[Critique] MISTER BABADOOK

CRITIQUES | 31 juillet 2014 | Aucun commentaire

Titre original : The Babadook

Rating: ★★★★☆
Origine : Australie
Réalisatrice : Jennifer Kent
Distribution : Essie Davis, Noah Wiseman, Daniel Henshall, Barbara West, Tim Purcell…
Genre : Épouvante/Horreur/Drame
Date de sortie : 30 juillet 2014

Le Pitch :
Amelia, une jeune veuve, vit seule avec Samuel, son petit garçon de 6 ans, qu’elle tente d’élever du mieux qu’elle le peut. Une tâche rendue difficile par le caractère de l’enfant et par le traumatisme encore tenace de la mort de son époux, alors qu’elle était encore enceinte. Un jour, Samuel trouve un livre pour enfant. Un mystérieux ouvrage qui raconte l’histoire d’un inquiétant personnage nommé Mister Babadook. Très effrayé par la perspective de voir débarquer Babadook dans sa maison, Samuel devient très perturbé et plus ou moins ingérable. De prime abord incrédule quant à l’existence de ce lugubre croque-mitaine, Amélia doit pourtant se rendre à l’évidence quand ce dernier commence à se montrer…

La Critique :
L’Australie, l’autre pays de l’horreur… Alors que les États-Unis s’enfoncent plus ou moins toujours dans les sables mouvants que sont les productions horrifiques bon marché, en multipliant notamment les found footages fauchés et autres suites de hits du box office (même si certains films relèvent superbement le niveau de temps en temps), l’épouvante continue d’inspirer de vrais conteurs d’histoires à travers le monde. L’Australie, comme l’Angleterre ou encore l’Espagne, fait partie de ces contrées qui abritent d’authentiques visionnaires de l’horreur, garants d’une patte héritée des plus grands et donc d’un bon gros paquet de frissons bien solides et persistants.
Remarquée grâce à un court-métrage (Monstre), Jennifer Kent est de ceux-là. De ceux qui résistent et qui continuent à perpétuer une tradition qui veut que la peur ne soit pas qu’une vague succession de sursauts préfabriqués. Prenant le genre très au sérieux, la cinéaste déboule donc avec un premier long-métrage et met tout le monde d’accord.

Le Babadook intervient dans la vie dissolue d’une femme au bord de la crise de nerfs. Amelia est seule depuis la mort de son mari et son gamin est insupportable. Elle n’aime pas spécialement son boulot, n’a que très peu de famille, et sa maison est un véritable temple du glauque. Débordée, la jeune femme n’arrive pas à tourner la page depuis la mort de son mari, presque sept ans auparavant. La vie est dure et le Babadook ne va pas la simplifier.
Pour Jennifer Kent, le Babadook est avant tout l’expression du refoulement des sentiments puissants et souvent destructeurs que sont la colère et le ressentiment. Avant d’introduire l’horreur, la réalisatrice prend soin d’installer un climat avant tout dramatique et cruellement réaliste. Le deuil, les difficultés qui accompagnent la vie de mère célibataire et même l’enfance, comme victime tragiquement privilégiée des problèmes des adultes, sont passés au crible, avant même que le monstre ne sorte de sa tanière. Et c’est parce que l’épouvante pousse dans un environnement authentiquement palpable qu’elle s’avère terriblement efficace.

Inspiré par l’expressionnisme allemand, auquel elle fait régulièrement de savoureux clins d’œil, Jennifer Kent soigne la forme avec une maturité assez impressionnante. Les décors sont de parfaits réceptacles à l’horreur surnaturelle et poétique que charrie le Babadook. Un croque-mitaine à mi-chemin entre Freddy Krueger et le Jeeper Creeper, dont chaque apparition ne manque pas de soulever une peur sourde. Effrayant, Mister Babadook l’est sans aucun doute. À vrai dire, peu nombreux, en ce moment, sont les longs-métrages qui arrivent si rapidement et de manière si pénétrante, à installer un climat de peur si palpable.
Un peu à la manière de Kubrick avec Shining, Jennifer Kent laisse planer le doute quand à la réalité de sa créature fugace et pourtant si omniprésente. Amelia est-elle folle ou elle et son gamin sont-ils bien les victimes d’une entité démoniaque ? Le film ne donne jamais vraiment la réponse, étant donné que les événements ne sont racontés que par le prisme des deux personnages principaux. Huis-clos rondement mené, lorgnant vers quelques pépites pas piquées des vers (Rosemary’s Baby par exemple), sans pour autant perdre de son intégrité, Mister Babadook terrifie autant qu’il trouble.
De plus, Essie Davis est superbe d’intensité. Troublant, effrayant, authentique, son jeu est remarquable de mesure, répondant à la performance également impressionnante du jeune Noah Wiseman.
Ensemble, sous la direction d’une réalisatrice de caractère qui ne se laisse jamais dominer par son sujet ou par ses influences, ils font de Mister Babadook un petit sommet du genre. Un film noir, marquant, tragique et ô combien effrayant. Indéniablement assez pour donner envie de jeter un œil sous son lit avant d’éteindre les lumières…

@ Gilles Rolland

Mister-Babadook-castCrédits photos : Wild Bunch Distribution

 

Par Gilles Rolland le 31 juillet 2014

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