[Critique] MARGIN CALL

CRITIQUES | 6 mai 2012 | Aucun commentaire

Titre Original : Margin Call

Rating: ★★★★☆
Origine : États-Unis
Réalisateur : J.C. Chandor
Distribution : Kevin Spacey, Paul Bettany, Jeremy Irons, Zachary Quinto, Penn Badgley, Simon Baker, Stanley Tucci, Demi Moore, Mary McDonnell, Aasif Mandvi, Ashley Williams…
Genre : Drame
Date de sortie : 2 mai 2012

Le Pitch :
C’est jour de licenciement à Wall Street. Beaucoup de traders quittent leurs postes de travail. Parmi-eux, Eric Dale, qui travaille sur un gros dossier au moment il est mis à la porte. Avant de quitter l’immeuble, ce dernier s’en remet à Peter Sullivan, un jeune trader surdoué qui s’aperçoit vite de la teneur exceptionnelle de ces informations. Dès lors, il prévient ses supérieurs qui font eux-même remonter l’alerte jusqu’aux plus hautes sphères de la finance. À la veille d’un crash monumental, les requins de Wall Street commencent à mettre en place leur stratégie pour sauver leur peau…

La Critique :
Pour le commun des mortels, le monde de la bourse est un microcosme relativement impénétrable. Il y a bien les petits boursicoteurs qui spéculent le week-end sur de petites sommes, mais la majorité des personnes n’y entendent pas grand-chose. Tout le monde subit par contre les conséquences des placements de ces types qui dans leurs bureaux, jouent l’argent des banques. Mais ne rentrons pas dans des considérations qui, à court terme, déboucheraient probablement sur des propos erronés, dus à la mauvaise compréhension de mécanismes complexes.

Difficile donc pour un film d’arriver à passionner son public avec une histoire de traders. C’est la première et principale qualité de Margin Call, le premier film de J.C. Chandor : rendre accessible au plus grand nombre les enjeux de la Bourse. Oliver Stone avait déjà réussi pareil exploit en 1988, avec Wall Street, en mâtinant notamment son propos d’une tension propre au thriller et en rythmant les échanges entre le méchant Gordon Gecko (Michael Douglas) et le jeune arriviste Bud Fox (Charlie Sheen) avec la verve qu’on lui connait. Ceci dit, Margin Call est différent.

Se déroulant sur un court laps de temps (24 heures), le long-métrage se concentre sur les prémices d’une énorme crise boursière. De ses premiers balbutiements à la prise de conscience totale de l’évènement par ses protagonistes, qui prennent alors les décisions qui selon eux s’imposent. Le scénario de Chandor rend donc compréhensible une situation tentaculaire grâce à un brillant stratagème, qui en plus de rendre limpide les enjeux, souligne le caractère roublard (le mot est faible) des loups de la finance. Quand le personnage de Peter Sullivan, subalterne au potentiel conséquent, découvre l’ampleur des dégâts à venir, il informe ses supérieurs. C’est là que la situation s’éclaircit pour nous, qui n’avons pas les clés pour comprendre. Car les grands patrons non plus ne comprennent rien, insistant bien sur le fait que ce n’est pas leurs capacités à lire les chiffres et à les manipuler qui les ont propulsé dans les plus prestigieux bureaux des établissements bancaires. En demandant une clarification primaire des éléments de la crise qui se profile, les patrons mettent en exergue, de par leur incapacité à décortiquer des problèmes qui découlent directement de leurs propres avidité irresponsable, une incompétence révoltante et -si le monde tournait rond- théoriquement incompatible avec leur statut de Maitre du monde capitaliste.

Margin Call est donc relativement limpide. Pas besoin de se prendre la tête pour comprendre l’action quand le scénario s’avère suffisamment nerveux et vif pour rendre ses joutes verbales passionnantes sur la longueur. La pression s’accentue au fil des minutes et les acteurs, tous excellents (mention à Zachary Quinto, vu dans Heroes, qui produit le film, qui se révèle sous un jour nouveau) contribuent à accentuer le côté immersif.

L’intrigue de Margin Call prend initialement pied en bas de l’échelle du « milieu » boursier. Il y a les traders, qui doivent leur job à leurs chiffres et à la chance, les patrons qui doivent rendre des comptes et les grands pontes, intouchables et impitoyables qui se palpent des millions tous les ans. Le film souligne le dédain de ces hommes pour les gens du peuple, qui morflent directement quand les cordons de la bourse se rompent. La scène de l’ascenseur où Demi Moore et Simon Baker discutent de la crise sans considérer d’une quelconque façon que ce soit la femme de ménage qui se trouve entre-eux, est en cela probante.

Chronique virulente de la crise, Margin Call est un film puissant et efficace. Il pénètre le capitalisme, en illustre les failles avec pertinence et intelligence et évite de faire preuve d’un manichéisme qui aurait de toute façon été encombrant. Margin Call ne porte pas un regard accusateur primaire sur les actions de ces types qui font la pluie et le beau temps de l’économie mondiale et qui sont à l’origine d’une situation cruelle et bien réelle. Le film essaye juste de rendre compte d’évènements, le plus clairement possible. Ce qui n’empêche pas d’avoir affaire ici à une belle brochette de salopards. À lui seul, le personnage de Jeremy Irons, apparemment inspiré de Richard S. Fuld, ex-patron de Lehman Brothers, incarne d’ailleurs les pires déviances d’un système financier agonisant.

Un peu plombant, de par son absence d’humour, Margin Call s’impose néanmoins d’emblée comme une œuvre importante car ancrée dans notre présent. Il dénonce sans démagogie, ni sensationnalisme facile le cynisme qui creuse la tombe d’un système qui va devoir se renouveler jusque dans ses fondements les plus profonds, pour espérer survivre. À moins qu’il ne soit déjà trop tard.

Long-métrage utile Margin Call se termine justement devant une tombe. Une scène qui résume merveilleusement bien le propos et la tonalité d’une œuvre grave.

@ Gilles Rolland

Crédits photos : Before The Door Pictures

Par Gilles Rolland le 6 mai 2012

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