[Critique] L’ÉTRANGE POUVOIR DE NORMAN

CRITIQUES | 24 août 2012 | Aucun commentaire

Titre original : ParaNorman

Rating: ★★★★☆ (moyenne)
Origine : États-Unis
Réalisateur : Sam Fell et Chris Butler
Distribution voix (en V.O.) : Kodi Smit-McPhee, Tucker Albrizzi, Anna Kendrick, Casey Affleck, Christopher Mintz-Plasse, Leslie Mann, Jeff Garlin, Elaine Stritch, Bernard Hill…
Genre : Animation/Comédie/Aventure/Horreur
Date de sortie : 22 août 2012

Le Pitch :
Norman Babcock, jeune garçon solitaire et incompris, pourrait être vu comme un loser avec sa disposition introvertie et son obsession pour les films d’horreur. Mais il se fait rejeté par sa famille et ses camarades de classe pour d’autres raisons : il a le don bizarre de parler aux fantômes. Bien sûr, personne ne le croît. Norman habite la petite ville de Blithe Hollow, dont l’industrie du tourisme tire ses profits d’une malédiction de sorcière datant de l’époque coloniale. Le problème, c’est que la malédiction n’est pas une légende, et lorsqu’une attaque de zombies terrorise la population, Norman se retrouve à la tête d’une équipe qui comprend sa sœur aînée Courtney, son pote Neil, Mitch le grand frère de Neil, et Alvin le caïd de l’école. Ensemble, ils pourraient bien être l’unique espoir pour résoudre le sombre mystère au sein de Blithe Hollow…

La Critique (Daniel) Rating: ★★★★★ :
J.J. Abrams et Steven Spielberg se sont triturés les méninges pour rendre hommage au cinéma de Spielby des années 70 et 80 avec Super 8. Fort en émotion, le film était néanmoins une lettre d’amour rétro-cinématographique assez maladroite et tellement consciente de son image et de ses références, que le résultat était finalement un peu suffoquant, s’efforçant à capturer une magie qui n’était pas tout à fait présente, en fin de compte.

Cette magie, L’Étrange Pouvoir de Norman (quel titre brillant ! Parce que les mecs au marketing savent qu’on a aimé L’Étrange Noël de Monsieur Jack !) s’engage à la transcrire à l’écran dans ses propres termes. À un époque où les films pour enfants essayent tous d’être des tours de montagnes russes à grande échelle qui défilent à fond la caisse, histoire de garder l’attention des plus petits, ParaNorman (question de pratique, on va appeler le film par son titre original) a assez de confiance et de respect pour son récit intimiste centré autour d’une histoire humaine et des personnages authentiques, qu’il est prêt à prendre le temps de poser l’ambiance et de faire résonner ses thèmes.

Production modeste, ParaNorman prend vie grâce à Laika, une compagnie d’animation construite à partir des restes des studios jadis légendaires de Will Vinton, avec pour mission d’aller à l’encontre de la graine habituelle des comédies animées tous publics. Leur premier film, Coraline, brisa la routine non seulement avec un usage inventif de la 3D (parce que oui, c’est possible), mais aussi avec une atmosphère sombre et lugubre, plus dans la veine d’un film d’horreur pour adultes, qu’un divertissement pour les gosses. ParaNorman n’a pas le même côté maléfique qu’avait Coraline, préférant prendre une approche surnaturelle plus sobre et mélancolique, mais on est quand même bien loin du cinéma ordinaire « pour toute la famille ». Bien entendu, il y a déjà eu des films pour enfants qui font peur, mais ils utilisent souvent comme bases, la mythologie des contes de fées ou l’iconographie « sans risques » d’Halloween. ParaNorman tire plutôt son jeu des domaines de Lucio Fulci, John Carpenter et Sam Raimi.
Les films pour enfants qui font peur prennent toujours un risque, en partie parce cela peut être très difficile d’en définir les limites. La définition de la peur, surtout dans le sens visuel, peut changer en fonction de l’âge, et pas toujours de la manière prévue. L’Incroyable Hulk, par exemple, est indiscutablement plus effrayant pour les adultes que pour les gamins : les grands s’identifient aux choses tristes et angoissantes qui arrivent au personnage, tandis que les petits le voient plus comme un gus qui se transforme en Shrek quand il n’est pas content et casse tout. Parce que c’est Hulk.

