[Critique] LOST RIVER

CRITIQUES | 9 avril 2015 | Aucun commentaire
Lost-River-Poster

Titre original : Lost River

Rating: ★★★☆☆
Origine : États-Unis
Réalisateur : Ryan Gosling
Distribution : Christina Hendricks, Saoirse Ronan, Iain De Caestecker, Matt Smith, Eva Mendes, Ben Mendelsohn, Barbara Steele, Reda Kateb…
Genre : Drame
Date de sortie : 8 avril 2015

Le Pitch :
À Lost River, petite ville en ruine oubliée de tous, Billy, une mère célibataire, tente de maintenir sa vie à flot en protégeant notamment sa famille de l’expulsion. Alors que la région se dépeuple et que les maisons s’écroulent, Bones, le fils aîné, tente de réparer sa voiture pour mettre les voiles, tandis qu’un caïd local sans pitié, ne tarde pas à s’intéresser à lui. La solution à ce cauchemar éveillé se trouverait-elle sous les eaux de ce lac artificiel comme l’affirme cette jeune fille que l’on nomme Rat ? Bones va devoir le découvrir par lui-même…

La Critique :
Présentée au Festival de Cannes en 2014 dans la sélection Un Certain Regard, la première réalisation de Ryan Gosling arrive enfin dans les salles françaises, quelques 10 mois plus tard. Également écrit par l’ex-Disney Boy, qui avoue s’être inspiré de l’histoire d’une ville engloutie, que lui avait raconté sa mère quand il était enfant, Lost River n’est quoi qu’on en pense, pas un film facile. Ni facile d’accès, ni facile à appréhender, ni facile à aimer et ainsi ni facile à défendre.
Quand on le juge à l’aune des choix de l’acteur ces dernières années, Lost River apparaît tel la somme d’influences aussi évidentes que prévisibles. Mis à part Crazy, Stupid, Love et Gangster Squad, Gosling s’est surtout illustré dans des œuvres d’auteurs racés et indépendants, comme Nicolas Winding Refn et Derek Cianfrance, avec lesquels Gosling à tourné respectivement dans Drive et Only God Forgives et Blue Valentine et The Place Beyond the Pines. Son désir de passer de l’autre côté du miroir et de diriger à son tour son propre long-métrage ne pouvait donc que (fatalement) aller de pair avec une démarche artistique en forme de devoir studieux, car motivée par des références encore fraîches et à peine digérées. Lost River ressemble ainsi à ce qu’il devait ressembler, si on prend en compte d’où vient Gosling et quel cinéma il a privilégié ces dernières années. Est-ce un mal ? Pas nécessairement, mais ici, un peu quand même…

Lost-River-cast

Lost River est un premier film, pas de doute là-dessus. Ryan Gosling l’avoue lui-même : il a désiré se situer à mi-chemin entre les univers de Nicolas Winding Refn et de Derek Cianfrance. Le collage a peut-être de la gueule, mais globalement, c’est le côté bordélique qui ressort le plus. Il faut dire que Gosling n’y est pas allé avec le dos de cuillère et a tout mis. Des néons à la Only God Forgives, des ralentis, des plans contemplatifs, du gore, des références à Bava et à Gaspard Noé (Gosling a d’ailleurs débauché Benoît Debie, son directeur de la photographie), la présence au casting de la légendaire Barbara Steele, qui au passage ne sert strictement à rien sinon à conférer au film un petit supplément de prestige, des accès brutaux de violence sèche et un onirisme mal fagoté, se croisent et s’entrecroisent dans un univers tour à tour sombre, pastel et bariolé.
Côté distribution, Ryan Gosling a rameuté tous les potes. Ben Mendelsohn et sa femme Eva Mendes, de The Place Beyond The Pines et Christina Hendricks, qu’il a croisé dans Drive. Le personnage de Bones représentant quant à lui une sorte de version plus jeune du réalisateur, tel qu’on peut notamment le voir dans The Place Beyond The Pines. Pas très fin, car peut-être trop préoccupé à imbriquer les unes aux autres des pièces qui n’étaient pas faites pour aller ensemble, Gosling oublie un peu de raconter une histoire. On pige sans problème qu’il tente de peintre une représentation mélancolique et sans concession de l’Amérique touchée par la crise (ce n’est pas pour rien si l’action prend place à Detroit), mais il est plus difficile de comprendre le sens véritable des actes de certains personnages, tout comme leurs motivations, qui restent nébuleuses. Matt Smith par exemple, qui campe le bad guy de l’histoire, avec une grandiloquence inquiétante, s’agite un peu dans le vide et Ben Mendelsohn, comme d’habitude excellent, fait ce qu’il peut pour donner du corps à son personnage, que Gosling place sur la route de Christina Hendricks dans le seul but d’illustrer la déviance du genre humain, quand celui-ci croule sous le poids de difficultés inhérentes à un contexte économique et social dévasté.

Lost River avance tout de guingois, mais néanmoins, il avance. Un peu vain, très prétentieux et foutraque, il instaure quand même un certain malaise. Malaise qui prouve que quelque part, Ryan Gosling a réussi. Tant bien que mal. Traversé d’images puissantes, Lost River s’apparente à un cauchemar dans lequel il n’est pas spécialement facile de pénétrer et qui n’arrive jamais vraiment à être cohérent. Si il fait preuve d’une certaine audace, le cinéaste débutant trahit aussi une assurance trop visible, au sein d’une œuvre qui se regarde beaucoup trop le nombril. Une œuvre arrogante mais parfois marquante. Un conte fragile à la forme intéressante, mais au fond bancal. Parfois stimulant mais globalement anecdotique. Et puis franchement, même si c’est parfois étrangement hypnotique, c’est aussi souvent un peu ennuyeux…

@ Gilles Rolland

Lost-River

 

Crédits photos : The Jokers / Le Pacte

Par Gilles Rolland le 9 avril 2015

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