[Critique] KINGSMAN : SERVICES SECRETS

CRITIQUES | 19 février 2015 | 2 commentaires

Titre original : Kingsman : The Secret Service

Rating: ★★★★★
Origine : Angleterre
Réalisateur : Matthew Vaughn
Distribution : Colin Firth, Taron Egerton, Samuel L. Jackson, Michael Caine, Mark Strong, Sofia Boutella, Sophie Cookson, Mark Hamill…
Genre : Action/Comédie/Adaptation
Date de sortie : 18 février 2015

Le Pitch :
Kingsman, une organisation secrète du renseignement britannique, est à la recherche d’un nouvel agent. Harry Hart, l’un des membres les plus illustres, décide de se rapprocher de Eggsy, un jeune délinquant, fils d’un ancien membre tombé en mission. Alors que débutent les phases de sélection pour Eggsy, les Kingsmen doivent faire face à une nouvelle menace. Celle que Richmond Valentine, un richissime industriel frappadingue, fait peser sur le monde…

La Critique :
Ce n’est pas la première fois que Matthew Vaughn adapte un comic book de Mark Millar, puisque c’est au réalisateur britannique que l’on doit le premier Kick-Ass. C’est d’ailleurs lui qui a suggéré à Millar l’idée de Kingsman, avec pour objectif de l’adapter après avoir offert au X-Men une fastueuse illustration de leur origines en 2011. Les deux font la paire. Ils se comprennent et s’apprécient et forcement, leurs collaborations sonnent comme autant d’évidences rares. Tel était le cas pour Kick-Ass et tel est toujours le cas pour Kingsman, leur dernière tarte dans la gueule commune…

Lors d’une scène qui confronte Colin Firth à Samuel L. Jackson, le grand méchant, le premier affirme au second qu’il trouve les films d’espionnage modernes trop sérieux. La remise à jour de James Bond, avec Daniel Craig est évidemment visée, mais pas que, puisqu’on peut tout autant englober la saga Jason Bourne et la série de Jack Bauer, 24, par ailleurs également citées dans le long-métrage. En effet, aujourd’hui, les gadgets restent au vestiaire et tout est globalement plus réaliste. L’homme est de retour au premier plan. Il est baraqué, ne brille pas particulièrement par ses manières de gentlemen, est assailli par des démons intérieurs, etc… rien à voir en somme avec la version de Bond de Roger Moore par exemple, soit l’incarnation parfaite du 007 cabotin, fantasque, léger, typiquement british et si suavement cool. Avec ses posters en forme d’ultimes clins d’œil à des films comme Rien que pour vos yeux, Kingsman annonçait d’emblée la couleur et affirmait vouloir faire renaître un fun inhérent à un style de cinéma quelque peu oublié, car devenu trop sombre et, en quelque sorte, adulte.
Cela dit, avec son jeune caïd recruté pour rejoindre l’élite des espions britanniques et son action high tech entrevue dans le trailer, le nouveau film de Matthew Vaughn pouvait aussi tomber dans l’excès propre à ces productions adolescentes décérébrées promptes à engranger un max de blé au box office sans offrir quoi que ce soit de nouveau ou de particulièrement enthousiasmant. Et bien, c’était mal connaître Matthew Vaughn, qui s’impose décidément comme un metteur en scène non seulement talentueux, mais aussi résolument rock and roll !
Dès la scène d’introduction, avec en fond sonore le Money for Nothing de Dire Straits, Matthew Vaughn ne fait pas semblant et clame haut et fort que son Kingsman va pousser tous les compteurs dans le rouge. Une promesse qu’il tiendra haut la main, emmenant son dernier né vers des sommets insoupçonnés et l’imposant comme l’un des films les plus jubilatoires de ces dernières années.

