[Critique] LE DERNIER LOUP
Rating:
Origines : France/Chine
Réalisateur : Jean-Jacques Annaud
Distribution : Feng Shaofeng, Shawn Dou, Ankhnyam Ragchaa, Yin Zhusheng, Basen Zhabu, Baoyingexige…
Genre : Aventure/Adaptation
Date de sortie : 25 février 2015
Le Pitch :
1969, deux jeunes chinois originaires de Pékin sont envoyés en Mongolie intérieure afin d’enseigner leur langue aux bergers nomades. L’un des deux, le prénommé Chen Zhen, va développer un lien particulier avec cette population, et découvrir qu’il a beaucoup à apprendre de cette dernière. Chen Zhen va également s’intéresser de près au loup, animal mystique de la région, à tel point qu’il décide un jour de capturer un louveteau et de l’élever en secret. Les ennuis commencent alors…
La Critique :
Jean-Jacques Annaud a toujours aimé les grands espaces, et on peut reconnaître qu’il a un talent certain pour les filmer. À l’instar de L’Ours, Le Dernier Loup s’inscrit dans cette veine de films qui prennent pied en pleine nature, et qui offrent un résultat franchement somptueux. Couchers de soleil, vues aériennes, courses poursuites, scènes nocturnes épiques, visuellement tout est très beau dans ce métrage qui délivre également la pensée du réalisateur sur un sujet important de notre époque, à savoir celui de l’environnement.
« Ça me rend très malheureux de voir que l’on scie la branche sur laquelle on est posé, de voir qu’on détruit ce qui nous est nécessaire. » a déclaré ce dernier lors d’une interview pendant la promotion du film.
Le message écologiste du film apparaît en divers points. Premièrement on l’observe avec l’importance donnée au loup, ce grand prédateur qui régule les écosystèmes, et dont la disparition à certains endroits du globe a déjà entraîné des déséquilibres. Ce fut d’ailleurs le cas dans les steppes de Mongolie, là où l’histoire du film se déroule. Le Dernier Loup interroge le rapport de l’Homme à ce grand prédateur souvent redouté et entouré d’une grande mystification. Les paysans avec lesquels évoluent le personnage principal, sacralisent quant à eux cet animal qu’ils respectent et craignent à la fois. Une sacralisation qui s’inscrit dans un mode de vie biocentrique à l’image de celui des amérindiens par exemple, ou encore d’autres peuples et civilisations qui vivent en symbiose avec la nature. Cette symbiose que l’on peut également appeler interdépendance prône l’équilibre et le respect du vivant. Dans Le Dernier Loup, Canis lupus est vu comme un élément essentiel au bon fonctionnement des écosystèmes. Globalement, la vie des nomades dans les steppes semble très bien retranscrite. Certaines réalités parfois dures ne sont d’ailleurs pas épargnées (il est stipulé que certaines scènes sont difficiles pour les plus jeunes). L’équipe du film est d’ailleurs partie trois semaines en Mongolie intérieure à la rencontre des habitants des steppes et de leur mode de vie. Le tournage a duré deux ans.
Chen Zhen, interprété à l’écran par Feng Shaofeng, débarque donc dans un cadre aux paysages inconnus et au lieu de fuir, il va développer un fort intérêt pour ce nouveau mode de vie qu’il découvre. S’acclimatant à ces nouvelles coutumes, sa vie va s’en trouver totalement bouleversé. La rencontre de Chen Zhen avec les paysans mongoles symbolise la fracture qui peut exister entre des communautés vivant de manière très différentes. Ici, la vie nomade en pleine nature sauvage fait face à la modernité de la vie en ville. L’histoire se déroulant pendant la période de la Révolution Culturelle dirigée par Mao, on relève une critique de l’expansionnisme, et un encouragement à la tolérance et au respect de la différence.
Mais Le Dernier Loup est avant tout un roman que le réalisateur qualifie de « puissant et exaltant ». Le film est effectivement l’adaptation du roman de Jiang Rong intitulé Le Totem du Loup. Ce roman a connu un vif succès en Chine et à travers le monde depuis sa parution. Il a été traduit dans une quarantaine de langues et distribué dans une centaine de pays. Au final Le Totem du Loup a été vendu à des millions d’exemplaires, et est d’ailleurs le deuxième livre le plus vendu après Le Petit livre rouge de Mao Zedong. Mais si Jean-Jacques Annaud qualifie l’œuvre littéraire de « puissante et exaltante », qu’en est-il de son adaptation cinématographique ?
Puissant, le film l’est au moins à certains moments précis et comme dit plus haut, il possède d’indéniables atouts. On parle ici des magnifiques paysages qui nous plongent dans les beautés à couper le souffle de la Mongolie intérieure, ou encore de la qualité des plans larges tout à fait captivants. En somme on parle de tous ces points positifs qui amènent un sentiment assez immersif. On peut d’ailleurs ajouter sans en dire plus qu’une séquence absolument éblouissante et spectaculaire vaut clairement le détour.
Cependant malgré ces grandes qualités le film peine à garder un rythme qui aurait pu maintenir une pleine attention. Peut-être trop lent, peut-être trop creux d’un point de vue scénaristique, il manque ce petit quelque chose qui aurait fait du Dernier Loup un très grand film. Ce dernier est donc tout à fait sympathique mais pas assez fulgurant pour en faire une grande fresque inoubliable. Il manque trop d’ingrédients pour cela, et en ressort un sentiment de platitude qui poussera certains à l’ennui. L’approche du métrage n’est également pas forcément très fine et on peut regretter que certains personnages frôlent la caricature. Cependant, cela n’altère pas le propos qui demeure tout à fait noble. Ce soupçon de caricature empêche pourtant l’émotion de passer.
Pour la défense du film, on notera tout de même que la version française, de mauvaise qualité, n’a vraiment pas aidé sur point précis.
À côté de cela, on soulignera les différents niveaux de lecture proposés. On l’a vu, Jean-Jacques Annaud nous sert volontairement un message écologiste qui semble lui tenir à cœur, mais il nous parle aussi de confrontation d’idéaux. Ainsi l’appétit vorace du gouvernement expansionniste chinois de l’époque vient s’opposer à la vie des nomades. L’urbanisation et le profit se fait au détriment de la nature. Invasion, non respect de la nature, emprise de l’Homme sur son environnement, autant de thématiques exploitées pour rendre compte d’un propos plus large qu’il n’y paraît. Des thématiques déjà présentes dans le roman en partie autobiographique de Jiang Rong, et replacées ici dans un contexte fictionnel.
Après les ours, les tigres le réalisateur qui a un lien particulier avec les animaux sauvages, a donc décidé de mettre en scène des loups. Et cela n’a semble t-il pas été de tout repos. Un dresseur spécialiste s’est occupé d’élever et de préparer pendant trois ans un certain nombre de loups, et une fois le tournage terminé il a pu les garder avec lui. On peut tout de même s’interroger sur la méthode utilisée pour le tournage, car le film prône tout de même grandement la liberté et le respect de la vie sauvage.
À côté de cela, si Le Dernier Loup permet l’évasion et le divertissement tout en poussant les gens à s’intéresser à la condition du loup, le pari semblera réussi.
@ Audrey Cartier
Crédits photos : Mars Distribution