Ceci pour dire que les adultes et les gosses ne sont pas branchés sur la même prise. On ne s’identifie pas au monde de la même façon, et cela différencie nos avis par rapport à ce qui nous fait peur et comment y réagir. Ce qui est partiellement le sous-texte du long-métrage. Lorsque l’intrigue commence, le fait de voir et de parler aux fantômes, a hanté Norman pendant si longtemps qu’il fait désormais partie de sa routine quotidienne. Dans le passé, il a essayé d’en parler, et devient la cible d’un harcèlement de la part des gros bras de l’école (tout en étant ostracisé par les autres). Plus problématique encore, c’est quelque-chose qui complique sa relation avec ses parents bien intentionnés. Après une mésaventure publique particulièrement humiliante, il se lamente du fait que son père a peur de lui. « Non, lui explique sa mère, il a peur pour toi ».

En dévoiler plus serait injuste. ParaNorman est construit sur plusieurs niveaux comme un mystère, où chaque personnage cache (et pas toujours consciemment) un secret qui en fait de lui un être radicalement différents. Cette même sensation d’orientation erronée (ou incomprise) infuse tout le reste du récit. Il est vrai, par exemple, que la ville de Blithe Hollow (une parodie brutale mais affectueuse de Salem, Massachussetts) est accablée d’une malédiction de zombies déchaînés par l’esprit d’une sorcière exécutée, mais le sens et les mécanismes de telles choses peuvent être trompeurs. Qui, par exemple, est vraiment maudit quand il s’agit des zombies ? Le film renforce ce thème à travers un design visuel qui, tout en insistant sur le réalisme des textures et des effets lumineux, est toujours conçu pour avoir l’air légèrement oblique.

En ce qui concerne l’étrange pouvoir de Norman (ahem) de voir les morts, Le Sixième Sens est la comparaison qui saute évidemment à l’esprit, même si le ton se rapproche plutôt des Fantômes d’Halloween, autre métrage d’enfants et de fantômes. La différence, c’est que Le Sixième Sens était un film où le gros danger imminent protégeait le garçon Cole Sear d’une dépression affligeante, alors que l’histoire de ParaNorman est plus un récit d’aventure avec des enjeux immédiats de vie ou de mort pour les personnes en question. Un véritable exploit si on considère que ce sont des personnages animés en pâte à modeler et faits à la main.

ParaNorman accomplit plus ou moins tout ce qu’il a à faire, et il le fait bien. Allons même jusqu’à dire qu’il s’agit d’une une œuvre quasiment sans faute : les personnages sont tous extrêmement bien développés, même les secondaires. Et à chaque fois que l’on pense que l’on a tout pigé, voilà qu’un autre rebondissement nous prend de court : notamment, un point de vue inventif sur les effets d’une malédiction de zombies, un commentaire ironique sur la laideur et le vide de la culture sociale américaine « normale », et une série de révélations d’une noirceur abyssale, dont le courage de repousser les limites de ce qui est permis dans un film pour enfants est sidérant.

Le meilleur aspect de ParaNorman, en dehors du fait que c’est une œuvre au scénario exceptionnel et une mise en scène impeccable, c’est qu’il refuse malgré tout de se reposer sur ses lauriers. Les zombies, les enfances incomprises et les références au cinéma d’aventure des années 80 sont des points qui font mouche sur le plan lucratif et commercial, mais le film ne tire pas son chapeau pour rien et ne se contente pas de flatter la sympathie de son public. ParaNorman raconte une histoire crédible avec des personnages humains, suscitant l’aide précieuse de l’impression tridimensionnelle, une technologie 3D qui anime les expressions faciales d’une façon réaliste jamais vue auparavant dans la stop motion.

Le résultat est une claque visuelle incroyable – le détail, les expressions, les émotions, tout est d’une beauté absolue. Une preuve de plus que la nouvelle technologie au cinéma n’est pas toujours destructrice, et qu’avec la bonne maîtrise, ça peut même enrichir la manière de raconter une histoire. C’est même l’arme secrète du film, puisque une bonne partie de la lente progression de la première moitié, centrée autour des personnages, consiste à lire le visage de Norman, pour voir ses réactions. On parle ici d’un film qui ne ponctue pas ses moments les plus sombres avec des blagues, mais avec de longues périodes de silence pour bien donner le temps de comprendre : une chose rare dans les vrais films d’horreur, et quasiment impossible dans un film pour enfants.