Kingsman-Colin-Firth

Connecté à des références qu’il assume jusqu’au bout des ongles, Kingsman fait du pied à James Bond, mais se permet aussi d’opérer une mise à jour bienvenue, en rappelant au passage qu’il ne s’agit que de cinéma, et qu’en tant que moyen de divertir les foules, ce dernier peut tout se permettre. Très vite, le cinéaste se tourne vers les détracteurs de Kiss-Ass, qui avaient pointé du doigt la violence de ce dernier avec véhémence, pour leur asséner un joli doigt d’honneur. Kingsman sera pire ! Et oui ! Après la pause X-Men, certes flamboyante, mais soumise à des codes plus stricts, Vaughn profite de sa nouvelle collaboration avec Mark Millar (et Dave Gibbons) pour laisser s’exprimer le cinéaste punk qu’il ne souhaite pas voir sommeiller trop longtemps. Avec les moyens importants dont il dispose, il orchestre un conte initiatique, auquel il greffe une intrigue en effet digne des meilleurs James Bond, avec un méchant bien méchant et excentrique, campé par un Samuel L. Jackson parfaitement dans le ton (avec zozotement à l’appui). Se permettant de mettre en scène un tandem mentor/élève du plus bel effet, offrant de multiples possibilités là aussi totalement exploitées, Vaughn fonce pied au plancher et bille en tête vers l’objectif qu’il s’est fixé et ne regarde jamais dans le rétro. Gadgets à foison, mais pas trop non plus, assistante du méchant aussi séduisante que physiquement mortelle, rappelant un peu le Jaws de L’Espion qui m’aimait et de Moonraker, flegme sans équivoque des vétérans de l’intrigue, Colin Firth, Michael Caine et Mark Strong en tête, Kingsman n’oublie rien et s’approprie respectueusement un univers haut en couleurs dans une démarche jouissive et décomplexée. La folie qui anime cette œuvre à la croisée des chemins de genres séculaires, est de plus carrément bien distillée, au fil de séquences d’anthologies, rendues possibles grâce à un esprit frondeur ô combien rafraîchissant et à la virtuosité d’un réalisateur pertinent et généreux, à l’image de cette stupéfiante baston dans l’église avec Colin Firth et du plan-séquence à tomber à la renverse, ou encore cette incroyable conclusion à rendre vert de jalousie la plupart des films du genre qui sortent dans les salles à longueur d’années.
Barjot, Kingsman l’est sans aucun doute. Violent aussi donc, comme notifié plus haut. Une violence sauvage, esthétique et cartoonesque, soit largement arrosée d’un second degré délicieusement déviant , en grande partie responsable de l’identité de l’ensemble.

En bon film irrévérencieux, Kingsman bouscule les idées reçues et se moque bien des critiques qui ne manqueront pas de le taxer de mauvais goût et de tapageur. Constamment inventif, bourré d’action, finement écrit, réalisé de mains de maître, et rythmé par un bande son absolument géniale (avec du Free Bird de Lynyrd Skynyrd dedans), Kingsman peut aussi compter sur des comédiens investis. Colin Firth le premier, surprend dans un rôle à contre-emploi, en forme de résumé coup de poing, de tous ces personnages cultes de la fiction britannique. Étonnant dans l’action, il sait aussi personnifier ce fameux flegme anglais et ainsi communiquer un second degré parfait. Mark Strong aussi fait le job avec fougue, comme souvent, ainsi que l’incroyable (et française cocorico) Sofia Boutella, mortellement sexy. On l’a dit, Samuel L. Jackson est excellent, armé d’une grandiloquence superbement à propos, opposé à une équipe d’agents secrets brutalement surprenants et moins guindés que les apparences ne peuvent le suggérer. Enfin, en tête d’affiche, le jeune Taron Egerton parvient à déjouer les pièges d’un rôle casse-gueule. Loin des poncifs du jeune des banlieues, le comédien s’approprie son personnage, le comprend parfaitement, ne se laisse pas impressionner par ses illustres collègues, et participe lui aussi à instaurer la tonalité si particulière du long-métrage.

Il y a blockbuster et blockbuster. D’un côté se trouvent ceux qui jouent la facilité et l’outrance, sans chercher à élever leur condition de machine à fric ni à prendre de risques, et de l’autre, ceux qui tentent et qui, sans jamais renier leur fonction de divertissement, envoient valser les idées reçues. Kingsman, en bon pamphlet punk, appartient sans aucun doute à la seconde catégorie. Percutant, spectaculaire, hilarant, visuellement impressionnant, inspiré, respectueux et référentiel, il créé la surprise et gagne sur tous les plans (y compris quand il glisse une petite réflexion sur l’omniprésence de la technologie, entre autres considérations en adéquation avec des préoccupations actuelles). Au point où il n’est pas exagéré d’affirmer que rares sont les films du genre qui arrivent à se hisser à un tel niveau de perfection jubilatoire.

@ Gilles Rolland

Kingsman-Samuel-Jackson-Colin-FirthCrédits photos : 20th Century Fox France

 

Par Gilles Rolland le 19 février 2015

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Karl Libus
Karl Libus
9 années il y a

Oh que c’est tout bon ça!!!! Belle chronique une fois de plus!!!