[Critique] LES NOUVEAUX HÉROS
Titre original : Big Hero 6
Rating:
Origine : États-Unis
Réalisateurs : Don Hall, Chris Williams
Distribution voix : en V.O : Scott Adsit, Ryan Potter, T.J. Miller, Jamie Chung, Damon Wayans Jr., James Cromwell, Genesis Rodriguez, Maya Rudolph… / En V.F : Kyan Khojandi…
Genre : Animation/Fantastique/Action/Comédie
Date de sortie : 11 février 2015
Le Pitch :
Hiro et son grand frère Tadashi vivent chez leur tante à San Fransokyo. Véritables génies de la robotique, ils intègrent une équipe de jeunes chercheurs à l’université. Hiro y développe un système révolutionnaire de nano-particules contrôlées par la pensée. Mais un mystérieux vilain masqué s’empare de l’invention à des fins peu pacifiques. Avec l’aide de son robot Baymax et de quelques d’inventeurs geeks, Hiro monte une équipe de super-héros afint de combattre la menace…
La Critique :
La déferlante de super-heros continue et même Disney succombe aux sirènes de la mode. Cela n’est pas une grosse surprise toutefois, la firme ayant racheté Marvel il y a quelques années. Les Nouveaux Héros, qui nous intéresse aujourd’hui, est justement très librement adapté d’un de leur comics, inconnu du grand-public. Ainsi, l’apport de la boite de Stan Lee tient plus ici de la caution commerciale que créative, et le film correspond avant tout aux canons esthétiques et thématiques des productions Disney. Mais au vu du regain qualitatif de leurs productions depuis que John Lasseter en a repris la tête il y a bientôt dix ans, on aurait tort de ne pas se laisser tenter par ces super-héros pour petits et grands.
Don Hall et Chris Williams, les deux réalisateurs du film, ont rejoint Mickey en tant que scénaristes à la fin du siècle dernier, c’est à dire lorsque le studio connaissait ses derniers succès en animation traditionnelle. Ils ont ainsi participé à Tarzan, mais ont également affronté les galères en coulisses de La Ferme se Rebelle, Kuzco ou plus récemment La Princesse et la Grenouille. Ils ont néanmoins négocié leur virage vers l’animation en images de synthèse en contribuant à l’écriture du foutraque mais sous-estimé Bienvenue chez les Robinson, permettant à Chris Williams d’accéder à la réalisation de son premier long-métrage avec Volt en 2008. Pas étonnant dès lors que Hall et Williams proposent un film de super-héros 100% Disney : si l’histoire narre les énièmes origines cinématographiques d’un groupe de héros costumés aux pouvoirs délirants et complémentaires, la structure générale est un de ces récits initiatiques dont la firme a le secret : Hiro est un jeune orphelin cherchant un sens à sa vie et tentant d’exister en dépit de l’adversité, des préjugés et d’un manque flagrant de confiance en soi. Un chemin déjà emprunté avant lui par Aladdin, Tarzan, Hercule, Moustique, Mowgli ou même Cendrillon et bien d’autres encore.
Sur cette base classique, Hall et Williams parviennent néanmoins à proposer une variation rafraîchissante. Tout d’abord, saluons le design de la ville de San Fransokyo : mêlant subtilement les influences asiatiques et l’héritage west coast de la ville d’Alcatraz, ce futur proche s’avère des plus crédibles, voire même des plus enviables, le brassage architectural étant des plus attrayants. Autre surprise : en dépit du label Marvel, Les Nouveaux Héros lorgnent plus volontiers vers l’univers des Animes et des mangas japonais que vers les super-héros américains. Les super-pouvoirs ne proviennent pas d’une force surnaturelle ou d’une quelconque mutation génétique, mais de l’intelligence et l’inventivité des personnages. En ce sens, on serait également plus proche d’un Kick-Ass que d’un Spider-Man. Cette absence d’élément fantastique participe également de la crédibilité d’un monde futuriste qui célèbre la science comme principal vecteur de progrès social et de réalisation personnelle.
