[Critique] MA MÈRE ET MOI

CRITIQUES | 24 octobre 2016 | Aucun commentaire
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Titre original : The Meddler

Rating: ★★★★½
Origine : États-Unis
Réalisatrice : Lorene Scafaria
Distribution : Susan Sarandon, Rose Byrne, J.K. Simmons, Jason Ritter, Jerrod Carmichael, Cecily Strong…
Genre : Comédie/Drame
Date de sortie : 16 septembre 2016 (VOD)

Le Pitch :
Marnie Minervini est seule et veuve depuis peu. Quand sa fille Lori emménage à Los Angeles afin de poursuivre sa carrière de scénariste, elle fait de même pour être plus près d’elle. Car Marnie est une de ces mères qui appellent leur fille sans arrêt. Lori, qui vient de rompre avec son copain, n’en peut plus de son acharnement, alors Marnie dirige son énergie ailleurs, devenant par la suite la figure maternelle d’un grand nombre d’inconnus…

La Critique :
« Bref »

Le premier mot prononcé à l’écran ne vient pas cette fois-ci de la série éponyme de Canal +, mais se trouve plutôt au début de chaque coup de téléphone de Marnie Minervini, comme pour reprendre un monologue momentanément interrompu. Incarnée par Susan Sarandon avec un franc enthousiasme et un accent new-yorkais qui finit par devenir attachant, elle passe beaucoup de temps à laisser des longs messages drôlement détaillés à sa fille en déprime, Lori (Rose Byrne). Récemment veuve, Marnie vient d’emménager à Los Angeles, où sa petite adorée a eu un grand tournant pour sa carrière de scénariste télé pile au moment d’une rupture douloureuse avec son copain (Jason Ritter) une star de cinéma. Maman est là pour aider, mais elle ne connaît pas trop ses limites, venant lui rendre des visites à l’improviste avec des bagels et cherchant le partage mère-fille à tous les mauvais moments.

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Au premier abord ce film pourrait cristalliser beaucoup des codes qu’on voit dans les sitcoms (le titre malencontreux et l’affreuse campagne publicitaire ne font pas grand chose pour suggérer autre chose, même en anglais), mais quelle surprise, quel plaisir, de découvrir le registre mélancolique dans lequel Lorene Scafaria a posé Ma Mère et Moi. Le film voit Marnie débarquer avec bienveillance et ses gros sabots en plein milieu de situations comiques qui s’avèrent être un peu plus tristes et un peu plus discrètes que prévu, surtout si on considère la façon dont elles sont mises en place. Ma Mère et Moi paraît légèrement plus sobre et plus atténué que la comédie typique. Un peu comme la vie, quoi.

Aucune surprise, alors, que Scafaria elle-même, avoue qu’elle a basé son histoire sur les expériences personnelles de sa propre famille après la mort de son père. Il y a une merveilleuse spécificité dans les situations, des détails errants si parfaitement aléatoires qu’ils sont probablement issus d’événements réels. Marnie a été laissée par son défunt mari avec une tonne d’argent et un vide émotionnel. Toute cette énergie maternelle doit aller quelque part. Elle commence alors à adopter des âmes un peu perdues, payant pour un mariage lesbien élaboré pour l’une des amies pas-si-proches de sa fille (Cecily Strong) et conduisant ce gentil jeune homme de l’Apple Store (Jerrod Carmichael) jusqu’à ses classes au collège communautaire. Elle a aussi attiré l’attention d’un flic motard à la retraite (J.K. Simmons) qui élève des poules qui dansent sur la musique de Dolly Parton.

Toutes ces interactions finissent par se dérouler plus doucement que prévu (même la séquence de rigueur mamie-se-défonce-à-la-weed n’entre pas dans le jeu de la bouffonnerie). De minute en minute il y a une image ou une observation qui fait allusion au chagrin et qui sonne juste, parce que le chagrin, c’est le vrai, pas celui du cinéma. Comme la façon dont Marnie hésite à cocher une case sur un formulaire parce que les seules options dans la rubrique « situation maritale » sont mariée ou célibataire. Ou la séquence où Marnie voit une psy qui suggère qu’elle claque tout l’argent que lui a laissé Joe parce qu’elle le voit comme un prix de consolation, et Marnie, entourée de sacs de shopping, nie tout d’un regard vide. Quand Marnie visite la famille de Joe à New York et mentionne par hasard que ça fait un an que son mari est décédé alors qu’en fait, cela fait deux ans. Le temps est perçu différemment quand on a perdu quelqu’un de proche. Le voir capturé à l’écran de manière si subtile s’avère miraculeux.

Mais le film est aussi très drôle. Scafaria a une manière judicieuse de couper le montage de ses blagues de façon à ce qu’on rigole beaucoup plus par implication. Des séquences comme celle qui voit un agent de sécurité trop enthousiaste ou un policier complètement trempé sont ici reléguées au second plan dans le rôle de brèves ellipses, alors que tous deux seraient traités de manière plus prononcées dans un film plus conventionnel. Quand Marnie traîne avec Zipper, l’ex-flic de J.K. Simmons qui ne perd pas de temps pour l’informer poliment que sa bécane n’est pas une bécane, mais une Harley Davidson, ce n’est pas juste une histoire romantique qui est retardée pour prolonger le film. Marnie hésite parce que dans ses manières old school et californiennes, Zipper lui rappelle Joe, et elle ne sait pas si elle peut aimer un homme comme lui à nouveau. On devine que Zipper a compris la chose même s’il n’a pas tous les détails, juste par la façon dont il l’écoute : avec patience et sérénité.

La photographie de Brett Pawlak rayonne si chaleureusement que le film semble briller de l’intérieur. Des termes qui conviennent également à la performance de Susan Sarandon. Marnie Minervini aurait facilement pu être une fouineuse qui fait la morale à tout le monde, mais regardez donc les grands yeux, la curiosité et la gentillesse innée qu’apporte Sarandon à son rôle, même quand elle fait la maman un peu casse-pieds. Parfois, dans une scène, on la voit en train de penser derrière son sourire, et on sait qu’elle pense à Joe. Tout à coup elle est présente mais aussi perdue au loin, à des milliers de kilomètres. C’est l’une de ses grandes performances à l’écran, délicate et exquisément modérée.

Dans un plan formidable en plein milieu du film, Marnie est assise à table avec ses beaux-frères, et une photo de Joe est en train de la bousculer vers la droite du cadre. C’est un analogue visuel parfait pour le sentiment de perte qui n’arrête pas de décentraliser son personnage. Ma Mère et Moi n’offre pas vraiment de happy end ou de résolutions faciles mais on aime passer du temps avec ces gens-là, et à la fin ils semblent en meilleure posture que quand on les a rencontrés. Enfin. Bref.

En Bref…
Dommage pour le titre et l’affiche mensongère, mais Ma Mère et Moi est un beau film, si délicat et surprenant. Comme des comédies dramatiques hollywoodiennes un peu old-school dans le registre de Tendres Passions ou Ce Cher Intrus, il se déroule dans la réalité et traite de vrais sentiments. C’est peut-être l’un des portraits les plus honnêtes sur le chagrin, triste et drôle en même temps. Et Susan Sarandon est merveilleuse.

@ Daniel Rawnsley

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Par Daniel Rawnsley le 24 octobre 2016

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