[Critique] HACKER
Titre original : Blackhat
Rating:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Michael Mann
Distribution : Chris Hemsworth, Tang Wei, Viola Davis, Ritchie Coster, Holt McCallany, Yorick Van Wageningen, Leehom Wang, William Mapother, John Ortiz, Jason Butler Harner, Archie Kao…
Genre : Thriller
Date de sortie : 18 mars 2015
Le Pitch :
Un hacker perce la sécurité d’une centrale nucléaire hongkongaise et provoque la fissure d’un caisson de confinement et la fusion du réacteur. À Chicago, le Mercantile Trade Exchange est lui aussi victime d’un piratage informatique, qui provoque soudainement l’inflation des prix du soja. Les méthodes utilisées sur les deux sites laissent entendre au FBI et à l’Armée populaire de libération chinoise que c’est la même personne qui a agi. Chargé de l’enquête, Dawai Chen, le spécialiste chinois de la défense contre les cyberattaques, réussit à obtenir une collaboration avec les États-Unis, malgré les réticences des deux camps, ainsi que la libération provisoire de Nicholas Hathaway, un célèbre hacker condamné à une longue peine de prison. Ensemble, ils vont traquer le terroriste sur plusieurs continents…
La Critique :
Aucune nouvelle de Michael Mann depuis 2009 et la sortie de Public Enemies, son film sur John Dillinger avec Johnny Depp et Christian Bale. Aucune, si ce n’est Killing Fields, le thriller poisseux signé par sa fille, Ami Canaan Mann, sorti quant à lui en 2011, que le cinéaste produisit.
L’arrivée de Blackhat, rebaptisé pour le coup Hacker, est donc un événement. Rien de moins. Voir l’un des cinéastes les plus furieusement doués du cinéma américain revenir aux affaires procure à la fois une excitation terrible, mais aussi, et c’est logique, une attente peut-être sur-dimensionnée.
Mann est un cinéaste rare et lorsqu’il décide d’embrasser un projet, le public sait que d’une façon ou d’une autre, la déception ne sera pas possible. Ou du moins pas totale, comme c’est le cas avec sa dernière livraison.
C’est Collateral qui a véritablement marqué l’entrée dans le numérique pour Michael Mann. Depuis, le réalisateur ne tourne plus sur pellicule et fait appel à une image haute définition, qu’il peut ainsi travailler à sa sauce, avec toute la maestria dont il capable. Contrairement à des artistes comme Christopher Nolan ou encore Quentin Tarantino, le géniteur de Miami Vice a vu dans les nouvelles technologies un excellent moyen de faire évoluer sa mise en scène. De faire plier l’image au grès de ses désirs les plus fous. Le numérique permettant de retoucher à peu près tout et n’importe quoi, tout en conférant au rendu final un réalisme de prime abord potentiellement perturbant. Déjà connu pour sa patte très identifiable, Mann s’est alors détaché de la masse et a affiné un style relativement hallucinant et pour le moins atypique, à une période où les avancés technologiques divisent presque autant qu’elles fédèrent.
Sans en rajouter des caisses niveaux effets-spéciaux, car là n’a jamais été son propos ou son but, Michael Mann a jusqu’ici bossé sur le grain de l’image et sur les textures. Un procédé unique, renforçant terriblement l’immersion, comme on a pu en faire l’expérience avec Collateral, Miami Vice et Public Enemies. Hacker ne déroge pas à la règle et va même encore plus loin dans cette recherche de l’ultra réalisme. Forcément au début, cela choque un peu. Pas dans la mauvais sens, car le travail derrière le moindre plan est probant et impressionnant, mais tout de même, un temps d’adaptation est nécessaire. Surtout quand l’action s’emballe. La violence se fait alors hyper frontale. Sans filtre. Le bruit des balles claque et à l’écran, la sauvagerie des fusillades explose avec une puissance en somme toute rare, que beaucoup d’apprentis réalisateurs cherchent à reproduire sans y arriver ne serait-ce qu’un peu.
Ainsi, graphiquement parlant, Hacker s’apparente à une jolie claque. Une claque déconcertante, dont l’éloquence et l’efficacité prouvent que le fait d’avoir franchi le cap des 70 ans n’a en rien ôté à Michael Mann sa formidable acuité et sa capacité à en mettre plein la vue tout en restant très âpre, très lisible et on ne peut plus percutant.
Mais, car il y a un mais, Hacker peine par contre quand il s’agit de raconter son histoire. Pourtant simple, car basé sur ce bon vieux jeu du chat et de la souris, le scénario prend trop son temps pour espérer maintenir une tension voulue haletante. Les personnages, desservis par des dialogues souvent confondant de banalité, voire parfois vraiment bas du front, n’encouragent pas une grande empathie, et offrent un regrettable écho au flagrant manque d’ambition d’une partition inutilement étirée en longueur. Au fond, si on oublie les détours inutiles que prend le récit, Hacker a tout du thriller de série B comme on en voyait des caisses dans les années 80. Quand Michael Mann illustre la progression des virus dans les circuits informatiques, au détour notamment d’une séquence introductive aussi interminable que finalement inutile, quand il tente de transformer son film en œuvre post-11 septembre via un personnage aussi mal croqué que vite expédié, ou encore quand il verse dans le badass au rythme de bastons pures et dures, le réalisateur a clairement le cul entre deux chaises. De toute évidence pas du tout intéressé par les tenants et les aboutissants des problématiques liées au cyberterrorisme, Mann oublie au passage de conférer de la profondeur à des personnages pourtant habités par des comédiens méritants et donc d’installer une véritable émotion. Chris Hemsworth en particulier, prouvant une nouvelle fois quel excellent acteur il est, à la fois solide et charismatique, dont le duo avec la parfaite Tang Wei, permet bien souvent l’émergence d’une émotion malheureusement tenue en laisse par un réalisateur qui se contente un peu de suivre un scénario dont la principale tare est d’enfiler les poncifs du genre, comme si une multitude de longs-métrages coulés dans le même moule n’avaient pas vu le jour depuis les années 80. Des films souvent moins bons certes, mais peu importe tant le manque d’audace du script jure violemment avec la virtuosité de la mise en image.
Toujours infiniment classe, Michael Mann revient avec un thriller visuellement spectaculaire. Avec un film qui, lorsqu’il appuie sur l’accélérateur, propose des scènes bluffantes, durant lesquelles la tension explose à l’écran. Dommage que l’on retrouve, intercalées entre ces superbes coups d’éclats, de longues plages parfois vraiment barbantes, dont le principal effet est de casser la dynamique d’une œuvre qui aurait gagné à se voir amputée d’une bonne demi-heure. En l’état, même handicapé par un scénario qui n’assume jamais véritablement ses aspirations « serie B d’action à l’ancienne », Hacker survole la masse, droit dans ses bottes. Même quand il doit composer avec une partition casse-gueule, portant sur un sujet auquel il ne s’intéresse de toute évidence pas vraiment, Michael Mann fait du cinéma couillu et parvient toujours à imposer son style. La marque des grands.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Universal Pictures International France