D’ailleurs, l’objectif du méchant vise à s’approprier l’invention de Hiro. Il ne veut pas dominer le monde ou devenir riche. Il veut se venger après avoir participé à une expérience durant laquelle il paya un lourd tribut…
Au-delà de ces considérations de fond sur lesquelles ne s’attarderont pas les plus jeunes spectateurs, abordons enfin l’élément « vendeur » qui a déjà assuré le succès du film outre Atlantique : ses personnages qui font preuve encore une fois d’un charisme à toute épreuve. En refusant de foncer tête baissée dans l’action, Williams et Hall prennent le temps de poser les relations entre les personnages principaux, ici Hiro et son grand frère. À noter qu’il s’agit des premiers héros d’origine asiatique dans un film Disney ; un choix cohérent avec le pluralisme culturel de la San Francisco réelle, et plus encore avec la mixité américano-japonaise du San Fransokyo du film. Le « jeu d’acteur » est efficacement soutenu par des dialogues justes et une jolie idée de mise en scène qui illustre leurs rapports en une image : dans leur chambre commune, Hiro occupe les trois quarts de l’espace dans le plus grand désordre, alors que Tadashi se contente d’un petit coin parfaitement rangé. Une discipline et une optimisation de l’espace toute tokyoïte que l’on retrouve dans le mode de rangement de la véritable attraction du film : le robot Baymax.
Comme mentionné plus haut, le film prend le temps de planter le décor, faisant preuve d’une belle foi en sa faculté à accrocher le spectateur avec ses personnages. Pourtant, avouons-le : ce n’est pas tout à fait le cas et le premier quart-d’heure peine à définir clairement le ton et la direction du scénario. Il faut attendre l’entrée en scène de Baymax pour que Les Nouveaux Héros décolle (littéralement). Le personnage emporte l’adhésion dès sa première apparition et malgré son absence d’émotion propre (c’est un robot-infirmier), chacune de ses interventions fait mouche : touchant et drôle, son évidente naïveté fait de lui un personnage finalement vulnérable et provoque une empathie immédiate. Baymax a tout pour devenir un nouveau personnage mémorable. Il ne détrônera probablement pas Buzz en termes de chiffres de vente de jouet, mais gageons qu’il ne déméritera pas et qu’il figurera sur plus d’un pyjama d’ici la fin de l’année !
Une fois la dynamique des personnages établies, la seconde moitié du métrage se montre riche en action, dont une anthologique scène de vol en ville (la 3D y est du plus bel effet) et un final spectaculaire qui se paye le luxe de finir sur une très jolie touche d’émotion. En termes de super-héros animés, on n’atteint certes pas Les Indestructibles de Brad Bird et Pixar, mais Les Nouveaux Héros assure le spectacle et dispose d’un capital sympathie évident. Son seul véritable défaut est peut-être de nous laisser quelque peu sur notre faim, car le film n’atteint sa vitesse de croisière qu’après une petite heure de chauffe. Dommage en effet que l’aventure s’arrête après une seule « mission », le groupe de héros ne réalisant le plein potentiel de son alchimie que lors de la scène finale. L’académie des Oscars vient malgré tout d’annoncer sa nomination pour le meilleur film d’animation. Et si on est en droit de préférer la facture épique et mythologique de Dragons 2 ou regretter que La Grande Aventure Lego, iconoclaste à souhait, n’ait pas été retenu, Les Nouveaux Héros est loin de démériter. Il s’inscrit comme une nouvelle réussite dans la renaissance numérique des studios Disney, après Volt, Raiponce, Les Mondes de Ralph, La Reine des Neiges…et Bienvenue chez les Robinson, puisqu’on vous dit qu’il était bien celui-là aussi !
PS : comme dans tout film estampillé Marvel, restez jusqu’à la fin générique…
@ Jérôme Muslewski
Crédits photos : The Walt Disney Company France