Le film parfait existe-t-il ? ParaNorman semble être un partisan optimiste de l’hypothèse. Les films d’animation d’aujourd’hui, c’est la routine : des divertissements oubliables comme Le Lorax ou des commandes inutiles dans le genre de Sammy, mais l’œuvre des studios Laika est une pure merveille. Supérieur à Coraline, destiné à être culte, avec des personnages excellents et un mystère fabuleux – niveau retour en arrière sur les aventures de l’enfance au cinéma, y’a pas mieux. ParaNorman est un grand film, fait par de grands artistes, et pourrait bien s’imposer comme un rival des productions Pixar. Un coup de maître, absolument sublime.

@ Daniel Rawnsley

La Critique (Audrey) Rating: ★★★☆☆ :
L’Étrange pouvoir de Norman nous offre une entrée superbement originale, tout comme l’est le reste du film. C’est tout de même rare, de voir des films d’animation aujourd’hui, non réalisés à base d’images de synthèse. Le film de Sam Fell et Chris Butler est un film d’animation en volume, c’est à dire de l’animation image par image (Stop motion et Go motion en anglais).

On avait déjà vu cette technique avec Les Noces funèbres, mais ce dernier bénéficie tout de même de quelques images de synthèse. On a ici une œuvre qui est assez référencée et on observera quelques clins d’œil. La force du film c’est qu’il ne se contente pas de nous proposer les infinis clichés que l’on retrouve dans certains films d’animation, et on peut même dire que ce genre s’est fait très pauvre, ces derniers temps, niveau contenu. On a enfin quelque chose de viable et de particulier, on réfléchit, et ça change.

Plusieurs univers se mélangent, une pincée de Sixième Sens par là, avec le petit garçon esseulé que l’on surnomme Freak (bizarre/anormal) à l’école et qui voit des morts ; une touche de Daria, par là, avec le prototype de la famille qui ne le comprend pas (à l’exception de sa mère) et l’opposition claire avec sa sœur ultra branchée. Puis il faut reconnaître que l’on retrouve l’esthétisme des Noces Funèbres de Tim Burton, pas uniquement de part la technique de la stop motion qui est utilisée, mais aussi à travers l’histoire en elle-même, son principal message et certaines images.
Le cinéma d’horreur est mis à l’honneur, les zombies respectent bien les codes des films d’épouvante classiques, même mieux on se moque d’eux et pour le coup ça marche plutôt bien, c’est drôle . Si on est attentif, on peut aussi voir quelques petites égratignures, brillamment dispersées, faites à notre mode de société et à nos comportements.

Quant à notre petit Norman il est absolument charmant, adorable et intelligent, le doublage est bon mais dénature la voix originale qui est beaucoup moins enfantine.
Les seconds « protagonistes » sont vraiment pas mal. Évidemment ils sont là pour agrémenter l’histoire, mais l’avantage ici, c’est qu’ils représentent à eux seuls une histoire à part entière. Leur personnalité est différente et ils servent chacun à leur manière le propos de tolérance voulu par l’esprit du film.

Il y a malheureusement quelques longueurs et un scénario un peu boiteux, mal ficelé qui viennent gâcher la fête. Le milieu du film est lent, le tout apparaît quelque peu bordélique et inégal .
Et le gros hic comme expliqué au dessus, c’est que l’histoire est beaucoup trop similaire aux Noces Funèbres.

Mais ce que l’on retiendra c’est qu’au final, les derniers moments sont beaux et lumineux. Les images sont singulières et s’orchestrent harmonieusement, elles montent crescendo pour finir en explosion et vous mènent vers un doux moment de poésie et d’humanisme.

Le plus important avec ce nouveau film d’animation qui sort des rangs du moment, ce sont les messages qu’il transporte. C’est une leçon de tolérance, un plaidoyer sur l’acceptation de la différence. Dans un sens plus profond, on peut y voir une vision réconciliatrice avec la mort. Mais avant tout, L’Étrange pouvoir de Norman est une célébration de l’Amour.

@ Audrey Cartier

Crédits photos : Laika Entertainment

Par Daniel Rawnsley le 24 août 2012

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