quelques événements, comme l’assassinat de Martin Luther King, qui mettent en exergue le parallèle entre l’histoire de la star et celle de son pays, avec notamment une réflexion pour le coup pertinente sur les ravages d’un racisme lattant sur une époque touchée par de multiples bouleversements sociaux. Évidemment, le long-métrage jouit également d’une bande-son fabuleuse. À eux seuls, les morceaux (les Sex Machine, Papa’s Got a Brand New Bag et autres Say it loud) du maestro, suffisent presque à raconter la vraie histoire du Godfather of Soul. C’est dans cette voix si caractéristique, remplie d’émotion, d’amour et de souffrance, que James Brown se livre à son public. Sans fard. Les yeux dans les yeux.
Get On Up n’est pas un grand film. On ne pourra jamais s’empêcher de regretter que quelqu’un de plus investi n’ait pas pris les commandes du projet (Spike Lee a bien failli s’y coller), mais en l’état, vu qu’il faut bien faire avec, Get On Up ne démérite pas totalement. Car à contre-courant d’un académisme hors sujet, James Brown habite chaque image de la pellicule pour toucher au vif et livrer sa vérité.

@ Gilles Rolland

Get-On-UpCrédits photos : Universal International Pictures France

Par Gilles Rolland le 25 septembre 2014

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